Les 5 chapitres - et 101 planches - de cette histoire de maison hantée furent prépubliés au Japon en autant de fois pendant l’année 1991 puis collectés dans un recueil avec 3 autres histoires courtes (et qui n'ont rien à voir avec cette histoire) sous le même nom. La première publication a eu lieu la même année donc où était diffusé au cinéma le film live éponyme réalisé par OTOMO Katsuhiro. Sur le site de KON est expliqué que l’idée de l’adaptation en manga (lui) est venue lors d’une soirée, arrosée, en compagnie de OTOMO, peu après la fin du tournage d’Akira. World Apartment Horror, le film, en était alors encore au stade de projet pour OTOMO (réalisateur & scénariste) et NOBUMOTO Keiko (scénariste). Si la question des apports précis de chacun à l’intrigue reste posée, la question des qualités respectives des deux visions de l’histoire ne se pose pas : la version manga est de loin supérieure à la « live », sur tous les plans. Alors que les scénarios des deux versions restent semblables à 95 %, les 5 % restant font au final une sacrée différence en faveur de KON : plus d’effets spéciaux, plus d’humour, un réel personnage féminin...


Au niveau budget, il est indéniable que les deux formats ne jouent pas avec les mêmes armes. Le film de OTOMO souffre manifestement de son aspect plutôt « cheap ». Comparativement, en terme d’impact visuel de la dimension fantastique, le manga se pose là avec son final en forme de séance d’exorcisme propice à une imagerie bien plus baroque. D’une façon plus générale, toutes les manifestations type « poltergeist » sont bien plus réussies dans la version papier : soit pour des raisons de mise en scène, ou alors de « sfx », le plus souvent les deux. En terme de réalisation, si l’on peut situer la comparaison sur ce plan, KON l’emporte haut la main. Et dans le registre de l’humour également, où le mangaka non seulement amène de façon plus efficace les scènes et dialogues partagés avec le film, mais s’octroie aussi quelques inédits enrichissant indéniablement son traitement (notamment une séance « d’urinage collectif » nocturne). Enfin le casting de KON, le design de ses personnages, s’avère également plus riche, mieux équilibré entre réalisme et effet comique. L’avantage de la « plasticité » du dessin au service de l’imagination fait ici toute la différence. Témoin, le personnage de l’exorciste qui intervient dans la dernière partie du récit : dans le film il s’agit d’un noir plutôt costaud qui ne sort pas particulièrement du lot, tandis que dans le manga ce même personnage devient un noir plutôt sec, au look fantaisiste, fumant et faisant fumer le pétard pendant ses offices. Effet comique garanti, capital sympathie immédiat tout en ne déséquilibrant pas le mélange des genres.


Tout aussi essentiel est l’importance que KON accorde au seul vrai personnage féminin de l’histoire, la petite amie (et employée) de Itto. Le choix de ses origines d’abord, une japonaise dans le film (Mizaki) et une philippine (Annie) dans le manga. En faisant de ce personnage une étrangère, KON n’accentue pas seulement le propos de l’intrigue (le racisme), il le "dialectise". Il positionne ainsi cette figure sur un plan bien plus important, conférant à sa relation avec Itta un caractère plus subtil et mature, enrichissant par là même le personnage de ce dernier. D’une figure stéréotypée et sans consistance chez OTOMO, Annie, en changeant de nationalité, devient un point de vue féminin essentiel à la narration. Les petites vignettes et dialogues qui lui sont dédiés ne sont assurément pas superflus et sa présence dans le climax final, contrairement au film, ainsi que l’importance du rôle qu’elle y tient, également.


SFX, casting, humour, mais aussi qualité des « acteurs » et de la mise en scène. Le film souffre d’une interprétation approximative que le dessin de KON ne connaît pas : visages expressifs, attitudes bien senties, dialogues qui coulent avec naturel. La maîtrise des rythmes narratifs y est aussi plus évidente et stylistiquement le dessin est au-delà des influences « otomesques » de ses débuts. Ironiquement, c’est dans sa collaboration (et comparaison, de fait) la plus directe (sur le papier du moins) avec OTOMO que se manifeste, avec le plus d’évidence, une forme d’émancipation artistique sur le plan des influences perceptibles. Le fait que les deux partagent le même matériau de départ - une comédie sociale fantastique - accentuant sensiblement les effets de contrastes.


World Apartment Horror dans sa version manga était destiné, d'après le site de KON, à connaître d’autres chapitres qui ne virent jamais le jour.. Dommage. Mais en l’état, l’histoire se suffit amplement à elle-même.

Astec
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le 13 juil. 2019

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Astec

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