Ce tome peut être lu comme une histoire indépendante de toute autre. Il constitue également un complément à la série The Massive (en 5 tomes) réalisée par les mêmes créateurs. Il comprend les 6 épisodes de la minisérie, initialement parus en 2016, écrits par Brian Wood, dessinés et encrés par Garry Brown, avec une mise en couleurs de Jordie Bellaire. Les couvertures ont été réalisées par J.P. Leon. Dans son introduction d'une page, Brian Wood explique que ces 6 épisodes mettent en scène les personnages principaux de la série The Massive, dans des missions de préservation de l'environnement, avant que ne se produise la grande catastrophe écologique, c’est-à-dire avant la série The Massive.


(1) Quelque part dans une mer tropicale, le navire The Massive se tient à quelques encablures d'un bateau de plaisance, pendant que 4 membres de l'organisation écologique The Ninth Wave (Rimona, Max, Lars et Purge) s'introduisent par effraction dans un immeuble de bureau à Hambourg. En pleine mer, Callum Israel (le président de l'association Ninth Wave marine conservationist direct action force) et Mary sont en train d'expliquer à Bors Bergsen (le PDG de Norsk Oil Hambourg) que son entreprise pollue trop ; à Hambourg les activistes sont en train de réunir des preuves en sabotant une installation. (2) En Colombie Britannique, Callum Israel a installé une base de vie pour une personne dans la canopée. Il veut s'assure que l'entreprise qui déboise respect bien les quotas qui lui sont réglementairement fixés. Il doit gérer la présence non prévue de l'agent Amanda Gray qui l'a repéré. (3) Mary, Mag et un autre interviennent sur une île de l'Arctique qui vient d'être vendue par les États-Unis à une entreprise, pour préserver une espèce de loup, pendant que Callum Israel intervient à Seattle devant un juge pour essayer de faire annuler la vente.


(4) Les navires The Massive et Kapital (les 2 vaisseaux de Ninth Wave) poursuivent un autre navire Spektra sur lequel sont détenus plusieurs membres de l'organisation Ninth Wave. (5) Contre l'avis de Mag, Callum Israel a accepté de prendre à bord des réfugiés pour les amener aux États-Unis. En route pour la côte, The Massive est interpellé par la marine militaire américaine qui les accuse d'avoir à leur bord, un terroriste international. (6) Dans un pays d'Afrique du Sud, Mary et Mag sont en train de localiser un chasseur américain et son équipe, avant qu'il n'abatte un lion au cours d'un safari, en toute légalité. Dans le même temps, Callum Israel s'adresse à des recrues potentielles dans un amphithéâtre, sur l'éthique et les motivations nécessaires pour agir au sein de The Ninth Wave.


Dans son introduction, Brian Wood explique qu'il avait envie d'en raconter plus sur l'histoire personnelle des principaux personnages de la série The Massive, ou en tout cas de les montrer en action avant la catastrophe écologique, et qu'il ne le ferait qu'avec la même équipe de créateurs. Pour le lecteur, c'est l'assurance de retrouver des personnages qu'il a appris à connaître au fil des 30 épisodes de 2012 à 2014, conformes à la vision de leurs créateurs. Le scénariste a choisi de raconter 6 missions indépendantes, dans des régions du globe différente, avec un déroulement différent. À chaque épisode, le lecteur découvre l'organisation Ninth Wave engagée dans une action, sans savoir comment elle va la mener, ni comment elle va se terminer. Déjà dans la série The Massive, il avait pu apprécier que Brian Wood n'emprunte pas le chemin le plus facile. Il ne raconte pas des histoires de gentils écologistes empêchant la destruction des petites fleurs, ou des mignons animaux sauvages. Par contre ces histoires dépeignent souvent les destructeurs de l'environnement comme irresponsables, ou dépourvus de morale, ou encore égocentriques motivés par l'appât du gain ou par la recherche du plaisir personnel.


Au cours de ces 6 épisodes, les auteurs mettent en scène des facettes primaires de l'écologie comme la pollution industrielle, la déforestation, la disparition des espèces, le trafic dans les eaux internationales, les réfugiés dans les pays en guerre, et la chasse aux animaux sauvages au cours de safari. Mais le discours est loin d'être un cours basique ou magistral. Avant toute chose, ces 6 épisodes se lisent comme autant de missions impossibles pour lesquelles le lecteur n'a aucune assurance que Callum Israel, Mary, Mag, Rimona, Lars et les autres pourront les mener à bien. Ensuite, il ne s'agit pas d'un activisme destructeur avec des individus à l'entraînement de commando, prêts à sacrifier des civils. Les méthodes de Ninth Wave sont pacifistes, sans être forcément légales, une forme d'écoterrorisme, les pertes humaines en moins. Ensuite, Brian Wood ne présente pas Ninth Wave comme une organisation utopique, Callum Israel en est le seul maître à bord, même s'il prend l'avis de Mary et Mag. Enfin, les interventions de Callum Israel comprennent toujours une action sur le terrain, mais aussi souvent une action vis-à-vis des responsables, de type administrative ou personnelle.


Le premier contact pour chacune de ses missions s'effectue par le biais des couvertures de John Paul Leon, des dessins avec des traits un peu pâteux, un peu gras, des formes grossières, et en même temps un fort pouvoir d'évocation, et des personnages très vivants. Les dessins de Garry Brown présentent une apparence similaire, sans être aussi sophistiquée. En surface, le lecteur peut avoir l'impression que cet artiste ne peaufine pas ses dessins, les laisse à l'état de croquis détaillés, avec des contours irréguliers, des traits de visage grossiers, des aplats de noir mal repassés, des éléments esquissés. Pourtant rapidement, il se rend compte que la narration visuelle est impeccable. L'apparence des dessins apporte une part de spontanéité et reflète un monde dur, une réalité brut qui n'a pas été adoucie pour les individus qui y évoluent. Dans chaque épisode, Brian Wood ménage plusieurs pages d'action quasiment dépourvues de texte ce qui fait que la narration n'est portée que les dessins. Le lecteur suit ainsi l'entrée par effraction des activistes pour saboter une installation de canalisations, le déplacement d'arbre en arbre de Callum Isreal accroché à un filin, la recherche d'animaux sauvages sur l'île revendue, la plongée sous-marine pour s'introduire dans la coque éventrée d'un navire, la montée des réfugiés à bord de The Massive, ou encore la progression dans la savane. Ces séquences se lisent toutes seules, sans incompréhension, avec une réelle tension dans la progression.


Même si les dessins apparaissent un peu rêches, le lecteur reconnaît tout ce qui est dessiné sans difficulté : les canaux d'Hambourg, le bateau de plaisance de Bors Bergsen, la canopée, les poids-lourds pour transporter les troncs, les loups, les hélicoptères, les coursives des navires, Jordie Bellaire réalise une mise en couleurs en phase avec les caractéristiques des dessins, et la nature du dessin. Elle utilise une palette de couleurs ternes, appliquées en aplat, avec très peu d'effet de nuance ou de dégradé. Elle participe à montrer une réalité brut de décoffrage, sans afféterie, comme si les activistes de Ninth Wave n'avaient pas le temps d'apprécier la richesse de ce qui les entoure, en se concentrant uniquement sur leur objectif, sur leur mission. Le lecteur s'immerge donc dans une réalité concrète, sans embellissement, aux côtés d'individus qui n'ont pas de temps ou d'énergie à perdre dans des choses superflues.


Brian Wood a choisi d'évoquer les missions de l'organisation Ninth Wave, sans s'aider d'une catastrophe écologique cataclysmique. Il reprend le nom utilisé dans la série The Massive, cette neuvième vague est parois appelée vague scélérate Il s'agit d'une vague océanique très haute, plus haute que celles du train d'onde dont elles font partie. Le folklore maritime voulait que cette vague scélérate apparaisse en neuvième position d'une série. Il s'agit également du titre d'une célèbre toile marine d'Ivan Aïvazovsky. Le scénariste n'a donc pas choisi la facilité d'une catastrophe écologique pour légitimer les actions de Ninth Wave. Il met en scène des dégradations de l'environnement bien réel, pour construire des thrillers, mais également pour faire apparaître les motivations des personnages. Dans la mesure où ils accomplissent des actions pacifistes, ils apparaissent comme étant du bon côté moral pour le lecteur. Wood brouille un peu les cartes d'épisode en épisode. Dans le premier, Callum Israel explique à Bors Bergsen que leur action a pour objectif de dénoncer mais aussi de contraindre la multinationale mise en cause à s'améliorer, en estimant qu'elle en a la capacité. Dans le deuxième épisode, il établit que les membres de Ninth Wave utilisent des méthodes illégales, et parfois immorales pour atteindre leur objectif. Dans le troisième épisode, Callum Israel se retrouve devant un juge pour essayer de faire aboutir légalement son action. Dans le quatrième épisode, la pression mise par Ninth Wave sur un commandant de navire à des conséquences désastreuses, avec un prix à payer en vies humaines. Dans le cinquième, leurs actions les amènent à introduire un terroriste sur le sol américain. Dans le dernier, Brian Wood a l'audace d'écrire le discours de motivation de Callum Israel à ceux qui seraient intéressés pour rejoindre Ninth Wave. Il ne s'agit pas d'un discours générique et creux, mais bel et bien d'un credo honnête et adulte, à l'opposé d'une morale bon enfant déconnectée de la réalité. Le résultat est pertinent, cohérent et convaincant.


S'il a lu la série The Massive, il est vraisemblable que le lecteur est conquis à l'avance par la promesse de retrouver ces personnages, et il a le plaisir de voir que le format d'une mission par épisode a incité les auteurs à se montrer concis et directs. S'il n'a pas lu la série The Massive, le nouveau lecteur trouve des histoires accessibles, des thrillers intelligents, et une façon perspicace de mettre l'écologie en scène, par le biais d'activistes efficaces et intelligents, motivés et impliqués, mais doutant quand même.

Presence
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le 30 mai 2020

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