Découvert lors d’une expo, du musée de la BD de Bruxelles, Emmanuel Lepage m’a directement saisit avec ces planches grandioses.
Ce sont des dessins souvent “gras” qui dégagent une certaines puissances. Des dessins et une mise en page, que je qualifierai parfois même d’organiques. Tous ces albums ont l’air très intéressant, mais le sujet de Tchernobyl me parlait beaucoup plus.
(Je ne remercierai d’ailleurs jamais assez ce cadeau que l’on m’a fait, en m’offrant cette BD. Encore une fois Merci John!)
Alors de quoi nous parle cet album? C’est très simple…
Emmanuel Lepage, lui même, va nous raconter la folle aventure qui lui a permit de passer plusieurs semaines à Tchernobyl. Un long séjour, aux côtés de plusieurs artistes, où ils tentent de reproduire et créer quelques images et œuvres propres à ce lieu. Dès le début, j’ai été très étonné, on nous parle d’une quête artistique très singulière et assez vite on va y remarquer quelques incohérences dans son concept. On envoie plusieurs artistes pour capter l’essence de ces “Zones” dangereuses et abandonnés, pour sensibiliser les gens à la plus grosse catastrophe nucléaire de tous les temps.
Ce qu’ils vont arriver à faire mais ils oublient une autre composante essentiel de tous voyages...
Comme je le dit souvent et je m’y suis un peu attendu...
On a bien des façons de voyager, mais souvent, le plus beau des voyages se situe dans le cœur des gens que l’on rencontre… Et je vous le donne en mille, malgré la terreur qu’inspire Tchernobyl et ses alentours, ce voyage permet à Emmanuel Lepage de se rendre compte de l’existence de toutes ces personnes.
Des personnes, vivant dans ce “coin du monde”, proche et parfois même au plein coeur des radiations… Et pourtant, il y a dessiné le bonheur.
Ce bonheur le trouble et c’est la première partie et le premier message de cette oeuvre:
L’humain s’adapte…
Peu importe ces erreurs, il sera toujours en mesure de s’adapter et quelque part c’est un très jolie message d’espoir; que je ne m’attendais pas de voir dans une histoire pareille.
Notre auteur/héros, va donc visiter et vivre très proche de ce que les gens appelles “la Zone”. Un large périmètre invivable, à cause de trop fortes radiations. On peut passer dans certains coins, mais on ne doit pas s’y attarder…
Beaucoup d’habitants des alentours prennent un malin plaisir à visiter et revisiter ces lieux abandonnés. Comme s’ils étaient appelés par cet endroit, comme s’ils ne pourraient vivre ailleurs.
(à la vu de ces mots… Les plus cinéphiles d’entre vous, auront des déjà en tête le fameu Stalker de Andreï Tarkovski. Pour moi, qui adore ce film, ça a été un pur régal de constater du réel de cette fascination pour la “zone”… Un pur régal, car c’est une fascination que je comprend et partage totalement.)
On nous montre alors la peur.
La peur que peut susciter ces endroits, silencieux, calmes et figés dans le temps. Oui, car impossible de “flâner”, impossible de rester plus de quelques minutes à contempler un monde sans homme. Nous nous sommes rendus ces terres interdites, ce qui est à la fois, beau et cruel, mais c’est surtout terrifiant et j’imagine bien le silence palpable qui doit régner dans la “Zone”.
Vous êtes maintenant en droit de vous poser la question suivante:
Pourquoi irait-on là bas de son plein gré? Pourquoi se mettre en danger pour produire quelques dessins?
Cet album répond à ces questions de bien belles manières et je comprend totalement la démarche. Ces environnements délabrés, témoins de vies humaines m'ont toujours fasciné et je sais que je partage ce sentiment avec beaucoup de monde. Car comme évoqué dans cette histoire, le simple fait de voir ces bâtiments, ces véhicules et ces objets abandonnés font travailler l’imagination de beaucoup d’artistes.
à mon avis, c’est comme se retrouver devant la “fin d’une histoire”, sans avoir eu d’autres informations. C’est terriblement grisant, ces questions tortures le cerveau de tous créatifs et/ou curieux, jusqu’à faire travailler notre imaginaire.
Ce livre peut aussi nous dresser un constat amer…
Après que l’homme se soit amusé à jouer à dieu, en négligeant l’atôme... Il c’est banni lui même de cette “zone” et bien que ce soit devenu un no man's land, la terre est toujours aussi belle. Comme si toute l’humanité toute entière, n’était que de passage.
Je vous partage d’ailleurs cette jolie phrase, tiré des dernières pages:
“On raconte que l’homme fut chassé du paradis. à Tchernobyl, c’est l’homme qui se chasse de la terre”
Pour finir, je tiens à préciser à nouveau que le travail graphique, aide grandement à entrer dans cette histoire. Une histoire qui finalement n’a rien d’étonnant et rien de fantastique… Je peu comprendre qu’elle puisse repousser, car il y a un grand nombre de dialogue descriptif. à tel point, qu’on a parfois l’impression d’assister à un festival de beau dessin, accompagné de légendes, un peu lourde et qui cassent la “progression”.
Ce n’est pas une BD à mettre dans toutes les mains, bien qu’il n’y ait aucune violence… C’est un voyage onirique, qui met un moment à se mettre en place et qui partage des messages qui ne parlerons peut-être pas à tout le monde.
En tous cas, sur moi ça a très bien fonctionné et il me tarde de découvrir d’autres œuvres de cet auteur.