C’est une belle journée ensoleillée à New York. Confortablement installé sur l’herbe de Central Park, le détective privé John Blacksad profite d’une représentation en plein air d’une pièce de Shakespeare. A ses côtés, son comparse Weekly, un journaliste spécialisé dans les ragots et le sensationnel, semble plus intéressé par l’une des actrices que par la pièce elle-même. Mais soudain, Blacksad et Weekly sont interrompus dans leurs rêveries respectives par l’intervention de la police, qui met brusquement fin au spectacle en faisant valoir qu’il enfreint le règlement municipal, qui interdit toute détérioration de l’espace public. Forcément, les spectateurs sont furieux. Alors que la situation menace de dégénérer, Blacksad parvient à convaincre le lieutenant de police de laisser les acteurs terminer la représentation. Après tout, il ne reste que le dernier acte à jouer. Le détective privé en profite pour glisser sa carte de visite à Iris Allen, la directrice de la troupe. Un peu plus tard, alors qu’il rentre chez lui, Blacksad tombe sur trois voyous en train d’agresser un pauvre gars dans une sombre ruelle. Ni une ni deux, il décide de faire parler ses poings pour sortir l’homme de ce mauvais pas. Et il fait bien, car il s’agit d’un client. Il s’appelle Kenneth Clarke et c’est un ami d’Iris Allen. C’est elle qui lui a dit d’aller trouver Blacksad. En tant que président du syndicat des travailleurs du métro, Clarke est en effet devenu gênant pour Solomon, le maître bâtisseur de l’aménagement de New York, qui rêve de démanteler le réseau de transports en commun de la ville pour faire la place à de gigantesques autoroutes urbaines. Se sentant menacé, Clarke est persuadé que la mafia des belettes est à ses trousses. Il demande donc à Blacksad de le protéger, ce que ce dernier va faire en infiltrant une équipe d’ouvriers du métro. Mais ce n’est pas simple de passer incognito quand on est un grand chat noir, vu que la plupart de ceux qui travaillent dans les entrailles de la ville sont des taupes… Pendant ce temps, Weekly et sa nouvelle collègue Rachel sont chargés par le directeur de leur journal de consacrer un grand reportage à Solomon. Alors qu’il s’apprête à prendre bientôt sa retraite, ce personnage mégalomane et tout-puissant rêve de partir sur un dernier coup d’éclat: il veut construire le plus grand pont suspendu du monde, sur lequel passera bientôt une autoroute à douze voies…


Les libraires se frottent les mains, car Blacksad est enfin de retour dans leurs étalages! Cette série animalière, dont le héros est un détective matou dans le New York des années 50, est d’ores et déjà un classique du Neuvième Art, avec plus de 2 millions d’exemplaires vendus à ce jour. La sortie de chaque nouvel épisode représente donc un petit événement, d’autant plus que cela faisait huit ans que l’on attendait ce sixième album. L’épisode précédent, "Amarillo", qui rendait hommage au mythique roman "Sur la route" de Jack Kerouac, remonte déjà à 2013. Autant dire une éternité si on tient compte du tourbillon permanent des nouvelles sorties BD. C’est un doux euphémisme de dire que les nombreux amateurs de la série ont appris à se montrer très patients depuis la parution du premier tome, "Quelque part entre les ombres", en 2000. Six albums en 21 ans, ça ne fait pas beaucoup… En même temps, il faut bien reconnaître que les deux auteurs espagnols de la série, Juan Diaz Canales et Juanjo Guarnido, ont été très occupés par d’autres projets au cours de ces dernières années. Le premier a scénarisé plusieurs épisodes de Corto Maltese et a sorti une première BD en tant qu’auteur complet, tandis que le second a triomphé avec le formidable "Les Indes Fourbes", l’un des best-sellers de l’année 2019. Mais après ces interludes fort plaisants, il était temps pour eux de revenir à Blacksad. Et plutôt deux fois qu’une, puisque cette nouvelle enquête, intitulée "Alors, tout tombe", fera l’objet de deux albums. Est-ce que ça valait la peine d’attendre? Normalement, les fans devraient être ravis, car tous les ingrédients qui ont fait le succès de la série sont réunis dans "Alors, tout tombe". Les dessins de Guarnido sont plus riches et plus animés que jamais, avec quelques séquences particulièrement spectaculaires, notamment dans les souterrains du métro de New York, tandis que ses personnages zoomorphes sont une nouvelle fois particulièrement réussis. Mention spéciale au redoutable Solomon, qui s’inspire de Robert Moses, l’urbaniste qui a façonné le décor de New York durant des dizaines d’années entre 1930 et 1970. Quant au scénario de Canales, il revient aux fondamentaux, à savoir l’univers du polar et du film noir, dont le tome 5 s’était un peu éloigné. Dans "Alors, tout tombe", on est de retour dans le New York poisseux des années 50, carrefour de tous les fantasmes et de toutes les turpitudes. "La ville idéale pour un scénariste qui n’aime rien tant que fouiller les tréfonds de l’âme de ses personnages, et pour un dessinateur adepte de scènes urbaines spectaculaires", souligne l’éditeur. Faudra-t-il à nouveau attendre huit ans pour enfin connaître la suite de cette histoire prometteuse, qui se termine sur un sacré coup de théâtre? Normalement, la réponse est non, puisque les auteurs nous promettent la suite pour le premier semestre 2023…


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matvano
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le 10 oct. 2021

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