Faut t-il privilégier la liberté ou la sécurité ? Question compliquée...

Critique de : Injustice : Les dieux sont parmi nous – Année 1 – 1ère partie (Tome 1 de la saga Injustice).


Injustice : Les dieux sont parmi nous : c’est un peu Kingdom Come remis au goût du jour, avec ses différences et ses similitudes directement liées aux standards actuels de l’industrie du comic book. Plus moderne et plus encré dans l’action, la trame principale est similaire même si on perd la dimension quasiment biblique que Kingdom Come apportait. Moins dans la symbolique, le récit est plus centré sur le scénario et la psychologie des personnages. Les émotions, les doutes et les prises de positions sont explicitement décrites là où le côté plus suggéré est mis à la trappe. Le Superman de Kingdom Come était présenté comme une sorte de dieu fatigué et lassé par une humanité décadente, celui du tome 1 de Injustice, lui, est bien plus humain. Sa volonté de gouverner le monde d’une main de fer provient d’un traumatisme direct, de l’immense souffrance d’avoir vu périr sa bien-aimée Lois et son enfant à naître. Fou de rage il en vient même à tuer le Joker. Et on arrive là au premier gros point fort de ce volume: les émotions sont palpables et prennent aux tripes. Les doutes, la colère, la peine sont habilement retranscrits tout au long de la lecture, et font appel à toute notre empathie.


Concernant le scénario, il est très bien ficelé, nous entrainant petit à petit, presque imperceptiblement, dans l’observation de la radicalisation de Superman. Au début, on aurait presque tendance à le comprendre, voir à partager sa vision des choses… puis vient les abus qui nous montrent le côté aliénant de la situation. Tout en nuance, on nous pose la question finalement très en phase avec notre société : Faut-il pour plus de sécurité, renoncer à une partie de sa liberté ? Regardant la situation actuelle (surtout en France), avouons que le propos est terriblement approprié.


Dans ce premier tome, après les évènements conduisant au meurtre de Lois, l’histoire se déroule autour de l’intervention de plusieurs membres de la Justice League, représentant chacun différentes réactions face aux actions de Superman : l’approbation complète de WonderWoman et sa détermination sans faille à aider Superman dans sa tâche ; la rébellion de Aquaman qui finira par se soumettre, impuissant face à la suprématie de l’homme d’acier; les doutes naissants de Flash, comprenant peu à peu la gravité de la situation face à aux abus commis ; et la désapprobation complète de Batman qui jouera finalement le rôle d’opposant principal à Superman. En parlant de cette opposition d’ailleurs, Catwoman elle aussi désapprouve les actions de Superman mais dans une mesure encore différente : Là où Batman ne peut accepter la dictature et la répression d’un point de vue conceptuel, sur le plan des valeurs, la femme chat, elle expose des arguments plus palpables, plus concrets. En effet, les actions du super-héros, notamment sur le meurtre du Joker poussent certains de ses admirateurs à se faire justice eux-mêmes, à se donner le droit de tuer des criminels, qui sont parfois de simple voleurs obligés d’en arriver là pour survivre. Elle met donc l’emphase sur le problème de l’exemple pervertit que peuvent donner ce genre d’actions répressives et radicales. Ces différentes prises de positions permettent d’apporter une certaine réflexion autour du thème abordé, nous en exposant son caractère non manichéen.


Sur le plan de l’action, les scènes sont fortes, puissantes et prenantes. Superman qui à l’aide de WonderWoman, Chazam et Green Lantern va porter la cité engloutie d’Atlantis pour la mettre en plein désert : c’est fort ! Lois et son enfant tués par les propres mains de l’homme d’acier sous hallucinations, l’annihilation complète de Metropolis, tout ça sous les rires stridents du Joker : quelle tragédie ! Des scènes d’anthologie donc… de celles qui te font aimer les comics. Quant aux dialogues, ils sont efficaces et bien écrits. Jamais plan-plan, ils sont fins et intelligents. R.A.S donc, c’est du bon dialogue comme on peut retrouver souvent dans du DC comics.


Mais est-ce que c’est parfait ?... Non… loin de là ! Si les scènes sont fortes la composition du cadre lui est plutôt pauvre. Il n’y a pas vraiment de symboles marquants, pas de dessins extraordinaires, pas de sensation de « grandiose» sur le plan des personnages ou des décors. Comme j’écrivais précédemment, ça va droit au but, sans essayer de donner une composante «mythique» à l’œuvre. Le dessin est tantôt moyen, tantôt bof… voir parfois grossier. La couverture est juste laide au possible. Bref, si j’ai été très pris par le fond, la forme du comic book laisse à désirer… Peut-être que je compare trop à Kingdom Come après tout…


La fin du tome marque la césure grandissante entre Batman et Superman, directement liés aux évènements tragiques concernant Nightwing et Damian Wayne. Le fils de Batman étant dans une spirale de rébellion contre le chevalier noir, va suivre l’idéologie de Superman et la succession des évènements l’amènera à commettre l’irréparable… ce qui finira de marquer la fracture idéologique et annonce les événements épiques à venir. Bref, la tension est à son comble et ne pas se jeter instantanément sur le deuxième tome est difficile.


Conclusion : Injustice : Les dieux sont parmi nous, c’est super prenant et intéressant. Ça propose des réflexions dans l’ère du temps. C’est intelligent. C’est divertissant. Mais c’est aussi pas très beau et pas très fin.


Critique originale

Koala_Barbu
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le 2 août 2016

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Koala Barbu

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