Ce tome comprend les épisodes 61 à 68, initialement parus en 2002/2003, écrits, dessinés et encrés par Stan Sakai. Ces épisodes sont en noir & blanc. Ce tome commence par une introduction de Peter Laird, le cocréateur des Tortues Ninjas (Usagi ayant fait des apparitions dans une des séries de dessins animés de tortues).


-
- Comme le titre l'indique, Miyamoto Usagi a pris en charge le jeune Jotaro, et ils marchent de village en village ensemble. Out of the sahdows (épisode 61) - Dans le premier récit, ils croisent Chizu (celle qui fut la cheffe du clan ninja Neko). Puis ils s'arrêtent dans un temple désaffecté sur le chemin, Jotaro ayant du mal à apprécier le repas à base de navet.


C'est avec grand plaisir que le lecteur retrouve Miyamoto Usagi dans ses vagabondages. Cette fois-ci, ils se distinguent des autres par le fait qu'il est accompagné par un enfant d'une dizaine d'années. Le lecteur pense bien sûr à Daigoro, le fils d'Ogami Ittō dans Lone Wolf & Cub. Il y a bien une relation de type filiale, mais elle n'est pas aussi dure. Stan Sakai utilise cet épisode pour continuer de tisser une trame entre ses différents personnages, puisque par hasard Jotaro fait la connaissance de Chizu. Il raconte une histoire de traquenard dans un petit temple abandonné, avec toujours cette capacité incroyable à assurer un minimum de personnalité à chaque personnage en très peu de cases.


L'issue de l'intrigue se laisse deviner assez facilement, mais c'est aussi l'occasion d'observer les sentiments d'Usagi pour Jotaro, et de voir ce que devient Chizu. L'artiste a fortement densifié ses dessins pour une narration visuelle plus consistante qui permet au lecteur de se projeter dans chaque endroit, malgré la forme enfantine des dessins. Derrière des apparences un peu simplistes, il est toujours aussi habile dans sa manière de raconter l'histoire de choisir ses angles de vue pour chaque séquence. Les gestes et les postures de Jotaro sont bien ceux d'un enfant d'une dizaine année, et pas d'un mini adulte.


Ce premier épisode permet au lecteur d'accompagner Jotaro et Usagi sur les sentiers, de cheminer avec eux, d'observer leur relation, de croiser Chizu et de réchapper d'un traquenard.


-
- Ghost warriors (épisode 62) - Dans le village suivant, ils acceptent d'aider les habitants, pour se débarrasser d'un chef trop exigeant en termes d'impôts.


C'est un point de départ récurrent dans les histoires d'Usagi : il arrive dans un village et il devient le défenseur de villageois opprimés par un chef tyrannique, ou par une organisation criminelle ayant corrompu les services officiels. Pour cet épisode en particulier, l'auteur choisit de faire adopter une stratégie originale à son héros, sans affrontement au sabre. Le lecteur apprécie l'astuce du stratagème.


D'un point de vue visuel, Stan Sakai s'amuse avec l'apparence d'Usagi, en soulignant ses yeux de noir, et en l'affublant d'un manteau couvrant en paille de riz. À nouveau, le lecteur admire les capacités de metteur en scène de l'auteur, que ce soit la poursuite à cheval à travers les bois, le tête-à-tête dans le dénuement de la pièce principale d'un simple paysan, ou encore la mystification organisée à base de lampions.


Comme d'habitude, Stan Sakai raconte une histoire avec des outils narratifs tout public, qui peuvent sembler enfantin. À la lecture, l'histoire révèle des nuances pour les adultes, et les dessins tout simplistes qu'ils semblent assurent une narration visuelle d'une grande qualité, plus complexe qu'il n'y paraît.


-
- Komainu (épisode 63) - Dans le village suivant, un voleur a dérobé le registre des pots de vin versé par le parrain local. Usagi et Jotaro y croisent Kitsune et sa protégée Kiyoko.


Le lecteur habitué des aventures de Miyamoto Usagi comprend tout de suite qui est le voleur et comment Usagi sera impliqué dans cette histoire. Stan Sakai se montre toujours aussi espiègle avec le comportement de Kitsune. Les épisodes précédents ont établi qu'elle ne changerait pas de mode de vie, et ont exposé sa jeunesse, avec toutes ses turpitudes (rappelant avec tact la nécessité de services de protection de l'enfance). Kitsune est toujours aussi malicieuse, professionnelle et souriante. Comme Usagi, le lecteur ne peut pas s'empêcher de prendre fait et cause pour elle. Cette femme assure son indépendance par le biais de vols et larcins d'individus soit riches, soit eux-mêmes criminels. Kitsune n'est pas Robin des Bois et elle vole pour son profit personnel. Stan Sakai la dépeint avec honnêteté, sans essayer de la faire passer pour une victime, ou une femme altruiste.


Comme le lecteur, Miyamoto Musashi est sous le charme de Kitsune. À nouveau, ce personnage montre que cette série ne se contente pas d'une dichotomie simpliste entre le bien et le mal, et qu'il met en scène des individus plausibles. Kitsune n'éprouve aucune velléité de repentance, Usagi n'est pas au-dessus d'une forme de vengeance, ou d'une mise à mort sans remords. L'auteur ne choisit pas pour autant la solution de facilité en dramatisant à loisir, il préfère une narration plus paisible dans laquelle les personnages montrent leur joie de vivre.


Dans chaque épisode, il est possible de repérer les éléments visuels habituels, tels que la progression sur une route ou un chemin de terre, les habitations en bois dans les villages et les kimonos aux motifs divers. Il est également possible de remarquer les pages dans lesquelles l'artiste a essayé quelque chose de nouveau. Il en est ainsi pour la première page dépourvue de texte qui montre le voleur s'introduire en toute discrétion dans la demeure du parrain. En page 9, le lecteur est hypnotisé (comme les spectateurs) par le spectacle de rue, Kitsune faisant virevolter une toupie sur la lame d'une épée. Il n'y a que l'extrémité de la lame et la toupie en train de tournoyer, et pourtant le mouvement est aisé à suivre, comme si ce tour d'adresse se déroulait vraiment sous les yeux du lecteur.


Une fois encore le lecteur peut ressentir une pointe de déception devant l'apparence trop simplifiée de certains personnages ou de leur visage mais il est également épaté par l'art de la mise en scène de l'artiste. Il sait animer une scène de foule pour une fête de village, avec des personnages se cherchant, entre Kitsune, Usagi, les hommes de main qui surveillent la statue où ils ont mis l'argent, et la foule des villageois s'amusant. Stan Sakai sait concevoir une mise en page assurant une lisibilité parfaite, à l'instar des meilleurs réalisateurs.


-
- Tamago (épisode 64) - Usagi et Jotaro font la connaissance d'un moine au crâne d'œuf (en forme d'œuf), et sauvent un marchand d'une équipe de brigands ayant attaqué sa chaise à porteur.


Les pérégrinations reprennent pour Jotaro et Usagi, avec de nouvelles rencontres. Une fois encore un pauvre voyageur est attaqué par des brigands, mais encore une fois, l'auteur sait modifier le dosage de ses ingrédients pour éviter toute impression de redite. La compagnie apprécie la présence d'un moine sachant manier l'autodérision, avec une humilité non feinte, et un art consommé de la préparation du thé. Comme à son habitude, l'auteur crée des personnages à l'apparence simple, réussissant à exister le temps d'un épisode.


Le moine semble sortir tout droit d'un dessin animé pour enfant, pourtant l'artiste parvient à le faire exister sur le même plan graphique que les autres personnages. Jotaro et Usagi se font doubler par des enfants plus vifs qu'eux, et Sakai croque avec justesse leur vitalité et leur jeune âge, ce qui n'est pas donné à tous les dessinateurs.


-
- Usagi and the Tengu (épisode 65) - Miyamoto Usagi raconte une histoire de son passé à Jotaro, quand il était jeune, sous la tutelle de Katshuichi Sensei et qu'il lui avait désobéi pour aller affronter le tengu de la montagne.


Cette histoire dans l'histoire est l'occasion pour Stan Sakai de placer ses personnages dans une forêt dont il sait si bien rendre l'impression donnée. Le lecteur pointilleux observe que son approche graphique rencontre ses limites dans la mesure où Usagi jeune ressemble trait pour trait à Jotaro. Ce n'est pas choquant du fait de leur lien de parenté, mais il n'y a vraiment pas de signe distinctif. Le tengu est représenté comme un homme bien découplé portant un masque, et tenant en équilibre sur d'étranges socques de bois, avec une seule planchette verticale pour semelle (il faut un peu de temps au lecteur pour s'en apercevoir).


Il s'agit bien sûr pour Usagi de raconter une histoire avec une leçon, mais elle apparaît comme étrangement ambigüe, laissant finalement planer le doute sur le degré de prise de risque qu'Usagi souhaite voir prendre par Jotaro.


-
- Sumi-e (épisodes 66 à 68) - Jotaro et Usagi cheminent tranquillement, tout en ayant conscience qu'ils sont observés, vraisemblablement par un bandit de grand chemin. Mais toute leur attention est accaparée par l'apparition soudaine d'un insecte gigantesque qui les attaque. Ils arrivent à se tirer d'affaire grâce à l'intervention de Sasuké (apparu pour la première fois dans le tome 16 Shrouded moon. Ce dernier leur indique que cette apparition surnaturelle est due à l'usage d'un nécessaire à encre (Sumi).


Dans cette histoire, Stan Sakai ramène Sasuke le chasseur de créatures surnaturelles. Il évoque l'usage de la pierre à encre (accessoire authentique pour écrire), avec une histoire de possession qui relève du conte. En fonction de sa sensibilité le lecteur tolérera avec difficulté cette dimension surnaturelle, ou l'acceptera comme un hommage aux contes japonais. C'est à la fois l'occasion pour l'auteur d'évoquer des monstres classiques du folklore, de s'amuser avec Sasuke qui sait décidemment beaucoup de choses (irritant ainsi Usagi par ses remarques cryptiques), et de diriger le projecteur sur Jotaro (évoquant à nouveau la relation entre Ogami Ittō et son fils Daigoro.


Outre l'aisance habituelle du dessinateur à placer le lecteur dans une forêt, à donner vie à des enfants, et à mettre en scène des affrontements physiques, le lecteur tombe en arrêt devant les pages montrant l'usage de la pierre d'encre et du pinceau. Il y a bien sûr une mise en abyme directe lorsque l'artiste représente un autre artiste en train de dessiner, mais il y a aussi le dépouillement de ces cases axées sur le tracé du pinceau, c’est-à-dire un trait abstrait tant qu'il n'est pas terminé, une simple arabesque pure et élégante.


-
C'est déjà le dix-huitième tome de la série, et Stan Sakai semble crée des histoires comme s'il s'abreuvait à une source intarissable et sans cesse renouvelée, lui donnant accès à l'intimité de ses personnages. Il ne lui reste plus alors qu'à raconter leurs aventures en transcrivant leur manière d'être, en toute simplicité.

Presence
10
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.

Créée

le 8 juil. 2019

Critique lue 55 fois

Presence

Écrit par

Critique lue 55 fois

Du même critique

La Nuit
Presence
9

Viscéral, expérience de lecture totale

Il s'agit d'une histoire complète en 1 tome, initialement publiée en 1976, après une sérialisation dans le mensuel Rock & Folk. Elle a été entièrement réalisée par Philippe Druillet, scénario,...

le 9 févr. 2019

10 j'aime