"Je suis dans un éternel présent... En vérité, c'est plus fort... Je suis !"

Jusqu'ici, je n'avais lu de Thomas Gilbert que des œuvres jeunesse sur lesquelles il officiait seulement en tant que dessinateur ou illustrateur. Si ses dessins sont déjà très bons dans l'adaptation de Bjorn le Morphir et rendent ses personnages très attachants, ils prennent vraiment toute leur ampleur en noir et blanc, comme c'était le cas dans le roman de Jean-Luc Cornette, où ses illustrations se faisaient trop rares...


Avec Sauvage ou la sagesse des pierres, je découvre en plus le talent d'auteur de Thomas Gilbert. Et paf, c'est la claque. La sauvagerie et la naïveté que je décelais déjà dans son trait s'incarnent parfaitement à travers l'histoire de cette jeune femme perdue dans une nature impitoyable. Après un terrible accident au cours d'une randonnée, cette dernière se retrouve livrée à elle-même et décide, pour ne pas sombrer dans le désespoir et une folie naissante, de se fondre dans la nature. Retourner à l'état sauvage. Un retour extrêmement éprouvant qui va se traduire par une véritable transformation psychologique et physique pour la jeune femme.


Au cœur de cette quête initiatique se dessine une des plus grosses épines de la condition humaine : quelle est notre place au sein de ce monde ? Tout un programme. La naïveté de Thomas Gilbert est ici salvatrice car l'héroïne, au fur et à mesure qu'elle se détache de la civilisation, s'abandonne à l'inconnu et doit tout apprendre. Comme une enfant. Elle trouvera d'ailleurs un ami et un mentor en rencontrant un renard qui l'aidera à adapter son corps et ses sens à cette nouvelle vie sauvage. Mais la nature ne lui fera pas de cadeau et elle devra trouver sa place par elle-même.


L'auteur renforce l'onirisme de son récit avec un trait sauvage et très organique, magnifié par son noir et blanc au fusain et crayonné brut. On est d'autant plus ballotté dans ce rêve de furie et extrêmement vivant qui s'oppose à la morosité de la civilisation où tout se vit par intermédiaire. Un ancien monde pour la jeune femme et qui ne cessera jamais de la torturer jusqu'au bout de sa quête de réponses.


Le roman graphique de Thomas Gilbert est un conte cruel et universel où l'humain tente de trouver le sens de son existence en se débarrassant, grâce à la pureté de la nature, de tous les liens le rattachant à sa condition pré-établie (comme son rapport au temps). On est soufflé par ce destin incroyable broyant corps et esprit, ponctué de fulgurances marquantes comme cette visite funéraire du sixième continent, ou une des plus belles scènes d'amour vues dans une BD.


Merci Thomas Gilbert.

MaximeF1
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le 24 oct. 2016

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MaximeF1

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