Anjin San
7.5
Anjin San

Manga de George Akiyama (1982)

Il n’y a rien d’exceptionnel dans ce livre, non, il y a la douceur des traits de Hinagiku, la geisha pleine d’humour, les sentiments naissants de Kirihito, la générosité d’Anjin-San. Il y a ces magnifiques vues sur la campagne japonaise, les saisons qui filent. Il y a des hommes et des femmes qui s’arrêtent, qui font une pause et qui regardent la mer…


En détails :
Anjin est un bonhomme rondouillard, petit et chauve, nous pouvons affirmer qu’il n’est pas réellement charismatique. Ce personnage à l’apparence d’un vieillard à la taille d’un enfant se qualifie lui-même de « banal », il est pourtant apprécié par tous les gens qu’il croise.
Anjin voyage sans but précis, néanmoins il s’attardera sur un lieu si le besoin d’aide se fait ressentir. Une aura mystérieuse l’accompagne, derrière cette apparence sans saveur, nous découvrons une personne remplie de sagesse, de vertu et de paroles rassurantes.


Selon ses dires, il semble être le petit-fils du bouddha Shakyamuni. De plus Anjin connaît tout des personnes qu’il rencontre, il peut voler à l’aider de son parapluie, et il peut jouer avec les gouttes d’eau. Ce soupçon de magie le rend d’autant plus intrigant et intéressant. Est-ce lui aussi un bouddha ou simple homme très vertueux?


Les premiers chapitres montrent sa bienveillance avec les personnes qu’il rencontre. Par exemple avec Hinagiku, une jeune fille strip-teaseuse saoule qui se laisse vivre depuis le départ de son petit ami. Avec son flegme légendaire, Anjin fera preuve de gentillesse, de respect et d’altruisme pour l’aider. Pendant son voyage il retrouvera d’anciennes rencontres qui se montrent heureuses de le voir. L’auteur met doucement en place ses personnages récurrents, il créera un petit groupe régulier.


Anjin sera rapidement accompagné de Kirihito dit Ki-chan, jeune homme baroudeur souhaitant changer d’air et oublier son ex-femme. Ki-chan est assez timide voir un peu idiot, et il est un ignorant de la vie. Ce dernier est souvent trop curieux et pense avec ses idées préconçues. L’auteur se servira des échanges entre eux deux pour contraster les propos réfléchis d’Anjin afin de les valoriser contre les paroles naïves de Ki-chan.


Avec son compagnon de voyage Anjin fera face à des situations menant le lecteur à relativiser sur sa vie. L’auteur va construire ses histoires pour donner des leçons de vie et faire passer des valeurs importantes. L’œuvre ne se veut aucunement moralisatrice, elle apporte avec douceur des réflexions sur nos comportements ou nos agissements. Ces histoires sont plus ou moins liées et espacées dans le temps, pouvant montrer une narration quelque peu décousue.


Anjin sera amené à rencontrer des menteurs qui se disent spirituels pour attirer des voix aux élections, une mamie avare qui fait payer tous les services de son auberge, une femme-serpent blessée par les hommes, les prédictions d’un auteur de romans qui embêtent fortement les commerçants ou encore il sera aux petits soins pour une fillette malade. Des histoires simples mais efficaces montrant les relations humaines, leurs situations et ce que le bon sens nous pousserai à faire.


Au bout de quelques chapitres seulement, Anjin San est ressenti comme une bouffée de positivisme et de bonne humeur. Durant les 23 histoires qui le composent, AKIYAMA nous livre énormément de message universel sur la vie. C’est un plaisir de suivre les aventures de ce personnage complaisant, sans arrière-pensée, toujours positif et ayant la réplique en toute situation. Ce personnage sincèrement honnête, donne du baume au cœur et on en redemande.


De nombreuses valeurs sont mis en avant comme faire confiance, être généreux, ne pas chercher profit des autres, ne pas fuir face à ces problèmes, aimer les choses simples, être sincère dans ses sentiments ou encore tenir ses promesses. La liste serait bien trop longue pour tous les citer.


Les histoires ne sont pas pour autant enfantines et l’auteur n’essaye pas de partir dans le larmoyant. Au contraire les situations se veulent sur un ton léger, bon enfant voire parfois humoristique, tout en parlant de sujets importants. La nonchalance d’Anjin, ainsi que l’ambiance calme et sereine qui se dégage des histoires se savoure. Aucun personnage n’est foncièrement méchant ou mauvais, certains manipulent ou essaye de profiter des autres. L’important c’est le conseil que l’on peut en tirer.


Des personnages seront récurrents par la suite surtout quand Anjin arrêtera son voyage pour s’occuper de son auberge de montage. La malicieuse Hinagiku, devenue geisha, les rejoindra et ki-chan s’éprendra d’elle. À partir de ce moment le manga changera de forme, Anjin ne sera plus seul à interagir.


Nos deux acolytes seront sur le devant de la scène dévoilant peu à peu leurs caractères respectifs et un fil rouge se mettra en place. Hinagiku prendra d’ailleurs un malin plaisir a jouer gentiment avec les sentiments de Ki-chan. Nous découvrons des personnages humains et attachants donnant une ambiance nostalgique et de mélancolique. La narration se veut plus calme, laissant le temps aux personnages de faire une pause en admirant la mer et essayer de se comprendre. Le fait d’appliquer les préceptes d’Anjin aux personnages principaux et non plus à des « inconnus » augmente l’impact des messages.


Ce changement se ressent aussi sur la narration et le découpage qui se veut plus libre, Hinagiku sera de plus en plus dessinée entièrement sur plusieurs cases afin de mettre en avant sa « beauté » comme si l’auteur voulait que l’on tombe amoureux d’elle. À noter que quelques scènes de nudités sont présentes mais l’auteur n’en abuse pas.


Dans l’interview piquante en fin de volume AKIYAMA indique qui aime improviser et qu’il se pose aucune question au moment d’écrire. Il réussit a mettre en place des personnages intéressants voire captivant et avec des évènements liés entre eux. Certes le mystère d’Anjin ne sera pas approfondi et celui-ci passera au second plan, mais cette particularité fait aussi le charme de l’œuvre. Nous pouvons reprocher un manque cohérence dans la mise en place de certains éléments non exploités, mais malgré cela l’œuvre trouve une conclusion satisfaisante.


Dessin :
Le trait se veut rond et léger avec des personnages caricaturaux. Les décors se veulent réalistes et la compagne japonaise accompagnée de ses montages et bords de mer sont un plaisir à voir. De nos jours le dessin se veut daté, mais celui-ci reste efficace et précis. La mise en case est plutôt stricte en début du récit, aucun élément ne sort des cases, toutefois l’auteur prendra de plus en plus de liberté avec le temps.


Édition :
Le lézard noir a édité ce manga dans un format grand (environ 21x15cm). Le livre est composé d’une hard cover sans jaquette amovible et d’une reliure cousue. La couverture a un effet de tissu qui donne un effet luxueux. Les 450 pages en font un bel objet remarquable par son dos rose.
Le papier aurait nécessité un peu plus d’efforts, celui-ci est assez transparent et parfois cela est même gênant. Le lettrage est en minuscule, particularité que l’on peut retrouver chez d’autres éditeurs indépendants. Une interview très décomplexée de l’auteur et une postface de Remi Boyer concluent l’œuvre. L’ensemble donne un superbe ouvrage dans sa bibliothèque.


Conclusion :
C’est une véritable bouffée de bonne humeur, de positivisme et de philosophie qu’AKIYAMA nous délivre dans une œuvre toute en finesse et débordant de paroles justes. La simplicité du trait et les situations variés rendent le manga des plus attachant. Anjin nous offre toute une montagne de sagesse qu’il suffit de grimper pour peut-être atteindre l’illumination !

darkjuju
7
Écrit par

Créée

le 4 déc. 2020

Critique lue 82 fois

darkjuju

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