Tintin au pays des Soviets est un chef d'œuvre dans la catégorie des œuvres qui parlent de choses qui ne sont pas connues de l'auteur. On est ici à un niveau de mauvaise foi, d'inculture et de WTF, disons-le, rarement atteint. C'est presque au niveau d'un BHL nous parlant de Libye ou d'un Élie Cohen nous parlant d'économie. C'est dire.


En effet, Hergé raconte l'histoire de Tintin, jeune reporter envoyé en URSS aux alentours des années 29-30. Il en fait une succession d'aventures rocambolesques entrecoupées de scènes à l'anticommunisme poussé parfois jusqu'à l'absurde. L'auteur reconnaîtra bien plus tard que ce Tintin-là était une erreur de jeunesse (ce qui n'est pas peu dire de la part d'un dessinateur ayant travaillé pour des revues collaborationnistes dans la Belgique occupée par le régime Nazi...). Du reste, pour être tout à fait juste, ce n'est pas tant l'anticommunisme de bazar d'Hergé le plus coupable pour ce qui est des lacunes narratives et de la naïveté des pastilles anticommunistes que sa méthode de travail de l'époque, à savoir une écriture scénaristique semaine après semaine, sans idée préconçue.


Le trait d'Hergé est parfaitement adapté au noir et blanc (et aux conditions d'impression de l'époque...), ainsi qu'à la naïveté des personnages qu'il dessine, que ce soit d'un Tintin assez niais pour s'exclamer "Où vais-je ?" quand il est propulsé d'une voiture accidentée ou d'un bon vieux Soviet russe, et donc stupide, qui prend peur devant un fantôme de drap.
Pour ne pas charger la barque, il faut reconnaître qu'Hergé montre dans cette BD son talent pour représenter le mouvement et la vitesse avec peu de traits et qu'on décèle, au fur et à mesure des planches, l'amélioration et l'élargissement de sa palette graphique. Il inaugure aussi, ou presque, l'usage, dans la bande dessinée européenne, de dessins et de bulles de façon exclusive, sans para-texte aucun.


Tout y est infiniment caricatural, et, disons-le clairement, Hergé prend ses lecteurs soit pour des cons, soit, à la rigueur, pour des enfants des années 20-30. Et c'est là tout le charme de cette BD, dont certains passages, comme le "vote" ou la visite des usines Potemkine par les reporters Anglais, sont tout à fait friands.

Pithcanthrope
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le 25 août 2014

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