Ce tome regroupe 3 histoires.


Dead, she said : 3 épisodes , initialement parus en 2008, écrits par Steve Niles, dessinés et encrés par Bernie Wrightson, et mis en couleurs par Grant Goleash, mais en noir & blanc dans ce recueil. En fin de tome, il comprend également des dessins réalisés par Wrightson, majoritairement dans les années 1970.


Joe Coogan se réveille dans la chambre de son meublé, perclus de douleur dans tout son corps. Il a l'impression que tout son matelas est imbibé d'une matière visqueuse. Coogan fait des efforts immenses pour ouvrir les yeux se demandant à quel point il était bourré la veille pour être dans un aussi sale état. Alors que la douleur dans son ventre se fait de plus en plus forte, il doit déployer des trésors d'énergie pour bouger sa main puis ses pieds, puis ses doigts. Il en est à souhaiter à ce que quelqu'un abrège ses souffrances en lui collant une balle dans la tête. Il poursuit ses efforts et parvient à se redresser sur son séant. Il pose les pieds au sol et il se tâte le ventre, y découvrant un trou, selon toute vraisemblance une blessure causée par balle. Il allume la lampe de chevet et regarde son ventre. Il se rend compte que ses intestins se sont dévidés et sont sortis de leur logement abdominal. Il se lève sans paniquer parce que vu son état il a largement passé ce stade. Il comprend que le liquide visqueux qui imbibe son matelas c'est son propre sang. Il se lève.


Coogan se dirige vers le coin cuisine. Il prend un rouleau de gros scotch rangé sous l'évier. Il retire sa veste et sa chemise et applique du scotch sur son ventre après y avoir remis ses intestins. Devant la glace, il se retourne et se rend compte que ses intestins se sont à nouveau fait la malle par la plaie béante dans son dos. Il remet à nouveau ses intestins dans leur logement et applique du scotch dans son dos. Il se rhabille, allume une clope, et prend un verre de whisky. Il décroche son téléphone et répond à l'appel : il s'agit de Walter, un inspecteur de police. Ce dernier souhaite savoir ce que Joe Coogan a fait la veille au soir car un témoin l'a vu se faire tabasser par Austin Cutlip (surnommé Sticks) que Coogan identifie immédiatement par sa description. Coogan prend son flingue dans le tiroir de la commode et sort. Il croise son propriétaire qui lui fait observer qu'il cornanche à s'en sauver. À l'extérieur de la ville, 2 enfants s'amusent à essayer d'attraper une grenouille. Pendant ce temps-là, le père est en train de terminer l'installation de la tente de camping, tout en rassurant sa femme sur le fait que tout va bien se passer, qu'elle n'a pas de raison de s'inquiéter. Alors qu'ils s'allongent dans l'herbe pour un câlin, ils sont attaqués par des fourmis géantes.


Le lecteur habitué des scénarios de Steve sait qu'il ne doit pas s'attendre à quelque chose de très compliqué. Il va s'agir d'un récit linéaire dans lequel un chasseur de monstre ou un monstre lui-même va s'en prendre à d'autres. Cependant avant même d'avoir entamé sa lecture, il lui sait grâce d'avoir concocté une intrigue pour Bernie Wrightson, pour lui avoir fourni l'occasion de se remettre au dessin, en plus pour illustrer des choses qui lui plaisent. Effectivement, comme l'annonce le titre, un individu passé de vie à trépas revient à la vie pour une raison indéterminée, sans explication de donnée dans le récit. C'est donc à lui qu'il appartient de mener l'enquête d'abord sur les circonstances de sa mort, ensuite sur une épidémie d'insectes tueurs géants. Steve Niles surprend quand même son lecteur avec le corps en train de se décomposer de Joe Coogan qui doit y parer le plus rapidement possible. Il utilise également le fait que Coogan ait été un détective privé ce qui le mêle à une enquête justifiant sa mort et son implication dans l'affaire qui s'en suit. Le scénariste rajoute un personnage féminin pour faire bonne mesure. Veronica Howard ne bénéficie pas de la même exposition que Coogan, mais elle n'est pas non plus cantonnée au rôle de potiche, et encore moins de demoiselle en détresse.


Steve Niles concocte donc un scénario sur mesure pour Bernie Wrightson afin qu'il lui soit donné de dessiner ce qu'il aime. Le lecteur retrouve donc un peu de gore (les boyaux de Coogan qui sortent de leur logement), de pauvres personnes confiantes attaquées par des insectes géants, une bibliothèque bien poussiéreuse, un laboratoire avec des cornues et une allure gothique, un monstre avec trop de bras, une séquence évoquant le bon docteur Frankenstein en train de travailler sur son monstre. En effet outre des histoires de monstres, entre autres, pour les magazines Warren , Bernie Wrightson est resté célèbre pour ses planches illustrant le roman de Marie Shelley Bernie Wrightsons Frankenstein (1983), ainsi que pour la suite Frankenstein Alive, Alive: The Complete Collection (2012-2014-2016). Avec le dessin en pleine page, le lecteur observe que l'artiste a utilisé un pinceau ou un crayon plus gros que pour les illustrations de Frankenstein, avec un rendu moins obsessionnel. Il note quand même que Wrightson a beaucoup travaillé la texture du drap imbibé de matière visqueuse, les ombres sur le mur, la texture des lattes de bois et du ciment du mur. Tout du long, il joue sur la forme des aplats de noir, un peu massifs mais très découpés, donnant de la consistance à chaque image. Il note également que Wrightson réalise des visages à la peau un peu lisse, même s'ils sont marqués de plis. La seule exception est celui de Coogan lui-même dont la peau se détériore au fur et à mesure des pages. Par contre le visage de Veronica Howard est lisse au point d'en devenir angélique.


Les personnages disposent tous de morphologies distinctes, mais les yeux sont souvent ronds. Du coup les expressions de visage ont beau être variées, elles manquent de naturel, de conviction. Wrightson a opté pour un langage corporel de type naturaliste. Il prend soin de représenter les décors avec une fréquence élevée. Le lecteur ne peut pas s'empêcher de trouver les intérieurs des appartements et des bureaux, assez quelconques, manquant de personnalité. De même les façades des immeubles manquent d'une touche gothique. Du coup, les séquences se déroulant en ville souffre du fait que le dessinateur se contient, et n'utilise pas de licence artistique pour apporter une touche expressionniste à ses descriptions. Le lecteur se résigne à une histoire un peu convenue, mais avec quelques éléments inattendus, et des dessins trop sages.


Ce n'est pas non plus une catastrophe : le lecteur peut voir la tension du corps de Joe Coogan alors qu'il essaye de bouger ses membres. Il apprécie la viscosité des intestins qu'il essaye de remettre à leur place. Il sourit en voyant la dextérité avec laquelle Wrightson met en scène le couple de campeurs, l'inquiétude sourde de la femme, l'assurance tranquille de l'homme. Il commence à se dire que l'artiste n'a pas perdu son coup de crayon avec le dessin en double page montrant le docteur Baxter s'occuper de ses pensionnaires, à la fois pour la mise en scène, à la fois pour la texture rocheuse. Il se dit même que Bernie Wrightson est au meilleur de sa forme avec un autre dessin en double page où Joe Coogan est allongé sur une table. Il retrouve en effet la minutie de ses dessins, pour les effets de texture sur la peau, les étranges bocaux en arrière-plan, l'étrange douceur de Veronica Howard qu'il est impossible d'interpréter comme la faiblesse d'une femme sans défense. Certes la narration visuelle manque parfois de conviction, de détails dans certaines cases, et peut se reposer sur des clichés… enfin des images donnant une impression de déjà-vu, ou plutôt déjà dessinés par Wrightson, c’est-à-dire déjà avec une forte personnalité graphique. Le temps d'un dessin, parfois d'une séquence, le lecteur retrouve la sensibilité si particulière à la fois horrifique et gothique des dessins de Bernie Wrightson et la magie opère comme au bon vieux temps d'Eerie & Creepy.


Cette histoire se lit rapidement, et Bernie Wrightson n'est pas au sommet de son art. Néanmoins Steve Niles a déjà écrit des histoires bien plus linéaires, et bien plus squelettiques. Il prend soin d'imaginer des séquences en phase avec les préférences de l'artiste, pour mettre en valeur ses points forts. En outre, il est possible que l'amateur apprécie de retrouver les figures classiques du mort-vivant avec une variation inattendue, du savant fou, et de la jolie demoiselle faisant bien plus que simple faire-valoir pour le personnage principal. Bernie Wrightson donne l'impression de s'appliquer jusqu'à en perdre sa saveur pour les séquences en civil, sans monstre et sans horreur. Parc contre, sa personnalité graphique revient à la surface dès que le récit s'engage dans une horreur plus graphique, plus gothique.


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The Ghoul : 3 épisodes, initialement parus en 2009/2010, écrits par Steve Niles, dessinés et encrés par Bernie Wrightson, et mis en couleurs par Tom Smith, mais repris en noir & blanc dans ce recueil.


Le lieutenant détective Lloyd Klimp de la police de Los Angels attend un agent très spécial sur le petit aéroport de Burbank, à deux heures du matin, à l'écart des éventuels curieux. Il pense aux différentes affaires sur lesquelles il a déjà enquêtées, aux meurtres sordides. Mais rien dans sa carrière n'a entamé sa conviction que le surnaturel n'existe pas. Sauf que le dernier cas arrivé sur son bureau présente des particularités inexplicables et qu'il a été amené à en parler à ses supérieurs qui ont demandé l'aide d'une agence assez particulière elle aussi. C'est ainsi qu'il assiste à l'atterrissage de l'avion spécialement aménagé amenant The Ghoul, un individu massif de 3 mètres de haut. Malgré son expérience professionnelle, Lloyd Klimpt est très impressionné par Ghoul, au point d'en devenir révérencieux, Ghoul en profitant pour le charrier sur sa naïveté apparente, avec des réponses sarcastiques. Klimpt emmène Ghoul vers le petit camion de déménagement qu'il a loué, pour que Ghoul puisse y caser sa masse imposante. Ce dernier lui demande s'il a ramené à manger et Klimpt conduit le véhicule jusqu'à son pavillon situé sous une bretelle d'autoroute urbaine. Chemin faisant, Klimpt explique la raison de la venue de Ghoul.


Klimpt explique qu'on lui avait attribué une affaire de chantage sur une actrice en vogue. En creusant un peu le dossier, il s'était rendu compte que tout avait commencé avec Polly Atwood, célèbre actrice du cinéma muet, ayant réussi à effectuer le passage au parlant sans problème pour sa voix. Il se trouve que sa fille Doris Atwood a également réalisé une brillante carrière d'actrice, possédant les mêmes qualités que sa mère. Ester Atwood est également une actrice de renom, fille de Doris, et petite fille de Polly. En mettant le nez dans ce dossier, Lloyd Klimpt a été frappé par la ressemblance existant entre ces 3 femmes au point d'avoir la conviction qu'elles ne font qu'une, et qu'il est possible d'y voir une intervention surnaturelle. Une fois arrivés chez Klimpt, Ghoul indique qu'il a une course à faire dans une armurerie dont il donne l'adresse à Klimpt. En effet, la date est celle du 30 avril et c'est Walpurgisnacht. Klimpt conduit Ghoul jusqu'à la boutique en question dans un quartier mal famé, avec une enseigne de sexshop. Dans l'arrière-boutique, il fait la connaissance de Jones, dans une pièce couverte d'armes à feu accrochées aux murs. Ghoul choisit une arme pour lui et demande à Jones de fournir un revolver plus sérieux à Klimpt qui n'a que son arme de service.


En 2008, Steve Niles avait remis le pied à l'étrier à Bernie Wrightson avec Dead, she said, et même avant cela avec City of Others publié par Dark Horse Comics. S'il a lu Dead, she said, le lecteur sait qu'il peut s'attendre à des dessins de Bernie Wrightson avec une forme fluctuante en fonction des planches, et un scénario de Steve Niles vraisemblablement un peu plus consistant que ceux pour la série Criminal Macabre par exemple. Effectivement le scénariste a conservé ses tics d'écriture. En quelques pages l'intrigue est posée : un inspecteur de police qui enquête sur une actrice visiblement immortelle impliquée dans une affaire criminelle, un individu surnaturel l'assistant dans l'enquête. Effectivement Steve Niles n'en a cure de se conformer aux structures classiques d'une histoire. Au final, la rencontre avec les Atwood ne se produit que d'ans le dernier épisode, et l'affrontement est réglé en 4 pages. De manière inattendue, il se montre un peu facétieux en faisant intervenir Joe Coogan dans l'enquête le temps d'une scène (le personnage principal de Drive, she said) et le lecteur rencontre le personnage principal de la collaboration suivante entre Niles & Wrightson : Doc Macabre. C'est même lui qui indique le prénom de Ghoul : Kevin. Niles se montre encore plus facétieux par le fait que Ghoul a ses propres objectifs et que finalement l'épisode 2 est consacré à autre chose que l'enquête : des démons qui prennent pied sur Terre à l'occasion de la nuit de Walpurgis. Le lecteur doit accepter de s'en remettre à la fantaisie de Steve Niles qui raconte ce que bon lui semble, ou alors qui conçoit son scénario sur la base de ce que Bernie Wrightson souhaite dessiner. Toutefois, il sait aussi poser une ambiance et être efficace dans sa narration.


Le lecteur se rend compte qu'il s'attache facilement à Lloyd Klimpt, impressionné par la masse de Ghoul, et même par sa simple existence qui prouve de manière massive l'existence du surnaturel. Du coup, il sourit et compatit quand Klimpt se rend compte qu'il n'est pas à la hauteur pour affronter les démons, ou qu'il subit les moqueries de Ghoul. Niles sait aussi insuffler une personnalité à Ghoul, blasé et sûr de lui. Le lecteur sourit en voyant ce duo (pas si) mal assorti, entre le professionnel expérimenté se retrouvant en situation de débutant et le professionnel blasé avançant sans coup férir. Il est donc vraisemblable que Bernie Wrightson se retrouve à illustrer une histoire faite sur mesure pour lui. Comme dans Drive she said, le lecteur attend et repère les moments où ce grand artiste retrouve sa magnificence, et ses dessins imposent leur qualité gothique et horrifique. Il n'a pas à attendre très longtemps car dès la page 4, l'artiste en met plein la vue avec le dessin tout simple d'une énorme chaussure qui sort de l'avion, directement sous le nez de Klimpt, totalement pris au dépourvu par la pointure. Bien sûr la peau tendue sur le visage de Ghoul (ou Kevin) évoque celle du monstre de Frankenstein, avec cette sensation de créature à l'étroit dans un corps qui n'arrive pas à la contenir. Les gros plans sur le visage de Ghoul font également ressortir l'intensité de sa présence, comme s'il était entièrement focalisé sur son objectif, ou s'il souffrait intérieurement d'un tourment indicible.


Il faut ensuite attendre quelques pages avant que Wrightson ne puisse revenir dans le registre de l'horreur. Le corps crucifié et les têtes sur des piquets manquent un peu d'impact, faute de textures suffisamment travaillées, sur le bois, mais aussi pour les peaux des victimes. Il en va tout autrement pour les démons, car Wrightson soigne plus la texture de leur peau, ainsi que les perforations occasionnées par les balles d'arme à feu. Dans ce même registre, le visage de Joe Coogan s'avère très réussi avec sa chair en décomposition (il faut croire que son embaumement atteint ses limites). Le pire (ou le meilleur d'un point de visuel) arrive lors de l'affrontement contre ce qui se trouve dans le manoir des Atwood où les créatures monstrueuses sont plus réussies que celles à la fin de Drive she said. Pour ce récit, Niles & Wrightson ont donc plus misé sur la fibre horrifique que sur la fibre gothique. Néanmoins, la narration visuelle libère d'autres saveurs étonnantes. Dans la première page, 4 cases sont consacrées à un roulage de cigarette en gros plan, plus vrai que nature, qu'il s'agisse de la texture des brins de tabac, de la position des doigts pour donner la bonne forme à la feuille, ou du léchage pour la coller. Le lecteur a l'impression que Wrightson a fait ça toute sa vie.


Quelques pages plus soin, survient l'évocation de la carrière des Atwood, et ces actrices ont effectivement un bien joli minois. Alors que les décors urbains de Drive she said étaient banals, ceux du présent récit disposent de plus de personnalité : la jolie maison au pied d'une pile de pont d'une dizaine de mètres de haut, l'incroyable bazar organisé à l'intérieur de la boutique de pornographie et du bureau de Jones, l'immeuble à moitié délabré qui abrite le bureau de Joe Coogan, ou encore la belle demeure des Atwood. Lorsque Ghoul et Klimpt pénètrent à l'intérieur de ladite demeure, ils passent dans l'entrée et dans des couloirs tapissés de photographies des 3 générations de vedette, entre musée et temple à la gloire de ces dames. Au fil des pages, le lecteur se rend compte que Bernie Wrightson semble s'impliquer de plus en plus, les noirs devenant plus présents et plus travaillés, les traits de texture devenant plus nombreux et plus ouvragés. Le lecteur ne retrouve pas la finesse des traits des illustrations de Frankenstein, mais il retrouve le côté tactile et le niveau de détails des belles illustrations de Wrightson.


Cette deuxième histoire réalisée par Bernie Wrightson avec Steve Niles pour IDW s'avère plus savoureuse que la première, avec un scénario plus décontracté, peut-être un peu décomplexé. Bernie Wrightson semble plus à l'aise que sur la première, avec des pages plus réussies, même si elles ne sont pas dans un registre gothique. Il faut donc que le lecteur accepte de renoncer à une partie de ses attentes concernant Wrightson pour pouvoir être en mesure d'apprécier la facétie de Steve Niles, et l'implication différente de Bernie Wrightson.


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Doc Macabre : 3 épisodes de la minisérie, initialement parus en 2010/2011, écrits par Steve Niles, dessinés et encrés par Bernie Wrightson.


Un couple est barricadé dans sa maison un peu à l'écart de la ville. À l'extérieur, sur la grande pelouse, plusieurs individus morts dans un état de décomposition plus ou moins avancé sont en train de progresser lentement vers la maison, des zombies. Le mari a appelé Doc Macabre à la rescousse en laissant un message sur son répondeur, mais sa femme commence à douter qu'il arrive à temps. Tout d'un coup, une voix de jeune homme retentit, avertissant les zombies que le temps est venu qu'ils retournent à leur tombe. Les zombies se retournent et commencent à marcher vers Doc Macabre. Celui-ci tient dans ses mains un étrange fusil : il fait tomber une goutte d'un liquide non identifié dans un réservoir situé en amont du canon. Puis il presse la gâchette. Il sort des sortes d'éclair du canon qui se propagent de zombie en zombie. Ils ne s'écroulent pas par terre, à la grande déception de Doc Macabre. Après un instant d'hésitation, ils font demi-tour et se dirigent chacun vers leur tombe où ils s'allongent en commençant à remettre de la terre par-dessus eux pour se recouvrir. Un prêtre sort d'une voiture, en demandant si la situation est résolue. Doc Macabre répond que oui, et tend la facture en indiquant qu'il prend la carte bleue.


3 des professeurs de Doc Macabre témoignent du fait qu'il était un élève brillant, mais à l'écart de la classe, très participatif pendant les cours, très effacé et discret en dehors des cours. Au temps présent, Doc Macabre rentre dans sa grande demeure assortie d'un énorme laboratoire. Il y est accueilli par Lloyd son robot, homme à tout faire. Il lui indique qu'il faut qu'il fasse des tests complémentaires sur le fusil dont il vient de se servir. Lloyd l'informe qu'il y a là Wanda & Henry Brooks, 2 retraités qui souhaitent louer ses services. Le couple explique que leur maison est hantée par un individu âgé et nu qui répète inlassablement la même injonction : sortez ! Doc Macabre accepte l'affaire, demande aux époux Brooks de payer la facture à Lloyd, en ajoutant qu'il leur fait 10% en moins s'ils lui servent de taxi pour se rendre jusqu'à leur maison.


Il s'agit donc du troisième et dernier récit, vaguement connecté avec les 2 précédents. La connexion consiste dans le fait que Joe Coogan (détective privé de Drive she said) et Kevin (Ghoul) apparaissent dans cette histoire. Comme pour le tome précédent, Steve Niles a fait l'effort de concevoir une vraie histoire et pas juste une trame simpliste, linéaire et convenue. L'histoire commence par une scène introductive montrant Doc Macabre en action pour que le lecteur sache de quoi il est capable, suivi par une page avec ses anciens professeurs parlant de lui pour établir qu'il s'agit d'un génie qui résout des affaires paranormales. Il utilise effectivement une arme et des machineries relevant dune technologie rétro-futuriste. Au fil des pages, le lecteur constate qu'il existe des combinés de téléphone sans fil, ainsi que des terminaux portables pour carte bancaire ; il ne semble pas y avoir encore de téléphone portable ou d'ordinateur portable. Il n'est pas fait mention d'internet. De toutes les manières, l'année réelle du récit est sans incidence sur son déroulement. Le scénariste a donc imaginé un personnage principal assez générique : un jeune homme, inventeur de génie et pourfendeur de créatures surnaturelles. Il avait déjà réalisé une intervention dans The Ghoul. Un trait de caractère le distingue toutefois des personnages sortant de ce moule : il a presque toujours le sourire aux lèvres et il ne semble pas très inquiet face au danger, même si son invention ne fonctionne pas comme il l'avait prévu. Le lecteur a du mal à savoir s'il s'agit d'un optimisme naturel, ou plutôt d'une confiance en lui sans limite.


Le lecteur accepte donc bien volontiers d'accompagner Doc Macabre dans ses affaires pour le voir débiter du monstre. Une fois la scène d'introduction passée, il accepte d'enquêter sur une maison hantée. Au vu de la situation, le lecteur habitué de ce genre de récit se doute bien de quoi il retourne. Le plaisir de la lecture ne réside donc pas dans l'intrigue et le suspense, mais plus dans la manière de mettre en œuvre les conventions du genre et de permettre à Bernie Wrightson de réaliser des dessins mémorables dans le genre qu'il affectionne. En ayant lu les 2 tomes précédents, le lecteur s'est un peu habitué au niveau des dessins de l'artiste, un peu en deçà de sa production dans les années 1970 & 1980. Ceci fait qu'il est agréablement surpris par la première page : une maison isolée dont s'approche des zombies, des textures assez fines sur la peau des zombies, le bois des planches que le mari est en train de clouer sur les fenêtres, l'étoffe fatiguée commençant à se décomposer des vêtements des morts vivants. Il éprouve la sensation d'être revenu à la grande époque de l'artiste.


De fait les séquences suivantes confortent l'impression que Bernie Wrightson a retrouvé la fougue de ses jeunes années, la motivation pour réaliser des cases peaufinées afin de transcrire l'horreur ou le merveilleux des scènes. Ainsi le lecteur sourit devant la posture de Doc Macabre tenant son improbable fusil, son léger sourire, sa confiance, et sa morphologie assez fine et peu musculeuse. Il sourit encore en voyant les morts vivants regagner leur tombe et se recouvrir de terre. Wrightson sait doser ses ingrédients pour que le lecteur puisse prendre ce qu'il représente au premier degré, et sourire en comprenant que l'artiste sait qu'il utilise des conventions éculées sans se prendre au sérieux, mais sans s'en moquer. Ce parti pris saute aux yeux avec le dessin de la maison du couple Brooks occupant une demi page, un hommage à ces vieilles demeures propices à abriter des manifestations surnaturelles anciennes. L'apparition du spectre qui persécute le couple Brooks marie également avec un savoir-faire consommé le premier degré, et la réaction critique de Doc Macabre en se retrouvant face à un vieil homme, les bijoux de famille à l'air. L'artiste ne réalise pas des dessins horrifiques dans le but de choquer ou de traumatiser le lecteur, mais pour le divertir, sans rien sacrifier à leur qualité ou à leur minutie pour autant.


Le lecteur se retrouve aux anges quand Bernie Wrightson se lâche encore plus dans des dessins premiers degrés. Il commence par découvrir un dessin en double page dans lequel Doc Macabre se tient devant une sorte de sphère montée sur un mat, qui électrise toute cette pièce du laboratoire. Il s'agit d'un magnifique hommage au film Frankenstein, et en même temps d'un moment entièrement intégré au récit. Le même phénomène se reproduit lors d'un dessin en pleine page, mais cette fois-ci pour une vue de l'extérieur de la demeure, où il ne manque ni une brique, ni une tuile, à nouveau une implication totale de l'artiste. Bien sûr, Wrigthson ne réalise pas que des cases pleines à craquer, et il se repose sur les trucs et astuces habituels des comics par exemple lors des scènes de dialogues, avec des arrière-plans pouvant être vides. Même alors, la représentation des personnages reste travaillée et peaufinée. Par la suite, le lecteur découvre encore un dessin en double page quand Lloyd se retrouve face à Joe Coogan et Ghoul. Là encore, Bernie Wrightson a investi beaucoup de temps pour une composition mémorable, pour un dessin léché et soigné, avec un effet impressionnant sur le lecteur qui comprend ce que peut ressentir le pauvre Lloyd face à ces 2 individus sortant de l'ordinaire.


Doc Macabre est la troisième histoire issue de la collaboration de Steve Niles et Bernie Wrightson pour IDW. Ils avaient déjà réalisé auparavant City of Others pour Dark Horse Comics. Au fil des pages, le lecteur se rend compte que scénariste et dessinateur sont totalement en phase, avec une forte implication dans leur récit. Steve Niles continue décrire sur mesure pour Wrightson, en ayant pris le temps de développer une véritable histoire, avec une intrigue originale. Wrightson semble avoir été conquis par cette histoire, et cela se ressent dans ses pages plus travaillées que dans les 2 précédents récits. Le lecteur éprouve la sensation de retrouver la verve de Wrightson à ses débuts, avec en plus la conscience des auteurs d'écrire pour un public qui attend plus qu'une simple histoire à chute, avec des dessins horrifiques. De fait, la narration intègre les conventions de ce genre de récits, en faisant ressentir que c'est un fait exprès, et sait les utiliser au profit de l'intrigue, mariant ainsi un hommage au genre, avec une histoire premier degré réalisée de main de maître.

Presence
9
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le 14 mars 2020

Critique lue 48 fois

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