Désespérement drôle

Une des plus belles rencontres que j'aie pu faire en BD. Et pourtant, il n'est pas des plus faciles ce L.D.' (prononcez eldéprime). Quadra neurasthénique, il passe le plus clair de son temps à déverser ses malheurs et son humeur de chien. Société, mariage, avenir, faits divers, tout est sujet à de bien sombres observations. Et à chaque coup, c'est imparable.
Les illustrations sont presque accessoires, puisqu'elles se composent des mêmes strips, quoique ils traduisent habilement le moral et le quotidien (répétitif) de notre malheureux héros. Ce que l'on retient surtout, c'est l'écriture. L.D.' est une mine d'or, située quelque part entre entre La Rochefoucauld, Oscar Wilde et Pierre Desproges. La répartie du larron est proprement mortelle, chaque volet (trois en tout) offre avec lui une bonne douzaine d'aphorismes instantanément mémorisés. Il y a une jubilation indescriptible à voir un esprit aussi désabusé passer à la moulinette à peu près tout ce qui l'environne.
Si vous avez lu Chez les Tartuf(f)es, l'évidence s'impose d'elle-même : L.D.' est un double de son auteur, D. Kelvin. Hanté par la vie mais remonté à mort, le double fictionnel est l'exutoire parfait pour son créateur, qui se livre sans filtre. Oui, il est arrogant mais aussi incroyablement attachant. Oui, il est méchamment drôle mais il a bien raison de l'être. Curieux à dire, mais au final je crois que je considère L.D.' comme un ami.
Quelqu'un qui en l'espace de quelques pages donne envie de jouer sur les mots avec malice, de faire un pas de côté pour regarder les choses différemment, et de lâcher sa bile une fois de temps en temps. Ça ne mange pas de pain, et avec un peu de chance cela (r)ouvrira l'appétit pour la vie.