Ce volume insiste sur l'étendue de l'opposition au système totalitaire d'Horologiom: beaucoup de Chapeaux Noirs, réputés fidèles et scrupuleux, nourrissent des espoirs de changement plus ou moins faciles à dissimuler, d'autant qu'ils marchent de pair avec des manifestations émotionnelles et sentimentales fort mal vues dans la cité. A ces conspirations politiques se superposent des conflits personnels: Sacharine ne peut pas vraiment compter ni sur Nahédig, ni sur Haxe.
La narration est malgré tout sujette à des temporalités bizarres qui en rendent parfois la lecture difficile: autant on nous téléphone, dans la planche 9, que Nahédig est un ancien collaborateur jaloux de Sacharine, autant il faut attendre le présent volume (planche 4) pour connaître le nom et les intentions de personnages assez largement perçus dans le volume précédent. Dans le même ordre d'idées, la planche 17, qui montre Néhadig guettant le coucher de soleil sur les toits, fait patiner l'action sans autre motif perceptible qu'un exercice de style graphique.
Le scénario exagère l'une des étrangetés communes dans les récits de traque: le héros doit être épargné par ses ennemis eux-mêmes (sinon, l'histoire s'arrêterait là); et ici, en effet, les "vilains" passent de temps à expliquer pourquoi il faut sauvegarder la vie de l' "Homme sans clef", alors que ce dernier, il faut bien l'avouer, ne fait rien ou pas grand chose; il en est réduit à suivre Sacharine un peu partout, et ses projets sont obscurs ou fort modestes. On le dirait porté par ses ennemis vers un destin qui lui échappe complètement.
La qualité et l'imagination du graphisme se confirment, avec une mention particulière pour les couleurs de Florence Breton, qui sait maintenir des luminosités suffisamment atténuées pour donner le sentiment que l'essentiel de l'action se déroule dans le milieu intérieur, souterrain ou nocturne, même si l'on est en plein jour.