Moby Dick
6.9
Moby Dick

BD franco-belge de Jean Rouaud et Denis Deprez (2007)

"Dieu avait préparé un grand poisson pour engloutir Jonas"

Moby Dick, étrange animal, étrange objet littéraire.

Il y aurait une histoire bibliophile à écrire sur la vie littéraire qui entoure le roman d'Herman Melville. Plusieurs chapitres seraient consacrés à la seule BD qui a été prolixe sur cette histoire de harponneurs. On pourrait citer Will Esner, un des pères du comics, pour qui la question du Bien et du Mal a toujours été prégnante. Les écrivains n'ont pas été en reste : les traductions sont nombreuses et parfois farfelues. La première d'entre elles en France, à laquelle participa Jean Giono, avait confondu la baleine et le cachalot, aux dentitions pourtant si différentes ! Giono ne parlait pas anglais, certes... L'anecdote n'est pas anodine, elle montre l'attrait mystérieux qu'exerce cette œuvre sur les écrivains et les esprits littéraires.

Dans cet ouvrage, Jean Rouaud, prix Goncourt pour "Les Champs d'Honneur", remet l'ouvrage sur le métier : le texte est ciselé, poétique, rare. Les mots ont leur poids. L'ouvrage est rythmé, la langue franche sans rien perdre d'élégance. Moby Dick est là, vainqueur final, et l'histoire se finit par une chasse à l'homme au milieu des mers, mais c'est bien l'histoire d'Achab qu'on nous raconte, et celle d'Ismail le narrateur et de son ami Queequeg. L'efficacité du récit est préservée, pour une BD qui ne fait qu'une centaine de pages, probablement parce qu'elle tient à ce choix de trois personnages qui absorbent le récit.

La BD tient par la beauté du dessin et le choix des angles. Les grands chapitres de l'histoire ont des dominantes de couleurs : rouge puis violet, puis bleu, puis marron. Ces grands aplats de couleurs, ces tonalités donnent à l'histoire une partie de sa richesse visuelle. La police de caractère facilite la lecture mais dénote singulièrement avec la beauté du dessin ! N'aurait-on pas pu choisir une calligraphie plus belle ? Malgré cela, qui reste une gêne persistante à la lecture, le dessin est magistral, avec un sens aigu de la disparition des personnages dans les tempêtes de neige ou dans le brouillard des océans.

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JMKRO
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le 14 févr. 2015

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