Ce tome regroupe les épisodes 51 à 64 initialement parus en 1986/1987, tous écrits par Alan Moore.


Épisode 51 (illustrations de Rick Veitch & Alfredo Alcala) - Abigail Arcane est en prison où elle attend de passer devant le juge pour savoir de quoi elle est accusée. Libérée sous caution, elle décide de s'enfuir d'Houma pour aller se perdre dans l'anonymat de Gotham. Swamp Thing fait ses adieux à Boston Brand et au Phantom Stranger et revient sur terre pour subir une blague de John Constantine (How do you baffle a vegetable ?).


Épisode 52 (illustrations de Rick Veitch & Alfredo Alcala) -En route pour Gotham, Swamp Thing fait un bref détour par l'asile d'Arkham, pendant qu'Abigail fait connaissance avec James Gordon et Harvey Bullock (un inspecteur désagréable, tout le temps en train de s'empiffrer de hamburgers).


Épisode 53 (illustrations de John Totleben) - Swamp Thing vient à Gotham et réclame justice. Il fait une démonstration de son pouvoir en transformant la mégapole en nouveau jardin d'Éden. Batman essaye de résoudre le conflit.


Épisode 54 à 56 (illustrations de Rick Veitch & Alfredo Alcala) - Abigail Arcane aide une ex-journaliste à échapper à la maltraitance psychologique de son conjoint, puis elle assiste aux funérailles de Swamp Thing. Quelque part ailleurs, celui-ci joue au démiurge sur une planète ne laissant passer que la lumière bleue.


Dans le tome précédent, Alan Moore a mené à terme sa première grande histoire dans un final grandiloquent. Il reprend ici des intrigues secondaires laissées en plan. Swamp Thing acquiert de plus en plus de pouvoirs, ou plutôt il découvre ses capacités les unes après les autres. Moore continue donc à faire évoluer le personnage en l'éloignant de plus en plus de la race humaine pour en faire une véritable force élémentaire. Il déchaîne une flore dont la croissance ne connaît pas de limite dans un milieu urbain. La majeure partie des habitants accueille avec plaisir ce retour à un état naturel, une sorte de visite dans le jardin d'Éden, un retour à l'état de grâce originel. Et le dernier épisode constitue une apothéose des possibilités offertes à la créature Swamp Thing puisqu'il peuple une planète. Il est devenu un dieu tout puissant au milieu de ses créatures, et le lyrisme reprend le dessus pour un épisode exceptionnel sur l'aliénation née de la solitude.


Alan Moore effectue également un retour vers les superhéros plus traditionnels de l'univers partagé DC. Pour être honnête, l'arrêt à Arkham ne présente que peu d'intérêt car Swamp Thing ne communique qu'avec un seul prisonnier, et Moore ne s'attarde pas sur les autres. La confrontation avec Batman se révèle également assez décevante (sauf pour ce modèle très particulier de la Batmobile) car le personnage de Batman n'intéresse pas Moore et il aurait pu s'agir de n'importe quel autre superhéros, sans que cela occasionne grande différence.


Heureusement Alan Moore n'a pas oublié la composante horrifique de ses récits et il reste très convaincant dans ce registre. Le lecteur éprouve de l'empathie pour la pauvre Abigail broyée par la machine judiciaire, et pour la pauvre Liz Tremayne, victime pitoyable de la cruauté mentale de son compagnon. Ses manipulations du thème du jardin d'Éden semblent plus basiques par comparaison, avec un courant sous-jacent d'écologie primaire (petites fleurs et retour naïf à la nature). De même l'épisode consacré à l'enterrement a du mal à dépasser les lieux communs.


La majeure partie des illustrations est prise en charge par Rick Veitch (essentiellement les dessins) et Alfredo Alcala (les encrages, et quelques finitions de ci, de là). Rick Veitch apporte une touche très brute, avec un esthétisme qui n'est pas là pour flatter l’œil, mais pour mettre en évidence la nature des choses, l'essence des sentiments, etc. Veitch ne s'embarrasse pas de finitions pour faire joli. Il se concentre sur l'essentiel, tout en composant des dessins denses en informations visuelles. Sa manière de dépeindre des visages marqués et peu avenants peut provoquer une sensation de malaise chez le lecteur (je pense en particulier au visage bouffi de graisse et déformé par l'énervement de Bullock). Il s'attarde sur quelques visuels frappants, tels que le corps de Swamp Thing développé à partir de rosiers, ou la végétation extraterrestre du dernier épisode. Il utilise également régulièrement une mise en page composée de 5 cases accolées de la hauteur de la page (peut-être une exigence de Moore dans ses scénarios) qui donne un rythme particulier. L'encrage d'Alfredo Alcala s'accommode de cette esthétique revêche pour se faire moins minutieux, s'éloigner du modèle de Totleben et plus attaché aux textures. Et puis il y a l'épisode 53 : 38 pages de John Totleben en bonne forme. Il propose un dessin adulte avec une finition minutieuse qui ne gomme rien des horreurs et une mise en page inventive. Il dessine également 4 pages de l'épisode 55.


Épisodes 57 & 58 (scénario d'Alan Moore, illustrations de Rick Veitch et Alfredo Alcala) - Toujours à la dérive de planète en planète, Swamp Thing arrive sur Rann, une planète à l'écosystème au bord de l'agonie, suite à d'anciennes guerres nucléaires. Cette planète occupe une place particulière dans l'univers partagé DC car elle reçoit régulièrement la visite d'Adam Strange (un terrien) grâce au rayon Zeta.


Épisode 59 (scénario de Steve Bissette, illustrations de Rick Veitch et Alfredo Alcala) - Bissette développe une idée de Moore, Totleben et lui-même apportant des compléments d'informations sur le père d'Abigail Cable, et sur le Patchwork Man, un monstre tragique apparu dans la série avant l'arrivée d'Alan Moore. Bissette creuse la relation entre Abigail et son père sur un plan psychanalytique, avec des éléments d'horreur. Cette histoire souffre de la comparaison avec les scénarios d'Alan Moore. 3 étoiles.


Épisode 60 (scénario d'Alan Moore, illustrations de John Totleben) - À nouveau à la dérive dans le vide infini de l'espace, Swamp Thing accoste un corps céleste doté de conscience, une forme de vie vraiment très originale. L'histoire est racontée par cette forme de vie à ses enfants.


Épisode 61 (scénario d'Alan Moore, illustrations de Rick Veitch et Alfredo Alcala) - Cette fois-ci Swamp Thing arrive sur une planète peuplée d'êtres végétaux. Tout ne se passe pas pour le mieux dans le meilleur des mondes.


Épisode 62 (scénario de Rick Veitch, illustrations de Rick Veitch et Alfredo Alcala) - Rick Veitch prépare sa reprise en main de la série en imposant un dernier arrêt à Swamp Thing, près du mur qui figure la Source (lieu du dernier mystère pour les New Gods ) où il doit faire face à Metron. 4 étoiles.


Épisodes 63 & 64 (scénario d'Alan Moore, illustrations de Rick Veitch, Alfredo Alcala et Tom Yeates) - Swamp Thing est enfin de retour sur Terre. Alan Moore offre une fin satisfaisante à son personnage, et aux lecteurs qui peuvent arrêter là sans avoir l'impression de quitter l'histoire en plein milieu.


Ce tome contient donc 8 épisodes, dont 6 écrits par Alan Moore. Ce dernier commence par s'emparer d'Adam Strange, un personnage tombé en désuétude. Dans l'introduction, Steve Bissette explique que Moore abandonne le registre de l'horreur au profit de celui de la science-fiction pour contenter Rick Veitch plus intéressé par cette dernière. La relecture d'Adam Strange transporté de la Terre à Rann par un rayon appelé Zeta Beam décoiffe. À nouveau Alan Moore respecte les bases du personnage, tout en les extrapolant pour un lectorat adulte et une situation géopolitique perverse et poignante. 5 étoiles.


Les épisodes 60 et 61 constituent une preuve du talent de créateur d'Alan Moore, chacun dans un style différent. L'épisode 60 est narré de manière subjective par cette entité extraterrestre, au système de valeurs et de pensées décalé du notre. Cette entité raconte une histoire à ses enfants dans un style s'apparentant à de la poésie en prose. Les illustrations se composent de 22 pleines pages réalisées à partir de collage, pour des images flirtant avec l'abstraction. Le lecteur est projeté dans une vision étrangère à ses références, avec pourtant du suspense et de l'émotion. C'est un épisode expérimental et même avant-gardiste, à la fois pour la narration et pour les illustrations, qui propose une expérience de lecture exigeante repoussant les limites de la bande dessinée. Par comparaison l'épisode 61 est beaucoup plus conventionnel, sauf qu'Alan Moore renverse les rôles et Swamp Thing devient une véritable catastrophe naturelle, pour une population qui sort de l'ordinaire. La multiplicité des points de vue des victimes composent une tapisserie d'une grande richesse, gorgée d'émotions complexes. 5 étoiles et plus.


La majorité des illustrations est réalisée conjointement par Rick Veitch et Alfredo Alcala. L'aspect extérieur de leurs images conserve ce coté un peu gras, un peu vulgaire qui sent la transpiration d'une humanité laborieuse, prisonnière de ses bas instincts. Cette caractéristique donne tout de suite plus de saveur à cette image du type lisant le journal sur les toilettes, ou au costume révélateur d'une soldate de Thanagar (rien que par cet épisode les bretelles pourraient revenir à la mode féminine). Par contre cette approche graphique ne convient pas du tout aux New Gods qui sont ravalés au rang d'êtres humains désorientés. Veitch compose des images qui fleurent bon une approche classique qui privilégie le didactisme et l'enchaînement de cases pour composer une séquence. Il se révèle très capables de rendre efficaces les visions d'horreur du scénario. Et les interactions entre les êtres humains normaux reposent sur des langages corporels réalistes.


Ce tome constitue une vraie fin pour les aventures de Swamp Thing et Abigail Arcane. Il comporte Il recèle 1 épisode terrifiant (numéro 54), 1 épisode parfait (numéro 56), 2 épisodes exceptionnels (60 & 61) et une relecture ébouriffante des voyages en yoyo d'Adam Strange.

Presence
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le 30 août 2020

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