Un printemps à Tchernobyl
7.8
Un printemps à Tchernobyl

Roman graphique de Emmanuel Lepage (2012)

Et voici le dernier volet de notre série atomique en cette année 2016, anniversaire de Tchernobyl et de Fukushima.
Après le bouquin de Lucile Bordes et après la terrible Supplication de la biélorusse Svetlana Alexievitch, voici en images cette fois, la BD du breton Emmanuel Lepage, dessinateur engagé : dessin'acteur.
L'idée de cet album est en apparence toute simple puisqu'il s'agit de mettre en images le voyage même de Lepage qui s'est rendu sur place (avec un groupe d'amis artistes) pour témoigner à sa façon.
On n'est pas très loin de l'approche 'factuelle' du manga de Kazuto Tatsuta mais dans un style plus intellectuel, plus militant, plus engagé ici.
Ce reportage s'ouvre sur les images de l'auteur en train de lire La supplication, avant l'arrivée du groupe à Pripiat, la ville de la centrale, une ville qui nous est devenue presque familière après toutes ces lectures.



[...] Pripiat accueillait ingénieurs et ouvriers qui travaillaient à la centrale, ainsi que leur famille. La moyenne d'âge n'excédait pas trente ans. De nombreuses femmes attendaient un enfant. Ils étaient l'élite.
[...] La table se garnit de toutes sortes de mets. Comme si nos hôtes, malgré le fossé de la langue, savaient qu'après l'expérience que nous venons de vivre, il fallait convoquer la vie ... comme les repas qui suivent les enterrements.



Les textes de Lepage sont très réfléchis, très mesurés et réussissent, en se contentant de questionner les faits, réussissent à éviter de verser dans le scoop sensationnel, l'écologie pontifiante ou la vindicte militante.
Mais à l'opposé de La Supplication russe qui s'effaçait entièrement derrière les paroles transmises, ici le 'je' prend beaucoup de place (trop ?) : Lepage nous raconte sa démarche, ses peurs, ses motivations, ses doutes, ...



[...] En Ukraine, comme en France, comme partout, on choisit de rassurer. Par peur de regarder la réalité en face ? Penser autrement serait comme se pencher au-dessus d'un puits sans fond. On risquerait d'être saisi de vertige.



Les dessins sont superbes, crayons et pastels : Lepage manie son crayon comme d'autres un appareil photo et il fallait bien un maître dans l'art du portrait comme lui pour nous faire approcher ceux qui vivent là-bas, dans 'la zone'.
Pour celles et ceux qui aiment se rendre compte.

BMR
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le 29 oct. 2016

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