Ce tome fait suite à Low Tome 1 (épisodes 1 à 6) qu'il faut avoir lu avant pour comprendre le récit et savoir qui sont les personnages. Il comprend les épisodes 7 à 10, initialement parus en 2015, écrits par Rick Remender, dessinés et encrés par Greg Tocchini. La mise en couleurs de l'épisodes 7 est effectuée par Tocchini, celle des épisodes 8 à 10 est réalisée par Dave McCaig. Le tome se termine avec une couverture variante réalisée par Rafael Albuquerque, ainsi que 6 pages de crayonnés.


Épisode 7 - Dans la cité de Voldin (la deuxième cité sous-marine par ordre d'importance, après celle de Salus), la ministre de la police Della Dvonyen se dispute avec Torjvic, une artiste et son amante, car cette dernière est en train de peindre un lieu secret. Della jette sa peinture dans l'incinérateur, malgré le fait que Torjvic était prête à le faire après l'avoir achevée. Une fois la scène avec son amante terminée, Della Dvonyen prend son service et accomplit un raid sur une imprimerie clandestine diffusant de la propagande d'espoir.


Rick Remender n'est pas toujours prévenant à l'égard de ses lecteurs. Cet épisode débute avec une scène de ménage, entre une jeune femme uniquement vêtue d'une petite culotte bleue, et une autre totalement habillée portant une chapka d'un blanc immaculé. Leurs noms ne sont pas mentionnés de tout l'épisode, ni même celui de la cité. Il faut attendre l'épisode 9 pour avoir des éclaircissements sur la manière dont ces 2 femmes se rattachent à l'intrigue générale qui est donc laissée en plan le temps de cet épisode. Par contre, le lecteur comprend tout de suite comment il se rattache à la série d'un point de vue thématique. Dans cette ville, le gouvernement a mis en œuvre une police répressive ayant pour mission d'endiguer tout message d'espoir de crainte que la population n'y croit. La trame du récit est assez basique : Della Torjvic fait partie de ces forces de l'ordre chargée d'anéantir toute tentative de susciter l'espoir par les médias clandestins, et dans le même temps elle est amoureuse d'une artiste rebelle. Le lecteur perçoit ce paradoxe comme un aveu de l'indissociabilité de la vie et de l'espoir.


Greg Tocchini assure à nouveau l'intégralité de la partie visuelle. Son approche artistique n'a pas changé : des formes souvent détourées à grand trait, avec une mise en couleurs complexe associant des aplats très précis rehaussés de dégradés à l'infographie, du coloriage à grand coup de pinceau d'épaisseur moyenne, et des tâches de couleurs vives. Cette mise en couleurs sophistiquée habille les formes et leur donne une consistance remarquable, tout en rendant compte de la perception sélective de ce qui l'entoure par l'œil humain. Le lecteur a l'impression de pouvoir toucher les poils de la chapka, le grain de la peau de Della et de Torjvic, la consistance de la peinture sur le pinceau de cette dernière, la froideur stérile des cloisons de l'appartement de Torjvic. En outre, Tocchini joue sur la forme des cases pour le découpage des planches, afin d'accentuer le rythme de la narration, par des cases plus petites et plus nombreuses pour accélérer le rythme de lecture, avec des cases de la largeur de la page de petite hauteur pour donner l'impression d'une succession rapide de mouvements dans un espace contraint, avec des cases plus grandes pour attester de l'importance du moment. Comme dans le premier tome, cet épisode met en scène la nudité des 2 femmes, dans des circonstances différentes (pour être à son aise, pour prendre une douche) avec une forme de chasteté du fait de l'absence de détails anatomiques ou de gros plans.


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Épisodes 8 à 10 - Des créatures mi-guêpe, mi-humain, torturent une créature mi-rat mi-humain, jusqu'à ce qu'elle donne naissance à des larves. À bord de leur vaisseau sous-marin, le trio formé par Stel Caine, Zem et Mertali poursuit sa progression vers la sonde. Stel est rongée par le doute après la perte d'un être cher subie quelques heures auparavant et la découverte de l'état d'une de ses filles. Elle commence à penser que son positivisme quantique relève d'une vaste fumisterie. Zem lui raconte sa propre histoire personnelle, et la manière dont le positivisme qu'elle a inculqué à son fils Marik l'a sauvé, lui Zem, du désespoir de sa propre situation, mais aussi des crimes dont il s'est rendu coupable. Mertali réagit violemment aux aveux des crimes de Zem, tentant de le tuer. Partie seule à la recherche de sa fille Tajo, Sel Cain se retrouve face à une sirène vampire. La position de Della Dvonyen/Cain au sein de la police est devenue intenable et elle tombe dans un guet-apens.


Décidément, Rick Remender n'épargne rien à son lecteur. Il revient au fil narratif principal, avec les aveux de Zem, en présence d'une autre créature qui n'avait pas eu droit à beaucoup de cases dans le premier tome, et qui finit elle aussi seins nus (mais pourquoi ?, d'ailleurs la sirène aussi) mais toujours sans détail ni gros plan. Il y a cette sirène vampire qui arrive comme un cheveu sur la soupe, un détour par la situation de Della (Ah, oui ! C'est sa fille), et la scène totalement cryptique avec les créatures mi-guêpe, mi-humain (non, là je ne vois pas). Le lecteur n'a bien sûr pas d'autre choix que de prendre les séquences comme elles viennent, en croisant les doigts pour être capables de raccrocher les wagons. Effectivement tout se tient au final, sauf ces créatures mi-guêpe, mi-humain (sûrement dans un prochain tome…). Pour autant la lecture délivre son quota de divertissement. En particulier, l'épisode 9 est constitué pour moitié (10 pages) de 2 scènes de combat spectaculaire, avec un enchaînement de mouvements remarquable pour la première, et une puissance de feu spectaculaire pour la seconde. Les auteurs remettent le couvert pour l'épisode 10 avec une scène d'affrontement physique sous-marin de 14 pages sur 25 au total. À nouveau Tocchini réalise une mise en scène épatante pour un enchaînement logique des différents coups, des différentes parades, de l'irruption d'autres combattants, tout ça sous l'océan.


Le lecteur constate tout de même que les dessins ont un peu perdu en consistance. Ce n'est pas criant, mais en fait la mise en couleurs est redescendue d'un cran en termes de substance. Dave McCaig utilise bien le même amalgame de technique que Tocchini, mais moins systématiquement, avec une sensibilité légèrement amoindrie. Certains camaïeux en fond de case se révèlent moins complexes, moins riches, diminuant d'un ou deux degrés la consistance des décors, laissant apparaître par endroit la technique qui consiste pour le dessinateur à se focaliser sur les personnages, sans se préoccuper des arrière-plans. McCaig n'utilise pas la technique consistant à appliquer une couleur comme avec un grand coup de pinceau pour une impression plus organique.


De son coté, Greg Tocchini affine un peu plus ses crayonnés par endroit, ce qui dans ces cas-là accentue un peu le décalage entre les cases avec des contours peaufinés et une mise en couleurs riche, et celles avec des contours plus esquissés et une mise en couleurs moins complexe. La complémentarité entre dessins et couleurs fonctionne mieux pour les scènes de combat physique et moins bien pour les scènes de dialogue. Le ressenti du lecteur dépend de la manière dont il s'était accoutumé aux pages dessinées et colorisées par Tocchini. Si ce mode narratif avait fini par lui paraître cohérent, il regrette d'autant plus la mise en couleurs un peu dégradée de Dave McCaig. S'il n'avait pas réussi à être en phase avec ce mode de représentation, il apprécie plus les cases avec une apparence traditionnelle, sans pour autant pouvoir plus s'habituer aux autres. Au global, la narration visuelle de Greg Tocchini reste inventive dans le découpage des planches en case, à chaque fois adaptée à la nature de la séquence, et par es plans de prise de vue.


Au fil de ces 3 épisodes, le lecteur reprend pied dans l'intrigue principale : il est question de retrouver la sonde contenant peut-être des informations cruciales sur une autre planète habitable, et les différents membres de la famille Cain (ceux encore vivants) apparaissent. L'histoire avance, avec toujours autant d'embûches. Au fil des séquences, il retrouve également les thèmes présents dans le premier tome, à commencer par le pouvoir de la pensée positive (mais aussi ses limites), les valeurs humanistes (à commencer par l'empathie et l'attention portée à autrui), le pardon, la rédemption, l'élan vital, et l'espoir plus fort que tout. Comme dans le premier tome, le lecteur peut être tenté de trouver que Remender & Tocchini en font de trop, que les personnages doivent faire face à des drames trop sadiques, à des choix trop cornéliens, à des situations où ils ne peuvent souvent que perdre. Il peut alors considérer ce récit comme un drame quasi shakespearien, ou penser que le scénariste joue à fond la carte du malheur jusqu'à l'exagération de telle sorte que le lecteur puisse y voir une farce noire et sadique. Dans les 2 cas, cette lecture incite à se confronter à ses convictions morales, à ses propres motivations face à l'absurdité existentielle, à remettre en question ses priorités, ce qui a le plus d'importance à ses yeux.


Rick Remender et Greg Tocchini sont rejoints par Dave McCaig qui prend en charge la mise en couleurs à partir de l'épisode 8. Il apparaît que les créateurs ont un récit et un monde bien développé avec une idée claire de la direction de leur récit. Il est possible que cette direction ne soit pas aussi évidente à distinguer pour le lecteur, et que la mise en images le déstabilise, voire le rebute par instant. Dans le même temps, les auteurs ont concocté des séquences d'action épatantes, des situations inventives et surprenantes, et font souffrir leur personnage principal de telle sorte à ce que le lecteur éprouve une grande empathie pour elle. Même si la forme est parfois contrariante, l'histoire livre son quota de divertissement et aborde des questions de fond sur les valeurs morales et le sens de l'existence.

Presence
8
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le 30 juil. 2019

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