e tome est le premier dans une série consacrée à un nouveau personnage dans le monde partagé de Star Wars. Il comprend les épisodes 1 à 6, initialement parus en 2017, écrits par Kieron Gillen, dessinés par Kev Walker, encrés par Walker pour les épisodes 1 à 3, et par Marc Deering pour les épisodes 4 à 6, avec une mise en couleurs d'Antonio Fabela. Les couvertures sont réalisées par Kamome Shirahama. Il y a une histoire supplémentaire dans le premier épisode, de 10 pages, écrite par Gillen, dessinée Salvador Larroca, avec une mise en couleurs d'Edgar Delgado.


Sur une lointaine planète, sous les steppes cosmataniques, un pilleur vient de récupérer un masque précieux, dans une caverne souterraine. Cela déclenche un mécanisme de défense qui se met à la poursuite d'Ulbik Tan dans le tunnel menant vers la sortie. Le pilleur réussit à rejoindre la surface, mais il se fait abattre par la docteure Chelli Lona Aphra, elle aussi archéologue. Ayant ainsi récupéré le précieux masque, Aphra retourne à son vaisseau et présente sa trouvaille à ses 2 droïdes : Triple-Zéro (0-0-0) et Beetee (BT-1). Elle est vite interpellée par Soo-Tath, l'un de ses créanciers qui compte bien être payé séance tenante. Il faut toute l'astuce d'Aphra pour qu'elle réussisse à lui fausser compagnie et à se rendre chez un acheteur d'antiquités qui refuse de lui acheter le masque car sa licence d'archéologue a été révoquée.


Des années plutôt, Chelli Lona Aphra était étudiante à l'université. Sava Toob-Nix, son professeur principal, avait le don de l'horripiler et elle prenait plaisir à l'humilier en public. Malheureusement pour elle sa grande trouvaille dans des ruines n'avait débouché sur rien et elle s'était retrouvée dans l'impasse pour ses études, mais toujours avec autant d'inventivité. Au temps présent, Chelli Aphra se retrouve face à son père qui a les moyens de la contraindre à rechercher les dernières traces d'une branche dissidente des Jedi : les Ordu Aspectu, e, s'appuyant sur les récits de leur fin dans la forteresse de Gan. Première étape : Yavin 4.


En 2012, la multinationale Disney rachète Lucasfilm et devient donc propriétaire de l'univers Star Wars et des personnages afférents. En 2009, Disney avait déjà racheté Marvel. Il n'aura pas fallu attendre longtemps pour Dark Horse Comics perde les droits relatifs aux comics Star Wars, et que Marvel recommence à en publier. L'éditeur décide de commencer doucement avec 2 série, l'une intitulée Star Wars et écrite par Jason Aaron, l'autre intitulée Darth Vader et écrite par Kieron Gillen. Doctor Aphra apparaît pour la première fois dans le numéro 3 de la série Darth Vader, et revient lors du crossover Star Wars : Vador abattu (épisodes Vader down 1, Sar Wars 13 & 14, Darth Vader 13 à 15), avec ses 2 droïdes tueurs. Après avoir écrit 25 épisodes de la série Darth Vader, Kieron Gillen décide d'arrêter de l'écrire. Il revient quelques mois après avec cette série consacrée à un personnage créé spécialement pour les comics.


Bien évidemment, le lecteur est attiré en premier lieu par la promesse d'histoire se déroulant dans l'univers partagé Star Wars. Il a le plaisir de découvrir une branche oubliée de l'ordre Jedi, de séjourner le temps d'un épisode sur Yavin 4, de voir un Wookie (Black Krrsantan) qui fait partie de l'équipage d'Aphra, un droïde protocolaire (Triple-Zéro), une sorte de R2D2, l'influence de Darth Vader, les soldats de l'empire, la mention du Général Tagge, et un sabre laser. De ce point de vue, la promesse est bien tenue, et l'immersion dans cet univers partagé ou étendu a bien lieu. Kieron Gillen reprend le personnage qu'il a créé et ne la change pas d'un iota. Il s'agit d'une jeune femme avec une grande capacité à improviser, mais sans pouvoirs physiques, sans sabre laser. Dès la première séquence, le scénariste rappelle qu'elle ne s'inscrit pas dans le camp des bons, puisqu'elle n'hésite pas à abattre froidement un individu sans défense (la suite explique qu'elle avait des circonstances atténuantes discutables). Chelli Lona Aphra est une voleuse qui trafique des reliques archéologiques. L'évocation de l'obtention de son diplôme de docteur (à la fin du premier épisode) met en scène une personne supportant mal d'être commandée, ne supportant pas du tout d'être commandée par une personne qu'elle n'apprécie pas ou à qui elle ne reconnaît pas de mérite. Salvador Larroca dessine des silhouettes élégantes, et laisse Edgar Delgado faire le gros du travail pour remplir les arrière-plans. Le résultat est plaisant à la lecture, mais il manque de panache visuel.


Même si le lecteur n'est que moyennement investi dans l'univers étendu de Star Wars, il a vite fait de s'attacher à cette jeune femme maligne mais loin d'être infaillible ou la plus forte dans les combats. Bien évidemment, Kieron Gillen s'amuse à montrer que ses compagnons sont encore plus amoraux qu'elle. Cela commence par une exécution à son insu, réalisée en toute tranquillité et en toute impunité par Triple-Zéro et Beetee. Le lecteur ressent comme une fort transgression de voir 2 droïdes ressemblant tellement à C-3PO et R2D2, se comporter comme des assassins dépourvus d'empathie. Cela permet également de montrer que finalement la docteure Aphra n'est pas si méchante que ça, de relativiser son manque de valeurs morales. Dans l'épisode 3, Black Krrsantan (le Wookie au poil foncé) peut faire la preuve de ses redoutables capacités au combat, contre les soldats de l'empire, toujours aussi anonymes, chair à canon indéfiniment renouvelable. Ce passage sert plus à faire plaisir au lecteur amateur de Star Wars, et à montrer un personnage sans pitié, qu'à réellement développer son caractère.


Au fil des épisodes, il apparaît que seule Chelli Aphra bénéficie d'un caractère un peu développé, et que les autres personnages secondaires sont moins fouillés. Finalement même son père dispose de motivations originales, mais qui n'en disent pas beaucoup quant à sa personnalité. Cependant le lecteur reste emporté par l'intrigue, à la recherche de l'Ordu Apsectu, par la promesse d'immortalité qu'il contient, et par le mystère des versions différentes et contradictoires de son évolution et de la cause de sa disparition. Kieron Gillen utilise à bon escient les voyages d'une planète à une autre, respectant cette convention des opéras de l'espace. Il glisse quelques clins d'œil inattendus, comme cet hommage au film Indiana Jones et les Aventuriers de l'Arche Perdue, avec Ulbik Tan fuyant dans tunnel, poursuivi par une créature qui menace de l'écraser. Il intègre quelques pointes d'humour, parfois caustiques, parfois reposant sur la situation (quand Aphra doit enjoliver la situation, ou mentir effrontément), allant parfois jusqu'à l'humour noir quand les robots ou le Wookie éliminent des ennemis en les tuant.


Kev Walker réalise des cases en ménageant une bonne lisibilité, des éléments des films clairement identifiables et des scènes spectaculaires. Le lecteur reconnaît sans difficultés la forme de C-3PO dans celle de Triple-Zéro, ou encore la masse imposant à long poil du Wookie. Les uniformes des soldats de l'empire sont conformes à leur modèle dans les fils, et le sabre laser ressemble à un sabre laser (c'est la moindre des choses). Le scénario ménage plusieurs scènes d'action, et des événements spectaculaires, se calquant là aussi sur le modèle des films. Les 5 pages d'ouverture sont dépourvues de texte et rendent bien compte de l'urgence dans laquelle le pilleur de reliques doit sortir du tunnel. Quelques pages plus loin, le Wookie s'en prend à 2 gardes du corps, et l'artiste s'amuse à dessiner des cadres de case de biais, comme s'ils avaient été déplacés par la force des coups, avec un bruitage exagéré par le lettreur Joe Caramagna pour amplifier l'impression de choc. La découverte de la pyramide sur Yavin 4 occupe un dessin en pleine page qui en impose, avec une ambiance lumineuse très bien rendue par Antonio Fabela. Sur la base de l'Ordu Aspectu, le dessinateur dégrossit des cristaux qui constituent un décor très étonnant.


Le lecteur constate que Kev Walker utilise l'approche habituelle de narration dans les comics, en favorisant les personnages et leurs actions, au détriment des arrière-plans quand ils ne sont pas indispensables à la compréhension de l'histoire. Il investit du temps pour que chaque personnage dispose d'un costume ou de vêtements spécifiques. Il leur donne une apparence aisément mémorisable, à la fois avec leurs habits, mais aussi leur morphologie, et la forme de leur tête, y compris pour les êtres humains à commencer par la capitaine Tolvan. Les expressions des visages reflètent bien l'état d'esprit du protagoniste, mais avec des bouches ouvertes revenant régulièrement. Le lecteur constate également que Kev Walker se repose de manière trop régulière sur Antonio Fabela pour réaliser des camaïeux en fond de case afin de combler de grandes cases avec uniquement des personnages. Malgré tout cette propension est souvent contrebalancée par d'autres cases avec des décors fouillés.


Ce premier tome des aventures d'un nouveau personnage dans l'univers étendu Star Wars propose une aventure avec un rythme soutenu sans être épileptique, et avec une intrigue consistante et divertissante. Les dessins savent projeter le lecteur dans l'univers Star Wars, reproduisant les éléments canoniques et y intégrant des éléments nouveaux, avec une forme dédiée à la facilitation de la lecture, plus qu'à la description. L'ambiguïté morale de la docteure Aphra apporte un peu de piquant à ce récit d'aventures, pour un moment agréable.

Presence
7
Écrit par

Créée

le 23 avr. 2020

Critique lue 152 fois

Presence

Écrit par

Critique lue 152 fois

D'autres avis sur Aphra - Star Wars : Docteur Aphra, tome 1

Du même critique

La Nuit
Presence
9

Viscéral, expérience de lecture totale

Il s'agit d'une histoire complète en 1 tome, initialement publiée en 1976, après une sérialisation dans le mensuel Rock & Folk. Elle a été entièrement réalisée par Philippe Druillet, scénario,...

le 9 févr. 2019

10 j'aime