L'histoire de la déconstruction d'un genre

La vie est une succession de choix.

Taichi, un jeune garçon perdu quant à son avenir, entre en terminale.
Dans sa nouvelle classe, il retrouve son ami d'enfance Tôma avec qui il avait choisi de prendre ses distances, agacé par la popularité constante du jeune homme à qui tout réussit. Alors qu'il pense en rester là, une élève très discrète et maladroite du nom de Futaba lui demande subitement de l'aider. La jeune fille, amoureuse de Tôma, voudrait apprendre à le connaître en trainant avec l'un de ses amis. C'est tombé sur Taichi qui acceptera finalement de l'aider, espérant ainsi pouvoir enfin se rendre utile.
Mais en vérité, Tôma cache un lourd secret qui pourrait bien chambouler Taichi...

L'histoire de la déconstruction d'un genre

L'histoire de Blue Flag commence donc de manière fort simple. On est face à de la romance lycéenne très classique avec ses trois héros vus et revus et ses situations quotidiennes comme les discussions en classe, l'organisation de la fête de l'école, la sortie à l'aquarium et toutes ces choses qui nous sont généralement familières.
Mais tout se déconstruit à la fin du tome 2 avec une révélation sans précédent dans les œuvres du genre, remettant totalement en cause l'intrigue et les efforts fournis par les personnages dont l'objectif semble désormais inaccessible...

Mais le manga ne perd pas pied. Au contraire, on reste dans un quotidien extrêmement réaliste où les héros feront diverses rencontres qui les aideront à se poser les bonnes questions pour trouver des réponses quant à leur avenir. Le tout évoluera de manière très naturelle, à son rythme.

Que dire de plus sur la fin qui est... déboussolante ? Pas dans le mauvais sens du terme cependant, mais je n'en dirai pas plus. Notons simplement qu'on lui reprochera d'être malheureusement trop abrupte avec son saut dans le temps sorti de nulle part et son discours plus méta que réellement narratif mais elle permet de venir renouveler un genre qui a tendance à tourner en rond depuis plusieurs années déjà.

Une histoire finalement bien menée sur un sujet pourtant épineux.

Des personnages porte-drapeau d'idéaux

Il y a assez peu de personnages, et nos trois héros sont eux assez classiques :

Taichi : Un garçon sérieux mais qui ne prend plaisir en rien et est empli de doutes quant à son avenir. Il est assez direct et cynique, mais c'est parce qu'il a du mal à mettre en mots ses sentiments et qu'il a tendance à trop réfléchir.

Un héros assez déroutant au départ, il faut quand même un petit moment avant de comprendre son fonctionnement car il est assez tranchant dans ses paroles et dans ses actes. Néanmoins il en ressort un garçon très touchant qui apprend à comprendre ce dont il a vraiment envie et ainsi à se réintéresser à la vie.

Tôma : Le garçon grand, sportif, sympa et donc très populaire. Il est du genre à laisser les choses venir à lui et à continuer à faire de son mieux en attendant, c'est un garçon assez positif qui essaie de voir le meilleur en chacun. Cependant il a du mal à se confier sur ses problèmes et préfère donc les ignorer, ce qui le conduit parfois dans des impasses.

Tôma est original car assez différent du beau gosse parfait qu'on retrouve habituellement dans les mangas. Disons que c'est plus l'archétype du bon gars, sympa avec tout le monde, il est donc assez cool, et pour le coup sa relation avec Taichi est traitée de manière très juste.

Futaba : C'est une jeune fille très maladroite et donc très peu sûre d'elle qui a toujours peur d'être une gêne pour les autres et préfère donc se faire petite. Cependant elle finit par en avoir assez et décide un beau jour de faire des efforts pour changer et devenir une autre personne.

Futaba a un contexte de départ intéressant. Elle peut être agaçante au début car c'est vrai qu'elle n'est quand même pas très dégourdie mais elle n'a pas mauvais fond, et pour le coup elle montre vraiment qu'elle a envie de faire des efforts. Malheureusement je trouve que son évolution se fait assez discrète dans la suite. Au final Futaba n'aura pas énormément changé et c'est peut-être la moins exploitée du trio alors qu'elle avait pourtant une belle marge d'évolution.

Quelques personnages secondaires, tous assez importants, viendront s'ajouter au casting.

On retrouve notamment Masumi, la meilleure amie grognonne de Futaba qui ne supporte pas que des garçons l'approchent (et dont le développement sera malheureusement beaucoup trop survolé alors qu'elle aurait pu faire partie du groupe de héros principal à la base), Mami la jolie fille aux abords superficiels qui en a assez d'être cataloguée sans raison, ou bien Seiya le grand-frère cynique de Tôma qui essaie tant bien que mal de le comprendre. Tous sont là pour faire avancer les trois héros et sont donc un bon ajout à l'histoire, sans compter que la plupart ont des tempérament asse éloignés de ce que l'on peut voir dans les autres mangas. Chacun à ses convictions, sa manière de faire, et cherche à les faire valoir auprès des autres personnages.

En somme des personnages à priori très classiques mais pas trop non plus, qui proposent des points de vue assez inédit et évoluent bien.

Un manga où les roses sont bleues

Concernant le manga, ici on est donc dans un shônen. Pourtant ce sont bien les codes du shôjo qui prédominent !

Déjà de par les dessins, très ronds et avec des trames peu nombreuses et un aspect aéré. Personnellement j'ai eu un peu de mal à me faire aux chara design des personnages au départ que je trouve certes originaux mais assez peu accrocheurs dans l'ensemble. Concernant le trait général, disons que le dessin fait très shôjo là-encore mais tire en même temps beaucoup sur le réalisme (il n'y a qu'à voir la profondeur qu'arrive à donner l'auteur aux expressions des personnages !), le rendu est donc un peu étrange par moment. Mais dans l'ensemble, rien qui arrachera la rétine, on s'y fait assez vite, sans compter que pour le coup la mise en page est tout bonnement excellente et viendra vite faire oublier ce petit défaut.

Ensuite tout simplement par son pitch de base et son intrigue qui sera définitivement tournée vers la romance. Mais là encore, on est loin des amourettes mignonnes ou dramatiques des autres shôjo, Blue Flag se voulant déjà extrêmement réaliste dans son ensemble (on peut le voir rien qu'avec le découpage des cases, mouvement par mouvement, qui n'est pas sans rappeler le style de YAZAWA Ai (NANA), elle aussi connue pour ses histoires très vraisemblables).

Blue Flag, jusque dans ses thématiques, viendra plutôt s'interroger sur ce que sont véritablement les sentiments, les choix, le fait de "devenir adulte" et toutes ces questions qui jalonnent la vie de n'importe quel adolescent. Des péripéties viendront toujours donner du rythme au quotidien lycéen de nos trois personnages mais chacune d'elles aura un véritable impact sur leur évolution et nous fera à nous comme aux personnages réfléchir sur des sujets sociétaux aussi divers que variés et résolument dans l'air du temps, bien que l'on pourra reprocher un côté un peu trop "débat scolaire" lors de certains passages.

Une oeuvre proche d'un pamphlet

Blue Flag est donc avant tout une réflexion avant d'être une histoire.

L'intrigue et les personnages se suivent facilement dans l'ensemble, le manga se lit bien avec ses instants poétiques et ses touches d'humour récurrentes (bien qu'à titre personnel je les ai trouvé assez maladroites mais ça n'engage que moi) mais avant même de s'en rendre compte, on remarque que le manga cherche avant tout à s'exprimer sur des sujets beaucoup plus profonds et humains, ce qui le rend véritablement surprenant et particulièrement intéressant à suivre une fois passé les premiers tomes assez lambda.

Un petit bijou comme on n'en trouve peut-être que trop rarement !