Santetsu : 11 mars 2011 - Après le cataclysme par Nilo

Le Pitch : deux mangakas sont chargés par leur éditeur de pondre un manga sur la remise en état de la ligne ferroviaire Santetsu, lourdement sinistrée par le raz de marée qui a fait si mal à la pauvre centrale de Fukushima. (deux ans – il me semble – après les faits). Il faut dire que les agents de cette ligne ont, paraît-il, fait preuve d'un remarquable courage suite à la catastrophe et notamment que deux conducteurs de train ont vécu des expériences proches du miracle au cours de cette catastrophe. Voilà donc nos dupont et dupond citadins envoyés sur le terrain, en quête de témoignages et d'images d'épinal à mettre dans leur bouquin. Arrivés sur place, ils ne vont pas être déçus : vu de près, on constate que le raz de marée a fait des dégâts impressionnants, toujours présents et ce de manière très marquée dans le paysage : littoral littéralement rasé par le raz de marée et témoins qui ont beaucoup de souvenirs traumatisants à décharger. C'est ainsi qu'on parcourt, cartes ferroviaires et documents à l'appui, quelques petites tranches du quotidien des fiers agents de la ligne Santetsu face à la crise : réaction immédiate et gestion de l'après-catastrophe.

Les points positifs de l'ouvrage
Le sujet : vu d'ici, il est tout à fait impossible de se rendre compte de la réalité de cet événement traumatisant. Les milliers de kilomètres aidant, et l'idée que les japonais savent bien réagir face aux catastrophes nous ont quelque peu fait rationaliser jusqu'à l'abstraction la catastrophe, par ailleurs largement éclipsée par le danger latent posé par Fukushima. En gros, avec la loi des morts au kilomètre (plus c'est éloigné, plus il faut de morts pour qu'on s'y intéresse), on en a pas grand chose à cirer. Le manga, qui raconte de manière très terre à terre les faits du quotidien, suit plutôt efficacement son train train et ne laisse pas l'histoire tomber à l'eau.
Le dessin est clair, efficace, et ne lâche pas le lecteur dans les parfois longs exposés de détails. C'est d'autre part vraiment bien documenté en annexes.

Les points négatifs de l'ouvrage
On sent que les mangakas ne sont pas franchement dedans – du moins au début de l'histoire. Du coup, on n'y est pas non plus, ça n'aide vraiment pas.
On est dans le manga de journalisme : c'est un peu comme un documentaire tourné pour un journal télé. Il y a des images choc, des faits, mais pas vraiment d'analyse ou de vision globale de la situation. Ça fait un peu reality-show : deux mangakas à la découverte de la catastrophe du Santetsu ...
Ce manga semble prioritairement destiné à un public japonais, qui connaît ou qui a déjà pratiqué le Santetsu (qui semble un peu un incontournable touristique). Du coup, lorsque les auteurs nous assomment avec des cartes en japonais non légendées, et bien on pite rien.
Pour la même raison, je n'ai pas réussi à m'investir dans la lecture des nombreux documents sur les événement en postface.

Mon avis, au final :
Sur le papier, c'est un manga qui fait de l'oeil : original, avec un vrai sujet qui sort des bastons-défouloirs si souvent étalés dans les mangas de base. Le graphisme est pas mal, pas trop fouillis, avec une vraie volonté de témoigner. Donc dans la catégorie manga documentaire, ça promettait.
Mais les auteurs étaient-ils obligés d'insister si lourdement sur le pathos ? On sent qu'il y a là une volonté d'exorciser ou de « faire sortir » une tragédie qui nous est totalement étrangère, à nous lecteurs occidentaux, tout en transformant les braves cheminots en héros méritants de la patrie. Depuis le manga « le cheminot » (justement), on savait que les japonais étaient particulièrement attachés à leurs traditions ferroviaires, mais là, on a l’impression de retomber en pleine réminiscence du genre « regardez, le sens du devoir n'a pas disparu » . Avec une surabondance de lieux précis qu'on ne reconnaît pas, de cartes qu'on peut pas lire et de témoignages... on est un peu perdus – dommage ; mais ça a au moins le mérite d'exister.