Après le succès de l’inattendu Moi René Tardi, prisonnier de guerre au Stalag IIB relatant le début de la guerre de son paternel (un peu comme si la Deuxième Grande Guerre mondiale s’était fait petite, à l’échelle humaine dans le regard d’un homme au quotidien), Jacques revient raconter les histoire de son père. Un homme que les (més)aventures ont conduit à l’emprisonnement dans le Stalag IIB, camp de Poméranie (dans le Nord Polonais). Une vie misérable pendant près de 4 ans que nous vous laisserons découvrir. Car, deux ans après, c’est un deuxième tome, Mon retour en France, qui fait aujourd’hui l’actualité, reprenant là où Tardi avait laissé l’Histoire et son histoire familiale, en janvier 1945.

En effet, les prisonniers du Stalag quittent enfin leur prison à ciel ouvert et aux barbelés bien acérés. Les Allemands ont reçu l’ordre d’évacuer. Le bout de l’enfer? Loin de là, le pire est peut-être à venir car la saison n’est pas la plus propice à l’évasion, à la course folle vers une liberté inespérée: il faudra faire avec la neige qui colle aux semelles et empêche la progression, le froid qui engourdit les membres, les “bagages” lourds, la famine avancée, les rages de dents, les coups des Posten allemands qui ont gardé, eux, la dent dure et j’en passe. L’épopée du pire continue pour René Tardi, à travers Pologne et Allemagne pour regagner Lille et puis… Valence, enfin!

Fidèle à la narration adoptée pour le premier tome, Jacques Tardi ne déroge pas à sa règle: le dessin est toujours aussi identifiable et ondulé; l’ambiance faite de noir, de blanc et de nuances de gris (sauf la fin où… surprise!) et chaque planche inexorablement divisée en 3 cases étalées en paysage, en longueur. Pour bien voir l’horizon, cette ampleur du désastre et cette colonne d’hommes au pas militaire. On retrouve également Jacques Tardi qui s’incarne dans la peau du gamin et garnement têtu (mèche rebelle à l’appui) de 15 ans qu’il devait être. Cette incursion de Jacques Tardi dans le récit de son papa est plus que jamais présente, questionnant sans attendre son père, lui signalant les approximations de son récit et cherchant le détail. Car le petit garçon porte la voix du Jacques Tardi devenu dessinateur qui, dans les années 80, demandait et questionnait son papa sur sa guerre menée et vécue en tant que prisonnier. Une rencontre fictive et achronique entre le prisonnier et son fils (même pas encore né en 1945) donnant du rythme ainsi que quelques moments drôles et cocasses mais ne laissant pas passer le lecteur à côté du sujet: la continuité de la guerre inhumaine, horrible et voyant s’avancer des colonies d’hommes dans la bouche d’un hiver meurtrier, de froid et de fatigue.

Certes, l’”aventure” (si si, c’en est une, même morne et tue-l’espoir) est moins palpitante que le premier tome et sur 128 pages, plus de 110 sont consacrées à la (très) lente progression de ces hommes, ces militaires de l’inutile, qui n’avaient rien demandé sinon de rentrer et de revoir leur famille. Pourtant, Tardi possède ce talent inégalable pour ne pas ennuyer son lecteur, le happer et lui faire ressentir. Ressentir les conditions infectes de ce retour vers la France, on sent la neige, on sent le froid (et ce n’est pas parce qu’on a oublié de mettre de la chaleur dans notre bureau), on s’immisce dans ce récit enrichissant et comme on dit “par le petit bout de la lorgnette” loin des ouvrages (trop) généraux. Et puis, il y a cette explosion de couleur, la joie réhabilitée. Tardi est un maître qui a tout saisi de son art et de la portée de celui-ci! Ce tome 2 des aventures de son papa en est un nouvel exemple. Et apparemment, il y aura un tome 3!
Alexis_Seny
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le 7 févr. 2015

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Alexis Seny

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