Apres avoir survécu à une attaque de plusieurs requins à l'aide de sa chaussure et d'une petite bouée en bois, Tintin échappe à un crocodile neurasthénique. Puis il se fait voler sa voiture et part à sa recherche à pieds, en esperant qu'elle tombe en panne. Ce qui arrive effectivement. Là, il a un plan génial: caché derrière un petit buisson, il lance une noix de coco à la tête d'un homme armé et dangereux. Et rate son coup. Heureusement, une bande de singes qui passaient par là totalement par hasard ont eu la bonne idée de balancer des dizaines de noix de coco sur la même personne.

Toute l'histoire continue comme ça. Cette chance de cocu explique sans doute pourquoi notre reporter fraîchement débarqué de Belgique semble plus doué pour survivre dans la brousse que les Africains d'Afrique. Eux, ils sont idiots et paresseux, certes, mais ils ont au moins l'intelligence de reconnaître la supériorité de l'homme blanc (et du chien blanc, par la même occasion). Sans doute qu'ils ont lu le scénario avant. N'empêche, on se demande bien comment ils faisaient, avant la colonisation. Ils devaient bien se faire chier, quand ils ne s'entretuaient pas comme des sauvages. Heureusement, un gentil missionnaire est là pour leur apporter la Lumière. On ne va pas en plus lui demander de ramer avec les autres. Et puis, il tient le fusil, après tout. Et puis, il a du pain sur la planche, puisque les petits enfants de l'école dans la brousse en sont encore à additionner 2 et 2 à l'âge de 10 ans, et qu'en plus, ils ne sont pas plus doués en survie dans la nature sauvage qu'en mathématiques.

Notons que dans le monde de Hergé, les chiens blancs parlent mieux le français que les humains noirs (qui ne se débrouillent pas trop mal, quand même, pour des sauvages), mais en Afrique, ce sont les singes qui maîtrisent le mieux la langue de Molière. Ce qui n'empêche pas Tintin d'en tuer un pour se vêtir de sa dépouille et aller récupérer son roquet insupportable et raciste. Tintin bousillera d'ailleurs un nombre impressionnant d'animaux, généralement sans chercher à s'expliquer pourquoi. Parfois c'est pour manger, parfois c'est juste comme ça. Pour le fun. C'est comme aller chercher un rinhoceros, faire un trou dans sa carapace et mettre de la dynamite dedans. Ca occupe une après-midi.

Ces massacres d'animaux sauvages et le racisme latent qui imprègne ces pages, constituent finalement la partie la plus intéressante du livre: reflet d'une époque, ils prêtent à rire aujourd'hui, bien qu'ils soient finalement assez tragiques au regard de l'histoire. Mais comment résister à des dialogues comme: "a présent, moi y en a être ton esclave, o blanc genereux". Ha, si seulement la colonisation avait été aussi simple...

Mais revenons à la qualité scénaristique inimitable. Ce n'est qu'à la fin du livre qu'on apprend enfin pourquoi le vilain méchant blanc en avait tellement après tintin. Hé bien, je vous le donne en mille: il a été envoyé par quelqu'un qui voulait prendre le controle d'une mine de diamant dont on n'a jamais entendu parler, et pour une raison mystérieuse aussi bien qu'inexpliqué, a cru que tintin était au courant. Certes, c'est douteux, mais quand on voit que Tintin a la capacité de faire surgir de nulle part un costume de girafe en plein milieu de la brousse, on peut en effet se méfier, quand on est un méchant.
LaurenPlume
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le 31 oct. 2012

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Lauren Plume

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