Nous sommes en 2019. L’éditeur français Delirium corrige une injustice en publiant les premiers épisodes alors inédits de la reprise de The Mask par John Arcudi et Doug Mahnke, ceux qui ont défini le personnage. La France découvre avec stupeur (oui, oui) que le personnage fou incarné par Jim Carrey dans le film de 1994 provient d’une série de bandes dessinées, bien plus violentes, peut-être plus cinglées encore.

J’en ai fait une modeste mais passionnée critique.

La version de papier avait bien eu droit à quelques apparitions dans des publications de Semic, mais il s’agissait de crossovers, de rencontres avec d’autres personnages d’éditeurs différents, dont un Lobo/The Mask jouissif. Quelques titres sous le nom du Mask sont sortis tels que l’adaptation en BD du film, La Veillée de Christmask, un spin-off autour de Noël paru en 1996, tandis que l’adaptation papier de la série animée est parue chez Soleil en 1998. Mais ce sont des dérivés, pas une des séries mères.

La reprise en main de la licence par John Arcudi et Doug Mahnke s’est exprimée en trois mini-séries, respectivement de 1991 à 1993 et en 1995. C’est cette troisième qui poursuit l’édition des œuvres de Grosse Tête, surnom du Masque. The Mask Strikes Back n’est pas du matériel inédit, il est déjà paru en deux volumes en France au sein de la succursale française de l’éditeur Dark Horse. Comme beaucoup de leurs ouvrages édités par chez nous, il est sorti discrètement et est bien difficile à trouver de nos jours. Delirium propose les épisodes en un seul volume, à la reliure solide, autant sauter dessus.

Cette contre-attaque du Mask peut s’apprécier sans lire le premier tome paru chez Delirium, mais il s’inscrit bien dans sa continuité. On y retrouve certains personnages, dont Kathy, l’ancienne copine de Stanley Ipkins, et l’inspecteur Kellaway, personnage central. Tous deux ont porté le masque, tous deux pensent en avoir fini avec lui, ce bout de bois mystique qui transforme son possesseur en dingue loufoque.

Mais le masque ne meurt jamais, il est retrouvé par Rick, membre d’une bande d’adolescents, des jeunes bien caricaturaux, entre le meneur, le musicien de rock raté, le nerd ou le stoner, mais malgré tout attachants. Rick va vite se rendre compte que la colère qu’il avait en lui est complètement pervertie par sa version masquée, ce qui fait que le masque va se retrouver de mains en mains dans le cercle d’amis, ou plutôt de têtes en têtes.

Ce tournus permet de multiplier les incarnations, mais limite aussi la fureur de chacun, chacun se rendant rapidement compte que le masque n’en fait finalement qu’à sa tête. La violence cathartique est ici un peu délaissée, les désirs refoulés de chacun sont vite exploités, vite abandonnés. Selon l’interprète, la formule change, et les deux interprétations dernières sont un peu mollassones, notamment cette version super-héroique dans le but de faire le bien, un vœu bien fragile à respecter avec le Masque.

Cette mini-série de cinq épisodes présente donc ces nouvelles et fugaces interprétations du Masque, avec certaines baisses de régime. Mais cet artefact magique est poursuivi, non seulement par la police avec l’inspecteur Kellaway mais aussi par l’imposant Walter, brute massive mutique, une force de la nature criminelle et inarrêtable, la seule à même de résister au masque, mais à quel prix. Les composants policiers des deux précédentes mini-séries sont bien amoindris, la mafia est présente de manière réduite. Il s’agit donc avant tout d’une poursuite du Mask et de ses effets sur cette bande de jeunes. Cette mini-série ne révèle rien de plus sur les origines du Mask et ne vient aucunement révolutionner ce qui avait été présenté auparavant.

Cela ne lui empêche pas d’être toujours aussi amusante et décalée, avec ce guignol aux possibilités sans limites, à la folie jouissive. Le succès du film semble être passé par là, la violence est moins représentée, le sang est rare, les morts inexistantes. Ce n’est pas si grave, puisque John Arcudi et Doug Mahnke peuvent poursuivre leur version du Mask en personnage de cartoon surexcité, toujours prêt à faire le pitre et à n’écouter personne. Certaines planches sont très amusantes, à l’image des grimaces du Mask derrière un agent de police qui téléphone ou ce relevé des empreintes en deux temps, pour mieux préparer la blague.

D’ailleurs, Doug Mahnke aux crayons ne s’en prive pas, reprenant toutes les caractéristiques physiques de l’anti-héros, ses yeux globuleux, ses dents énormes, son petit nez et bien sûr sa tête rond, pour mieux les déformer. Le personnage a une expressivité folle, tour à tour malin, cinglé, désemparé, obstiné, selon les besoins de l’histoire, et si possible dans un costume extravagant. L’artiste est moins à l’aise sur les décors, assez anecdotiques, tandis que l’encrage de Keith Williams et Rich Perrota semble un peu trop sec, notamment sur les personnages humains. Mais l’ensemble a tout de même bien vieilli, d’autant plus pour une série indépendante dans une décennie des années 1990 pas des plus reluisantes.

Si ce deuxième tome ne propose rien de plus, et une fois encore aucun matériel rédactionnel ou supplément en dehors des couvertures, que les histoires restent simples mais entraînantes, le seul fait de retrouver ce personnage, ce guignol dans un magasin de porcelaine, est un grand plaisir. La folie du personnage nous emporte, son humour (auto-)destructeur est une réussite.

Délirium a poursuivi l'adaptation des aventures dessinées du Mask avec un troisième tome, moins réjouissant, tandis que le quatrième et dernier volume démontre que le guignol vert perd de sa superbe sans une équipe créative aussi folle que lui. Urban Comics s'est lui aussi lancé dans l'aventure masquée, en proposant deux crossovers entre le personnage et l'univers DC. Et c'est vraiment de la bonne.

SimplySmackkk
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le 4 janv. 2023

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