Agents secrets aux temps des pirates, un album gentillement farfelu

Mélanger l’univers de l’espionnage à celui de la piraterie, il fallait oser le faire surtout avec une aussi évidente décontraction que celle de Mathieu Gabella et d’Anthony Audibert, rehaussée d’une agréable fantaisie.

La Reine d’Angleterre s’inquiète des attentats perpétués contre son service de renseignement, des pigeons piégés qui font voler bien des plumes dans les pigeonniers flottants de sa Majesté. Qui en est responsable ? Une nation concurrente ? Des vilains pirates ?

Pendant ce temps, dans la seule école de marine pour filles, le seul pensionnaire masculin s’ennuie, ne réagissant à peine qu’aux provocations des autres apprenties marin. Son nom, Boone, James Boone, son numéro de lit est le 07. Accompagné de 08, jeune fille effrontée, il va découvrir que sur leur île se cache bien plus qu’une école de marine.

James Boone n’a pas encore les épaules d’un agent secret, c’est un jeune homme qui se laisse un peu emporter avec indolence mais dont on perçoit déjà quelques traits de caractère bien utiles pour la carrière qui semble lui être destinée, un certain répondant quand on le cherche et malgré tout une certaine ingéniosité pour se défaire des pièges tendus. Dans cet album, le principal objet en sa possession pour l’aider est du maïs aux propriétés lumineuses et explosives, envoyé depuis les États-Unis.

Des petites références, l’album n’en manque pas, avec des chansons connues modifiées, des liens actuels mais aussi des jeux de mots parfois discrets, souvent amusants. « Tout ce qui touche aux pigeons est devenu bien volatile » peut-on lire après l’explosion d’un pigeonnier. Il y a un certain flegme dans cet humour, faussement innocent, qui rappellera bien sur l’humour anglais. Mais la fantaisie que déploient les artistes impliqués se trouve aussi dans d’autres idées visuelles, à l’image des chipies de la marine ou de cet emploi des pigeons à bien des niveaux de l’histoire. Connaissez-vous la triangulation pigeonnesque ? C’est bien pratique pour le décompte des battements d’aile. Le scénariste Mathieu Gabella est pourtant bien plus connu pour ses histoires sérieuses, mais James Boon 07 lui offre une nouvelle corde à son arc, réussie en plus.

Anthony Audibert a le trait souple. Avec la multiplication des angles de vue, James Boon 07 semble furieusement se rapprocher de l’animation, au point parfois de se révéler un peu trop confus dans le dynamisme proposé, dans une recherche du mouvement parfois un peu trop poussée. Les couleurs semblent d’ailleurs curieusement un peu ternes, comme si elles manquaient un peu d’éclat malgré la beauté des paysages colorés proposés. Tandis que les cases semblent un peu trop étroites pour la vivacité du trait d’Audibert et le mouvement de ses compositions. Il y a un potentiel évident, mais qui semble un peu gâché par le format choisi, qui aurait probablement gagné à être plus grand, tandis que l’impression a peut-être assombri les couleurs.

Dommage, en dehors du deuxième tome de la série (et son dernier), les travaux par la suite confiés à Anthony Aubert entre illustrations de commande et projets collectifs ont probablement fait passer sous le radar un artiste avec une patte certaine, même si encore maladroite dans James Boone 07.

Mené tambour battant, ce James Boone est malgré ces défauts une bonne surprise. L’hybridation entre l’espionnage et la piraterie fonctionne bien, grâce à l’imagination d’un scénariste et d’un dessinateur investis et d’une ligne directrice fantaisiste bien assumée. Sa trame globale est un peu plus mal assurée, fragilisée par son rythme soutenu, alors on retiendra avant tout ce de premier tome son humour facétieux présent à chaque page, offrant de très nombreux sourires.