La BD Jonathan Cartland apparue en 1975 dans l'éphémère mensuel Lucky Luke, reste très méconnue, je trouve que c'est très injuste, et malgré sa prépublication ensuite dans Pilote, journal ayant une plus grande audience, ça ne changera pas beaucoup, la bande restant connue surtout des fans de BD western. Et pourtant, quel potentiel, quelle psychologie dans les scénarios, quel dessin magistral ! A cette époque, les 2 westerns qui trustent le marché de la BD sont l'incontournable Blueberry et Comanche ; Mac Coy et Buddy Longway nouvellement crées en 1973 et 74, commencent à peine à faire leur trou, il y avait donc un créneau à prendre.
Cet épisode ressemble à une sorte de huis-clos, même s'il est situé en plein air au sein d'un grand espace sauvage, c'est un récit assez travaillé sur le plan psychologique, Laurence Harlé dosant sacrément les caractères en n'oubliant jamais l'action, et à ce titre, les scènes d'action sont souvent violentes voire sanglantes, la mort n'étant jamais propre dans cette série. L'histoire est donc beaucoup moins linéaire qu'elle n'en a l'air sous ses airs limpides, en faisant monter la tension en crescendo, de même que le personnage d'Emily cache un secret qui attise l'envie de certains protagonistes, mais Cartland veille au grain, et connaitra quelque étreinte détendante avec la jeune femme, occasion d'une scène de nu assez rare dans le western classique de cette époque, je crois que c'est l'une des plus explicites dans cette BD.
Ce récit dans son ensemble et dans son scénario de base m'a beaucoup rappelé le film Hombre, réalisé par Martin Ritt en 1967 où Paul Newman incarnait un Indien métis voyageant auprès de passagers en diligence dans un décor très semblable, et où se révélaient les caractères de chacun lors du périple, mais la seule différence c'est qu'ils étaient attaqués par des bandits mexicains et que le métis méprisé par tous allait sauver tout le monde. Je ne sais pas si la scénariste s'est souvenu de ce western et si elle s'en est inspirée, mais en tout cas, c'est une belle référence.
Côté dessin, Blanc-Dumont se surpasse dans son rendu des matières particulièrement remarquable ; ses paysages de canyon, de rochers et de vieille mine abandonnée sont époustouflants de réalisme, avec des couleurs imitant la roche rouge très réussies. Les visages des personnages, les vêtements et les décors sont d'une grande perfection. Le souci des détails, les cases très travaillées de façon pointilleuse elles aussi et très remplies font que je ne cesse d'être en admiration devant son travail ; pour moi, c'est comme ça que je conçois le western, comme dans mes BD préférées dans le genre, avec un dessin clair et net d'une finesse exemplaire, et ici je suis servi. Un très bel album.

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le 13 oct. 2020

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