Joie !

Le succès étant là, l’éditeur Delirium poursuit sa traduction des bandes dessinées The Mask après deux tomes fous et géniaux.

Si le grand zigoto masqué vert est célèbre pour le film de 1994 avec Jim Carrey, ses aventures originales sur papier sont bien plus folles et violentes. Même si depuis la sortie du film et de ses produits dérivés, le ton des nouvelles mini-séries s’est tout de même assagi. A quelques rares exceptions près, elles n’avaient jamais été traduites chez nous, quel scandale.

La reprise en main du personnage (après quelques apparitions brouillonnes) par les géniaux John Arcudi et Doug Manhke étant finie (ou presque...), ce troisième tome propose deux nouvelles mini-séries par de nouveaux auteurs, toujours sous le giron de Dark Horse Comics (Hellboy, c’est chez eux).

Dans la première mini-série, A la poursuite d’octobre vert, le masque tombe entre les mains d’un prêteur à gages, Ray Tuttle, un homme qui en a gros sur la patate depuis que sa femme a été tuée à cause des manquements à la sécurité d’un parc d’attractions géré par un homme d’affaires véreux. Estropié et amer, il doit aussi faire face au deuil de leur fille, Emily, devenue mutique depuis ce jour là et moquée par ses camarades. Devenu le nouveau Masque, Ray va décider de se venger de ce gros bonnet, mettant la pagaille sur son chemin. Mais d’autres groupes sont eux à la poursuite du masque, avec des mercenaires, des ninjas, des mafieux et des saumurais, tous les clichés des années 1990. Ça va bastonner.

Comme d’autres histoires du Masque, celle-ci est bien entendu un prétexte, mais dont le fonds sensible entre ces deux abîmés de la vie que sont le père et la fille justifie à merveille ce beau foutoir. Si le Ray masqué a déjà de la niaque, c’est une fois sur la fille que le masque fait encore plus des étincelles. Emily prend sa revanche, elle aussi, avec une énergie juvénile et un humour plus sage mais aussi plus burlesque. Les masques s’en donnent à cœur joie dans leurs délires, même si l’exubérance peut fatiguer. Le scénario est d’Evan Dorkin, plusieurs fois récompensés pour son travail, c’est même un régulier des Prix Eisner et des Prix Harvey, les plus hautes récompenses de la bande dessinée américaine.

Peut-être lui aurait-il fallu comme partenaire un dessinateur un peu plus aguerri que Peter Gross, dont le trait est assez classique des comics américains, sans grande originalité et c’est même un peu fouillis. Il peine même à exprimer toute la folie du Mask, même si, curieusement, son Emily masquée est bien supérieure, proposée avec une folie qui semble mieux maîtrisée et une meilleure mise en valeur.

L’illustration un peu décevante de cette première mini-série tranche avec celle de la deuxième, qui donne le titre du recueil, Tournée mondiale. Avec Gary Erskine, les traits sont massifs et stables, tandis qu’il recherche toujours la lisibilité. Sa mise en scène est aérée, pour mieux proposer ses personnages imposants sur la page.

Quel dommage donc, que, à l’inverse de la première mini-série, l’histoire soit à ce point sans consistance. Le masque arrive sous le nez d’un soldat qui se persuade de mettre au pas toutes les villes qui représentent pour lui des vices.

Et même s’il y a un certain effort pour ne pas répéter la même situation de villes en villes, c’est aussi parce que cela dépend des personnages que The Mask va croiser. Car la mini-série est un crossover qui réunit plusieurs séries de l’écurie Dark Horse Comics, et dont les personnages prendront parfois plus de place que le diable vert.

Les plus connus sont Barb Wire (grâce à son adaptation filmique de 1996 avec Pamela Anderson) et Ghost (qui a eu droit à quelques numéros traduits en France par Semic en 1999-2000), c’est dire. Autant dire que l’apparition de ces personnages qui ne sont de plus que rarement présentés décontenance. D’autant plus que Delirium, comme à son habitude, ne propose aucun rédactionnel pour faire découvrir ces personnages ou évoquer les artistes impliqués.

Même s’il y a une vague trame derrière, avec à ses trousses le psychiatre du soldat masqué et un voleur malchanceux qui veut se ranger des affaires, il est difficile de se passionner pour cette histoire signée Robert Lan Fleming qui rebondit mollement d’épisodes en épisodes au gré des rencontres. L’humour si farfelu de la série s’essouffle, limité aux interactions avec les personnages de Dark Horse Comics, soit des affrontements sans grand intérêts avec quelques blagues pour ne pas oublier qu’il y le Masque dedans. Et on pourrait en douter, le Masque étant parfois au second plan, pour mieux mettre en avant des personnages dont la courte présence ne les rend pourtant pas plus intéressants.

Heureusement, une courte histoire conclue le recueil, et quelle histoire, puisque John Arcudi et Doug Manhke reviennent sur le barjo vert et font même ressusciter Stanley Ipkiss, mort depuis un bon bout de pages dans la version BD. Les deux compères offrent un joyeux massacre qui fait revenir le sens de l’outrance visuelle et la violence exacerbée des premières histoires, même si la finalité est sans conséquences.

Comme tout bon personnage, The Mask peut tourner à vide sans les bonnes mains autour de lui pour le manipuler. Ce troisième volet des aventures du Mask par Delirium commence déjà à montrer les signes d’usure de la licence. Une impression hélas confirmée par un dernier volume qui démontre qu'un bon personnage n'est rien sans une bonne équipe pour le soutenir.

Heureusement l’aventure éditoriale de Delirium semble donner des ailes à Urban Comics, qui a décidé d’éditer un volume réunissant deux aventures du Mask en duo avec le Joker et Lobo. Un regroupement curieux, les deux histoires étant très différentes, avec l’aventure cartoon plus proche du film et de la série dessinée de Joker/Mask et la violence folle et débridée de Lobo/Mask. Ces deux histoires ont été publiées il y a bien longtemps par Semic, quel régal de les retrouver, et plus particulièrement celle avec Lobo, signée John Arcudi et Doug Manhke.

Et la qualité des histoires du recueil dépasse celle de ce troisième recueil un peu maussade. A ne surtout pas manquer.

SimplySmackkk
6
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le 4 janv. 2023

Critique lue 116 fois

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