Septième étage
7.1
Septième étage

BD (divers) de Asa Grennvall (2018)

Lire Septième étage après l'excellent Tant pis pour l’amour de Sophie Lambda n’est pas anodin, même si les deux œuvres sont assez différentes. La première est danoise, l’autre française, 7e étage est sorti en 2002 en Suède (en 2013 en France grâce à L’agrume) et en 2019 pour Tant pis pour l’amour, et il est fort probable que les deux auteurs ne connaissent le travail ni de l’une ni de l’autre.


Ce qui réunit les deux œuvres est leur sujet, toutes deux parlent d’une relation tumultueuse, assurément toxique, où l’ascendant de l’homme vire à la domination et à un certain endoctrinement. Le ton est d’autant plus dur que l’une et l’autre sont autobiographiques, même si Septième étage ne l’indique pas clairement.


Pour Åsa, mais aussi pour Sophie, les premiers mois sont beaux, idylliques, l’amour est fort et pur, mais progressivement le mal s’installe, le serpent révèle son vrai visage. Sous ses atours sociables, admiré de tous, en privé il crache sur les autres mais surtout en vient à isoler sa compagne et à modifier son comportement.


C’est cet isolement social et cet endoctrinement qui sont les plus perturbants, la remarque devenant insulte, le juron devient l’agression physique. C’est d’ailleurs cette explosion de violence physique qui lui fera quitter l’indélicat, après l’agression de trop, absurde et démesurée, comme tant d’autres. Mais avant cette décision, c’est une jeune femme qui se contrôle sans comprendre qu’elle se fait manipuler, persuadée que c’est elle qui a tort. Pour lui et pour elle, elle est la responsable, un argument classique, habituel de ces relations toxiques, mais encore faut-il prendre connaissance de son sort pour le savoir.


Si le but de l’auteur est de dénoncer les violences domestiques, la lecture quelques mois auparavant de Tant pis pour l’amour éclaire l’ouvrage suédois, car elle permet de donner un nom à cette personnalité toxique, celui du pervers narcissique, en tout cas l’une de ses formes. Dans les deux cas, malgré tout le mal qu’il fait, et dont il ne se rend compte que partiellement, il n’arrive jamais à considérer le problème comme venant de lui. Jamais Åsa ne cherche à rattacher son tourmenteur à plus large que son sort, mais l’époque et le contexte sont différents. Les pages documentées de Tant pis pour l’amour n’auront au moins pas été inutiles dans ma lecture.


D’ailleurs, si le livre de Sophie Lambda est un ouvrage autobiographique mais aussi un manuel de reconstruction et une aide pour identifier ces personnalités malsaines, il a une portée plus large. L’édition française de 7e étage comporte une postface d’Amnesty International sur les violences conjugales, mais deux pages c’est trop peu. L’expérience d’ Åsa se termine relativement bien, elle est écoutée et comprise, c’est peut-être plus facile en Suède, mais elle n’a pas de conseils à offrir. La reconstruction est à peine abordée, les conséquences survolées. Ce qui reste glaçant, puisque si l’ex-compagnon est jugé, on le retrouve avec une nouvelle femme, peut-être prêt à recommencer, sans qu’il ne soit abordé qu’Åsa réagisse pour protéger la prochaine éventuelle malheureuse.


Le témoignage est poignant, désespéré. Loin du trait arrondi de Sophie Lambda, celui d’Åsa est plus amateur, griffé sur les pages, mais aussi plus fragile. Le noir et blanc accentue la froideur de cette relation déséquilibrée et malade. L’amour, ce n’est pas forcément ce qu’il y a de plus de beau.

SimplySmackkk
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le 4 nov. 2021

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