S'il y a bien un thème phare dans la science fiction, qu'elle soit littéraire ou filmique, c'est bien celui des mondes virtuels, ces réflexions distordues de notre univers ayant des règles qui leur sont propres.


Ces mondes sont des concepts denses, dont les exploitations possibles sont aussi infinies que leurs univers, et si certaines œuvres ont tenté de se jouer des règles du virtuel comme Sword Art Online et son concept de mourir dans le jeu (annihilant ainsi la prétendue sécurité séparant les risques du monde réel de ceux du virtuel), la plupart ont surtout usé du monde virtuel comme d'un outil scénaristique permettant la réflexion entre les crises de notre réalité et celles reproduites par ces simulations informatiques.


Encore récemment on retrouvait au cinéma Steven Spielberg avec son Ready Player One, qui usait du concept de monde virtuel pour traiter le problème latent de la nostalgie marketée.


Ainsi, en miroir de nos erreurs, le monde virtuel est aussi et surtout l'échappatoire idéal à toutes les crises à venir, et la meilleure manière de briser toutes les règles de notre monde pour en créer de nouvelles.


Le Bolchoï n’est pas une illusion. C’est une construction. Les relations, les gens qui s’y trouvent sont bien réels. Ainsi que les émotions qu’on y ressent. La joie. L’humilité face à l’infini.

Et c'est ce que propose Boulet et Aseyn, avec leur bande dessinée : Bolchoi Arena.


Si vous trouviez que le paysage de la bande dessinée français manquait d'une saga de hard-SF, la voici donc devant vos yeux. On y retrouve Marje, une jeune étudiante en astro-physique qui découvre pour la première fois ce qu'est le Bolchoi, une sorte de monde virtuel aux règles strictes mais au potentiel infini : explorer les confins de notre système, expérimenter le voyage stellaire, la vie sur d'autres planètes... Mais aussi et surtout se faire de l'argent en capitalisant sur des mines, en tuant d'autres joueurs, en collaborant avec des corporations...


Vous l'aurez compris, le Bolchoi porte bien son nom (Bolchoi signifie grand en russe) puisque les possibilités d'un tel monde sont incalculables... et que les entreprises privés en ont très vite compris le potentiel mercantile.


Pourtant, même si le Bolchoi est réputé pour sa sûreté et son taux de risque 0, la jeune Marje n'est pas à l'abri de vivre une expérience qui pourrait bien tout remettre en question...


Forte de trois volumes (et d'un quatrième en préparation), cette saga permet donc de s'immerger dans ce Bolchoi, dont l'utilité dépasse le simple lieu d'évasion et de détente pour gamers : ce sont de véritables missions scientifiques et expérimentations qui sont menées dans le Bolchoi avec pour objectif affiché de refléter les aspirations futures de l'humanité, en attendant d'avoir réellement les moyens technologiques pour mener de telles opérations. Mais entre réalité et virtuel, la frontière est mince, et à trop vouloir se reposer sur un monde sans corps physique, on chute d'autant plus facilement quand vient le dur retour au monde.


Marje subit d'ailleurs (au début de l'œuvre) une déconnexion progressive de la réalité, qui n'est finalement pas sans rappeler les sonnettes d'alarmes tirées par déjà bon nombre d'œuvres concernant les risques d'une réalité virtuelle qui supplanterait le réel lui-même. Quant à la privatisation de ses secteurs spatiaux par des multinationales que l'on voit dans l'œuvre, n'est ce pas un miroir de notre situation actuelle concernant l'exploitation des ressources d'autres planètes, et dont la ratification d'accords pour réglementer ce statut laisse pensif quant au futur de la colonisation spatiale ?

Bien sûr, l'œuvre sait aussi s'apprécier d'un point de vue autre que scénaristique, puisque Boulet est accompagné du dessinateur Aseyn.

Ce que vous voyez n'est pas le monde. Vous contemplez tous les rêves, tout le potentiel de l'humanité en tant qu'espèce.

La technicité de son trait dépasse d'ailleurs toutes les attentes, tant l'on a l'impression d'avoir devant soi le successeur français de Katsuhiro Otomo (le mangaka derrière Akira), avec ses doubles pages sublimes révélant des structures spatiales titanesques ainsi que des environnements qui laisse rêveur. On apprécie les balades sur d'autres planètes, on s'émeut de la situation de Marje, et on contemple aussi, impuissant, un monde qui brûle.

Bolchoi Arena s'affiche donc comme l'une des bande dessinée de SF à ne surtout pas manquer, et dont l'attente pour le quatrième volume vous laissera sûrement, comme moi, sur les rotules.

Créée

le 8 déc. 2022

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