Ce tome fait suite à Mère des montagnes (épisodes 83 à 89). Il contient les épisodes 2 & 3 de "Usagi Yojimbo color special" (1991/1992) et 90 à 93 de la série mensuelle (2006).


Les personnages se trouvent toujours dans la situation finale du tome précédent : Miyamoto Usagi a décidé de rester encore quelques temps au château du Seigneur Noriyuki dans la région du Geishu. Tomoe Ame fait toujours partie de la garde personnelle dudit seigneur. Dans la première histoire, Tomoe raconte à Usagi comment elle a intégrée cette garde personnelle, position très inhabituelle pour une femme à cette époque (à peu près le début du dix-septième siècle au Japon). Puis le seigneur Noriyuki succombe à une étrange maladie qui le contraint à garder la chambre alors que sa santé se détériore de nuit en nuit.


Par la suite, Tomoe et Usagi sont contraints d'accepter l'hospitalité d'une étrange femme dans une maison isolée en rase campagne. Et Usagi décide de s'installer avec elle. Puis Tomoe et lui doivent résoudre de mystérieux meurtres commis non loin d'un puits réputé hanté. Toujours dans la ville autour de la demeure du seigneur Noriyuki, Tomoe et Usagi croisent Kitsune et Kiyoko (qu'Usagi a déjà rencontrées) en train de réaliser des tours de saltimbanques, alors qu'un manuscrit de valeur vient d'être dérobé dans l'un des temples de la ville. Enfin le temps est venu pour Usagi de reprendre la route après une tasse de thé.


Ce qu'il y a de bien avec les tomes d'Usagi Yojimbo, c'est qu'il est possible de commencer par n'importe lequel sans se sentir perdu. Stan Sakai (scénario et dessins) effectue les quelques rappels nécessaires en cours de route et c'est largement suffisant pour se sentir proche des personnages. Toutes les histoires sont illustrées en noir & blanc, y compris celles extraites des numéros couleurs qui ont été retravaillées pour s'insérer dans le cadre du séjour d'Usagi auprès de Tomoe. Stan Sakai utilise comme à chaque fois son style faussement simpliste pour décrire les personnages et les actions.


Sakai écrit des histoires plutôt à destination de la jeunesse en s'inspirant de contes traditionnels japonais, ou de personnages historiques de ce pays. La recherche effectuée transparaît à la fois dans les décors et les tenues vestimentaires, mais aussi dans les histoires. Il se base par exemple sur l'histoire de Tomoe Gozen pour pouvoir mettre en scène une femme maniant le katana et remplissant des fonctions d'homme auprès du daimyo local. Cet aspect historique permet à Sakai de construire des récits cohérents avec l'histoire du Japon, au jeune lecteur de pouvoir glaner quelques éléments culturels exacts, et au lecteur plus âgé d'apprécier en connaisseur le savoir intégré dans ces récits.


Sakai met un point d'honneur à rendre son récit accessible aux plus jeunes, en particulier en atténuant la violence. Il est vrai qu'Usagi est un ronin qui manie le katana et tue un certain nombre de samouraïs et de soldats (et même quelques shinobis) au fil de ses aventures. Sakai opte donc pour des coups portés hors champ de chaque case de manière à ne pas montrer l'impact des coups, les plaies béantes, etc. Il figure la mort de chaque combattant en leur attribuant un phylactère dans lequel apparaît un crâne (de l'espèce animal décédée) tirant la langue. Ce dispositif, ainsi que l'utilisation de personnages en forme d'animaux anthropomorphes ne tirent pas le récit vers le bas. Cela permet à Sakai de donner une apparence plus distinctive à chaque personnage, sans rien perdre de l'expressivité des visages, ou du langage corporel. Les éléments historiques discrets permettent aux illustrations d'acquérir de la substance et de porter des informations fiables à travers les images. La nature est représentée de manière aussi simplifiée, mais cela n'empêche pas Sakai de transmettre l'impression ou l'ambiance qui s'en dégage telles les grandes plaines battues par la pluie ou la présence des taillis et des arbres dans la ville.


Parmi les histoires, certaines sont plus marquantes que d'autres. L'histoire de Tomoe semble un peu convenue si vous êtes habitué des mangas dédiés à cette époque. De même l'histoire surnaturelle autour des mythes associés aux renards vaut surtout pour son ambiance champêtre, plutôt que pour son intrigue très basique. La maladie du seigneur Noriyuki a été choisie par Sakai pour donner une idée du folklore des monstres japonais, ainsi que de l'ambiance des histoires d'horreur de cette époque et de cette région.


En fait au fil des pages, le lecteur plus âgé peut trouver les combats et les affrontements trop prévisibles et imposés. Par contre, dans ce tome Stan Sakai se révèle un subtil directeur d'acteurs pour les scènes de dialogues ou intimistes. La relation entre Usagi et Kitsune irradie d'amitié chaleureuse, sans une once de mièvrerie. Le lecteur se sent invité à partager un moment d'intimité inattendue entre ces 2 personnages qui dépassent les stéréotypes pour acquérir une personnalité touchante.


Dans le même registre de relations entre individus, ce tome comprend un joyau très travaillé : la cérémonie du thé. Stan Sakai explique dans les courtes notes en fin de volume qu'il a eu l'occasion de participer à 3 reprises au rite du chanoyu. Sa mise en page quasi muette est d'une fluidité sereine. Chaque case transmet l'information avec évidence, dans des séquences qui se lisent toutes seules sans donner l'impression d'être dans un manuel scolaire, du fait des sentiments sous-jacents entre Tomoe et Usagi. Le lecteur a l'impression d'être le spectateur privilégié de cette cérémonie intimiste et de pouvoir voir les émotions fugaces et ténues naître et se dissiper. Tout d'un coup, cette histoire dépasse le tourisme exotique pour devenir une nouvelle romanesque subtile toute en délicatesse.


Ce tome contient 6 histoires courtes mettant en scène Tomoe et Usagi dans différentes aventures. Sans conteste les plus palpitantes et les plus intenses (pour un lecteur adulte) sont celles qui reposent le plus sur les sentiments de ces 2 personnages, loin de tout combat. Stan Sakai réussit le pari de raconter des histoires tout public accessible aux plus jeunes, et parlantes pour les plus vieux. Usagi reprend la route dans Le pont des Larmes (épisodes 94 à 102).

Presence
10
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le 10 juil. 2019

Critique lue 71 fois

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