Rembrandt
6.1
Rembrandt

BD (divers) de Typex (2015)

Rembrandt, en chair et en os

Les grands peintres continuent à inspirer les auteurs de BD. Après Picasso, Le Caravage, Toulouse-Lautrec ou Goya, pour ne citer que quelques exemples récents, c’est au tour de l’immense Rembrandt van Rijn de faire l’objet d’une biographie dessinée. Mais attention: il ne s’agit en rien d’une biographie scolaire de ce grand maître de l’art baroque, qui vécut entre 1606 et 1669, en plein « siècle d’or » hollandais. Dans cet ouvrage au format atypique (un livre relié en simili-cuir, avec des tranches dorées), l’auteur de la célèbre « Ronde de nuit » est dépeint de manière vivante et truculente par le dessinateur de BD néerlandais Typex. Normal: ce dernier a vécu près de 3 ans dans la peau de son personnage, passant parfois jusqu’à 14 heures par jour sur sa planche à dessin, comme le faisait Rembrandt, qui était connu pour être un vrai bourreau de travail. Avec ses longs cheveux et sa petite moustache, Typex a même un petit air de ressemblance avec les peintres du XVIIème siècle… Bien sûr, Typex s’est fortement documenté sur le sujet avant de se lancer, mais il s’est ensuite détaché de la vérité historique pour se concentrer à fond sur sa vision personnelle de la vie du peintre. « J’ai lu une série de livres sur Rembrandt, pris de nombreuses notes, mis les livres de côté et me suis mis au travail », explique-t-il. C’est précisément ce côté très personnel qui fait toute la saveur de cette biographie dessinée. Le Rembrandt de Typex n’est pas un monument historique auquel on ne touche pas, mais un artiste et un homme bien vivant. Comme le soulignent les éditions Casterman, qui viennent de sortir la version française de ce livre publié pour la première fois en néerlandais en 2013, le Rembrandt présenté par Typex est « un être fantasque, capricieux, vaniteux, arrogant, obtus, susceptible en même temps que touchant et attachant, voire digne de compassion ». Grâce à Typex, on découvre ainsi l’homme, le mari et le père qui se cachaient derrière l’artiste. Au final, cela donne un roman graphique loin d’être parfait ou complet, mais qui transpire la passion et l’inspiration. Un beau portrait du spécialiste de l’autoportrait!


« Rembrandt » ne raconte pas la vie du peintre de manière linéaire: le livre est divisé en onze séquences se déroulant à des époques différentes. Chacune d’entre elles est consacrée à un personnage essentiel, notamment ses épouses Saskia et Hendrickje, sa servante Geertje, son fils Titus, ou son ami Jan Lievens, avec qui il avait démarré sa carrière dans un petit atelier à Leiden. Le livre de Typex est en réalité une sorte de biographie kaléidoscopique, permettant petit à petit de cerner la personnalité complexe du fier Rembrandt, qui a vu pas mal de commandes lui filer sous le nez parce qu’il ne voulait pas se laisser dicter sa conduite ou son travail. Dans l’une des scènes du livre, on le voit ainsi remballer le puissant duc florentin Cosme de Médicis, pourtant venu spécialement jusqu’à Amsterdam pour le rencontrer, en lui criant à la figure que « s’il veut des tableaux avec des jolies filles et des couleurs éclatantes, il devrait s’adresser au trafiquant de tableaux au coin de la rue, pas à moi! » Pas étonnant, du coup, que Rembrandt ait connu pas mal de déboires financiers au cours de sa vie. Dans une autre scène mémorable du livre, un huissier dresse ainsi la longue liste des objets saisis dans la maison du peintre. Souvent, le Rembrandt de Typex est également très émouvant, en particulier lors des derniers jours de sa bien-aimée Saskia, qui meurt en 1642, à seulement 30 ans. Le pauvre homme ne sera d’ailleurs pas épargné par les épreuves, puisque quelques années plus tard, sa deuxième épouse Hendrickje sera emportée par la peste, tandis que son fils Titus mourra lui aussi. Malgré ces coups du sort, Rembrandt continuera jusqu’au bout à dessiner et à peindre sans relâche, comme le souligne superbement Typex, qui signe ici une véritable déclaration d’amour à l’art et aux artistes.


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matvano
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le 14 juin 2015

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