Splendeurs & Misères du verbe par belzaran

Au début des années 90, l’Association a su être un moteur pour le renouveau de la bande-dessinée. En accueillant des auteurs différents, en cherchant à varier les formats des livres et en tentant des expérimentations, elle a été essentielle dans la mutation du neuvième art vers plus de maturité. L’un des formats développé par l’Association est particulier : du A6 agrafé en noir et blanc contenant tout au plus une vingtaine de pages : la collection Patte de mouche. Vendu à trois euros, elle possède de nombreux titres. « Splendeurs et misères du verbe » est le soixante-dixième opus de ce format. Il est réalisé par Ibn al Rabin. Et malgré son nom, il est muet !

Le postulat de départ est simple. Un homme rencontre une femme et va essayer de la draguer, plus ou moins subtilement. La notion de verbe est ici représenté par les phylactères, véritables héros de cette bande-dessinée. En effet, le phylactère va servir à repousser, enlacer, faire apparaître des objets… L’auteur utilise les codes de la bande-dessinée pour s’en amuser du début à la fin.

Le livre développe ainsi quatre histoires de quelques pages (la dernière ne faisant qu’une page). Chaque histoire part d’un postulat. Dans la première, les phylactères permettent de changer la réalité. Dans le deuxième, certaines cases deviennent des phylactères. Dans le troisième, ils sont physiquement présents. Quant au dernier, je vous laisse le découvrir !

Cette bande-dessinée est basée avant tout sur un concept. En cela, elle est expérimentale. Car on sent bien que chaque histoire est basée sur une idée de détournement des codes de la bande-dessinée. Cependant, la maestria avec laquelle Ibn al Rabin exploite ses détournements est incroyable. Ce n’est pas juste une petite idée montrée, elle est exploitée jusqu’à la moelle dans des histoires qui font sourire et dont l’issue reste incertaine. En cela, c’est un exploit. Car, même si l’on n’est pas forcément fan de l’aspect expérimental, cette bande-dessinée fait sourire à de multiples reprises.

Graphiquement, le tout est très simple. Chaque page est un gaufrier de six cases. Le dessin est fait d’aplats noirs, les personnages apparaissant en silhouettes à contre-jour. Cependant, les personnages sont très expressifs. Ibn al Rabin prouve combien on a besoin de peu pour faire passer les émotions et ressentis des personnages.

Au final, « Splendeurs et misères du verbe » est un livre qui fait avancer la bande-dessinée. Elle montre combien les codes de cet art peuvent être détournés (sans pour autant devenir pompeux d’ailleurs). Evidemment, la faible pagination et l’aspect de cette bande-dessinée en feront tiquer plus d’un. Mais dernières les beaux albums bien léchés, des auteurs s’efforcent de faire avancer le neuvième art de fort belle manière !
belzaran
9
Écrit par

Créée

le 20 sept. 2012

Modifiée

le 20 sept. 2012

Critique lue 325 fois

3 j'aime

belzaran

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Splendeurs & Misères du verbe
Nazegoule
10

Surpuissant.

En seulement une vingtaine de pages, ce livre pulvérise les codes de la bande dessinée : encore une preuve que le média déborde de ressources et qu'on est loin d'en avoir fait le tour. Ibn Al Rabin...

le 14 juil. 2012

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