Ce tome comprend les épisodes 25 à 30, parus en 2011. Il fait suite à Leviathan (épisodes 19 à 24). Tous les scénarios sont de Mile Carey, les illustrations de Peter Gross, aidé par Vince Locke pour les séquences se déroulant pendant les années 1930.


Épisodes 19 & 20 "Citizen Taylor" - Les affaires de Wilson Taylor sont mises en vente aux enchères. Lizzie Hexam et Richie Savoy souhaitent récupérer un lot spécifique (le numéro 57), sans participer à la vente. Malheureusement ils vont venir augmenter la liste des lots.


Épisodes 21 à 24 "On to Genesis" - Thomas Taylor s'est découvert une nouvelle capacité qui lui permet d'en apprendre plus sur le passé de son père. En particulier il a accès à un pan de la relation entre son père et Pullman. C'est également l'occasion de découvrir un proto-superhéros oublié de tout le monde (The Tinker), Miriam Waltzer (sa créatrice, écrivant sous le nom de plume de Milton Jardine), et ses amours avec un certain Will Tallis.


En apparence, Mike Carey et Peter Gross s'offrent 2 histoires plus directes et moins conceptuelles que le tome précédent. Le récit repart sur le mode "aventure", découverte de mystères, et action. Le lecteur est amené à en apprendre plus sur une partie de la vie de Wilson Taylor (le père de Thomas Taylor). Il participe à une vente aux enchères à haut risque, il plonge en 1936 (la une d'un journal évoque la remilitarisation de la Rhénanie) aux cotés d'une auteure de comics, et il en découvre un petit peu plus sur les machinations de Pullman à l'époque actuelle. Carey accorde une place importante aux sentiments existant entre les différents personnages. Thomas Taylor et ses 2 compagnons reprennent l'initiative, plutôt que de subir les événements. Les dessins de Gross conservent ce fragile équilibre entre lisibilité facilité par des cases peu chargées, et détails suffisants pour rendre chaque personnage et chaque lieu spécifiques. Vince Locke effectue les finitions sur les séquences des années 1930, en leur donnant un aspect légèrement suranné du fait d'un encrage en traits fin, sans aplats de noir.


Au bout des 6 épisodes, le lecteur s'aperçoit que cette apparence facile recouvre un récit riche en informations de toute nature. Pour commencer, Carey rappelle la découverte essentielle effectuée par Thomas Taylor lors du tome précédent. Ensuite il lève le voile sur des tâtonnements ayant précédé la conception de Thomas Taylor. En passant, il en dit plus sur les agissements de la Cabale et le rôle de Pullman. Mine de rien, il fait le point sur la situation de plusieurs personnages secondaires tels qu'Anna Elizabeth Rausch, Susan Morganstern, sans oublier le monstre de Frankenstein, Bayard Swope (l'agent littéraire de Thomas Taylor), Ernest Cole (l'éditeur des livres de Tommy Taylor).


Coté thématique du langage et de l'écriture, le lecteur de comics est tout de suite séduit par cette évocation d'un proto-superhéros, à mi-chemin entre les héros violents des Pulps, pratiquant une justice expéditive, et des individus dotés de superpouvoirs (ici grâce à des artefacts magiques). Comme à son habitude, Carey ne se contente pas d'une parodie basique. Dans le cadre des actions de la Cabale, il met en évidence la spécificité de ce genre de récit (les tout premiers superhéros), et de leur mode d'édition et de diffusion. Il n'hésite pas à mettre en perspective le fait qu'une partie significative de ces héros de papier étaient écrits par des émigrants juifs de deuxième ou troisième génération dans un contexte historique particulier. On est donc très loin d'un simple hommage passéiste ou nostalgique. Il faut encore considérer que Carey a choisi une femme pour être l'auteur de ces lectures de masse. Enfin, il prend également en considération l'impact de ces publications sur l'inconscient collectif étatsunien du fait de leur tirage. Il s'agit là du thème principal et le plus évident. Discrètement, le temps d'une case ou deux, Carey en aborde quelques autres. Par exemple, il a à nouveau recours à des facsimilés de blogs et de forums de discussion le temps d'une page. Dans cette mise en perspective interne au récit, il glisse un commentaire comparant une demi-douzaine de citations de Jésus Christ, à des citations similaires extraites des livres fictifs ayant Tommy Taylor pour héros. Le lecteur reconnaît au passage un thème ayant déjà affleurant précédemment. Il faut arriver vers la fin du tome pour saisir le jeu de mot compris dans le titre : On to Genesis qui peut se lire d'une traite en "ontogenèse" (=genèse d'un être vivant de sa conception à sa mort, merci le dictionnaire).


De son coté, Peter Gross continue son travail discret, tout au service du récit, sans chercher à épater par ses capacités de dessinateur. La conception graphique de chaque personnage est maintenant bien établie, avec des traits simples, faciles à lire, impossible à confondre. Sa manière de dessiner les verres de lunettes de Lizzie est aussi simple qu'élégante. Gross dessine des personnages aux proportions normales, des individus tels que l'on peut en croiser tous les jours. Sa mise en scène est facilement lisible. Elle manque encore un peu d'inventivité pendant les scènes de dialogues. Il sait modifier légèrement son style pour évoquer les comics des années 1930, ou les BD coquines (juste le temps d'une case) de type Tijuana Bible. Il est difficile de s'enthousiasmer pour les illustrations de Gross dans la mesure où il donne l'impression de se limiter à des images fonctionnelles. Malgré tout, en prêtant attention à son travail, le lecteur se rend compte qu'il compose chaque image avec soin, en fonction des besoins du récit. C'est ainsi que lorsque Thomas et Lizzie se rendent à la bibliothèque publique de New York (New York Public Library sur la quarante deuxième rue), le lecteur reconnaît aisément la façade du bâtiment et les 2 lions en pierre situés devant. Les rayonnages de livre à l'intérieur donne envie d'aller y faire un tour. Lorsqu'Ernest Cole et son ami sortent d'un spectacle, le lecteur le comprend tout de suite grâce à l'image, sans besoin de texte. Et chaque nouvel endroit se découvre aussi facilement, avec à chaque fois un cachet marqué, une authenticité indéniable. Il en va de même pour les tenues vestimentaires.


Les couvertures de la série sont toujours réalisées par Yuko Shimizu. Il commence par une (épisode 19) qui fait écho à la toute première de la série. La deuxième constitue une forme de mise en abyme pour Thomas Taylor, assez inquiétante. La troisième sert de couverture au présent recueil et évoque des années 1930 sublimées. La quatrième est un facsimilé savoureux des couvertures des pulps. La cinquième est un portrait magnifique de Miriam Walzer. La dernière est une photographie de famille très évocatrice, une fois que le lecteur à lu l'épisode.


Ce cinquième tome des aventures de Thomas Taylor se lit tout seul car Mike Carey et Peter Gross ont bâti une histoire légère, pleine de rebondissements, mettant en scène des personnages chaleureux et attachants. Toutefois, en prêtant attention aux scènes de transition et aux dessins en retenu, le lecteur se rend compte qu'il lit un récit dense, sans en avoir l'air. Dans ce tome, les références littéraires sont plus rares, et pourtant Mike Carey développe un nouveau point de vue sur les créations narratives, et sur la naissance du produit culturel de masse. L'épopée de Thomas Taylor se poursuit dans Tommy Taylor and the war of words (épisodes 31 à 35 et 31.5 à 35.5).

Presence
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le 4 avr. 2020

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