Ce tome fait suite à The Wicked + The Divine - Tome 05: Phase impériale (1ère partie) (épisodes 22 à 28) qu'il faut avoir lu avant. Il comprend les épisodes 29 à 33, initialement parus en 2017, écrits par Kieron Gillen, dessinés et encrés par Jamie McKelvie, avec une mise en couleurs réalisée par Matthew Wilson. Il comprend également les couvertures originales de McKelvie, ainsi que les couvertures alternatives réalisées par Jock, McKelvie (*3), Meredith McClaren, Jonathan Hickman, Sophie Campbell, Noelle Stevenson, Russell Dauterman.


Laura Wilson se réveille dans son lit, avec à ses côtés une jeune femme qui ressemble à Luci, et qui a des tournures de phrases similaires. La jeune femme consulte son téléphone et pousse un petit cri en découvrant une information. Le 22 août 2013, Baal termine une prestation devant des fans : Sakhmet l'attend à la sortie. Plus tard, 2 officiers de police interrogent Laura Wilson pour savoir si elle sait où se trouve Sakhmet (Ruth Clarkson). Alors qu'elle repart en marchant, elle est interpellée par Amaterasu (Emily Greenaway) qui lui indique que Baal souhaite la voir. Dans les locaux de Valhalla à Londres, Baal est en train de superviser l'entraînement de Minerva pour qu'elle soit capable de se défendre contre des attaques physiques. Il l'oblige à achever un robot attaquant, qu'elle aille jusqu'au bout. Laura Wilson arrive, Minerva reste dans la salle d'entraînement. Baal et Laura commencent à faire le point. Ils se rendent dans la salle où se trouve l'immense machine construite par Woden sur les ordres d'Ananke, et selon ses spécifications. Ils y retrouvent Cassandra et les Norns, ainsi que Dionysus et Woden. Ils ne savent toujours pas à quoi devait servir cette machine. Après un échange de point de vue, Woden indique qu'il va continuer à travailler pour comprendre la machine, et Baal demande à Dionysos, Laura et à Cassandra d'aller parler à The Morrigan.


Dionysos, Laura et à Cassandra se rendent dans le tunnel de métro où Laura avait réussi à contacter Morrigan la dernière fois. Cette dernière accepte de s'entretenir avec eux sous réserve que la Destructrice se retire, ce qu'elle fait. La discussion ne mène nulle part et Morrigan refuse de faire venir Baphomet (Cameron). Cassandra finit par renoncer et s'en aller ; Dionysos s'assoit par terre et indique qu'il ne bougera pas tant qu'il n'aura pas vu Cameron. À l'extérieur, Laura Wilson se remémore une discussion qu'elle a eu avec Ruth sur le fait que Ruth ait tué son propre père. Cassandra sort de la station de métro et a une brève discussion avec Laura sur ce qu'elle va faire maintenant. Cette dernière a l'intention de rentrer chez elle, de dormir, et de sortir se divertir. Mais le soir venu, toutes les personnes qu'elle côtoie l'assurent de leur soutien suite aux terribles épreuves qu'elle a traversées. L'état d'esprit de Laura se dégrade au fur et à mesure, jusqu'à ce qu'un jeune homme l'aborde, lui propose de lui tenir compagnie, et lui indique qu'il a de quoi se mettre la tête à l'envers. Laura est tout de suite plus intéressée.


En commençant ce sixième tome, le lecteur sait par avance que les auteurs vont lui présenter les conséquences des actions radicales de Sakhmet à la fin du tome précédent. Il sait aussi que les divinités restantes sont dans une phase où elles se cherchent, chacune préférant s'occuper de sa propre personne que de participer à un effort de groupe. Enfin, l'explication donnée dans le tome précédent sur le terme de Phase Impériale indique que les choses vont aller en s'empirant. Le lecteur s'est donc préparé à un tome où les divinités vont patauger dans la semoule, plombant ainsi l'ambiance. Enfin, arrivé au sixième tome, il craint un effet de ralentissement de l'intrigue, et peut-être même de ronronnement. La première moitié du tome le conforte dans cet a priori négatif : les coucheries de Laura Wilson, l'absence de toute forme de coopération constructive, le comportement hostile de The Morrigan, l'effet répétitif des apparitions successives de ses différentes personnalités.


Jamie McKelvie ne démérite pas pour autant. Même s'il bénéficie de quelques séquences se déroulant sur fond noir (dans le tunnel), il continue de réaliser des dessins propres sur eux et précis, très faciles à lire. Les personnages sont toujours aussi faciles à identifier, que ce soit les divinités ou les personnages secondaires. L'artiste conserve une direction d'acteurs naturaliste, et les visages expriment leur état d'esprit avec nuance. Le lecteur peut lire l'aspect sauvage et indomptable de Sakhmet dans ses expressions, établissant clairement qu'elle ne peut pas être domestiquée, par personne, même ceux qui pensent être son ami. De même, l'insatisfaction continuelle de Laura Wilson se lit sur son visage, attestant de son irritabilité, élément essentiel pour la crédibilité et la logique de son comportement. L'artiste s'investit également pour représenter les décors quand ils sont indispensables, quand l'environnement est essentiel dans les actions ou les activités des personnages. Le lecteur peut ainsi se projeter dans une rue de Londres avec les murs en brique, détailler les câbles et les flexibles qui partent et arrivent de la machine construite par Woden, admirer l'architecture extérieure de Valhalla dans une vue extérieure en dessin pleine page. Comme d'habitude, la mise en couleurs de Matthew Wilson est parfaitement intégrée aux dessins, au point de donner l'impression que l'ensemble a été réalisé d'un seul tenant par un unique artiste, tout en apportant bien plus d'informations qu'une simple colorisation naturaliste.


Malgré ces qualités, le lecteur éprouve la sensation de lire plus de la même chose, amalgamant le fait que les personnages n'arrivent à rien, au fait que l'intrigue ne progresse pas. Ce sentiment disparaît totalement passées les 4 premières pages de l'épisode 31. Les situations ont atteint leur point de déséquilibre, et les choses ne peuvent pas continuer ainsi. Kieron Gillen a construit sa progression de cette manière et les 2 épisodes précédents font sens, même si l'inconfort des personnages affectait le plaisir de lecture. Le ressenti change du tout au tout : il se produit plusieurs événements majeurs, et des confrontations physiques. Pour autant, cela ne se fait pas aux dépens de la personnification des protagonistes. La tournure que prennent les événements découle directement de leur personnalité, de leur motivation, de leurs objectifs personnels, et fait s'exprimer ladite personnalité. Il y a bien sûr des mâchoires serrées et des visages fermés quand l'un ou l'autre passe à l'attaque ou se lance dans la mêlée, mais le lecteur peut lire également d'autres émotions. Matthew Wilson s'en donne à cœur joie avec les effets spéciaux qui sont tout aussi bien intégrés aux dessins que le reste : réseaux d'énergie lumineuse, projection psychédélique sur le dôme qui recouvre Valhalla, effet spécial pour montrer l'action du faisceau d'énergie tiré par Woden sur Cassandra, chute en double page pour la transformation de Mimir, comme pour les précédentes divinités.


Les pages de script intégrées en fin de tome indiquent que Jamie McKelvie dispose de plus de liberté de mise en scène pour les séquences de combat. Le lecteur a le souffle coupé par la vitesse d'attaque de Sakhmet. Il sourit en voyant Donysos progresser dans la foule au rythme de la musique, reprenant le dispositif visuel de l'épisode en discothèque. La narration visuelle est un régal de bout en bout. Kieron Gillen l'avait bien annoncé avec le titre, et en avait explicité sa signification dans le tome précédent. Le lecteur n'est pour autant pas préparé à ce qui survient. Le scénariste ne produit pas de cartes cachées dans sa manche, ne sort pas un lapin du chapeau. Le lecteur peut constater par lui-même que ces événements trouvent leur source dans des éléments inclus dans les épisodes précédents. Les catastrophes ne sont pas que de nature spectaculaire : plusieurs personnages doivent également se confronter aux conséquences de leurs choix, de leur attitude, et à certaines responsabilités. L'étrange catégorisation en 3 groupes effectuée dans le tome précédent prend plus de sens : ceux s'impliquant dans l'étude (Woden, Dionysos, Cassandra), ceux se consacrant à la lutte contre les ténèbres (Baal, Minerva, Amaterasu) et ceux ayant préféré une forme d'anarchie sans maître (Sakhmet, The Morrigan, Baphomet et Perséphone). Ces épisodes contiennent quelques révélations (on apprend enfin comment Ananke a pu soumettre à ce point Woden à sa volonté), mais l'intérêt du récit ne réside pas que dans ces explications. Le lecteur peut toujours considérer ces aventures comme une métaphore de l'apprentissage du monde adulte, et considérer ces jeunes gens qui disposent de pouvoir leur assurant d'avoir un impact significatif sur le monde qui les entoure, voir ce qu'ils en font. L'âge et la traîtrise ont raison de la jeunesse et du courage, encore plus quand cette jeunesse ne sait pas à quoi utiliser ses capacités.


Il n'est pas toujours facile de maintenir une dynamique soutenue dans un récit au long cours, et le lecteur peut éprouver l'impression que les auteurs n'y arrivent pas dans le début de ce tome, même si la narration visuelle est toujours impeccable. En fait, Kieron Gillen a mené certaines situations jusqu'à leur point de basculement, en toute cohérence avec le caractère de plusieurs personnages, et le récit retrouve tout son allant par la suite, son élégance, son suspense. Jamie McKelvie et Matthew Wilson continuent de former une équipe totalement complémentaire et en phase, pour des visuels solides et agréables, avec un sens du spectacle épatant et bien dosé.

Presence
10
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le 30 nov. 2019

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