Durant la Seconde guerre mondiale, une jeune anglaise, Ada, quitte l'atmosphère gentiment perverse de son pensionnat pour honorer la promesse faite à son oncle sur son lit de mort : retrouver le fils qu'il abandonna dans la jungle trente ans plus tôt et lui transmettre l'héritage. Ada fantasme sur ce cousin d'Afrique (et sur sa fortune), malmène sa femme de chambre espagnole et soudoie les indigènes, tandis que le second fils déshérité de son oncle complote sa perte et l'accaparement du magot. Plus tard Hitler s'en mêle (le cousin héritant de la moitié de l'Angleterre).
De prime abord Altan propose une parodie des romans d'aventures de l'époque coloniale : il leur emprunte le cadre clinquant d'exotisme toc, la narration progressant au rythme du feuilleton, avec l'annonce du prévisible coup de théâtre avant chaque livraison et jusqu'aux personnages typiques d'un racisme pédagogique de bon-aloi.
Mais tous les moyens de la bande-dessinée sont utilisés par Altan pour dépasser la parodie et faire de son album une oeuvre narquoise et politique. Son dessin fourmille d'insectes, d'indications graphiques (flèches, pointillés), de détails narratifs en arrière-plan, installant une atmosphère de saleté étouffante et d'agitation désabusée. Il accompagne ce dessin souvent proche de la caricature (autre métier d'Altan : voir Le Petit merdier italien et Un métalo nommé Cipputi) d'une écriture polyphonique très efficace : il adjoint aux dialogues une voix-off cynique, qui recycle les stéréotypes du genre parodié comme les didascalies du théâtre et commente tout à la fois l'action et le régime narratif employé, sans que son statut (voix d'un narrateur ? de l'auteur ?) soit jamais clarifié.