Cher pays de notre enfance par ouaillenot

C'était presque la BD manquante d'Etienne Davodeau - pour ce que j'en connais. Celle où il s'associerait enfin à un journaliste politique pour atteindre le summum de la BD de reportage. Benoit Collombat et Etienne Davodeau entreprennent ainsi à travers cette bande dessinée de nous emmener non seulement au cœur des scandales politiques de la Ve République, mais également au coeur de l'enquête. J'avoue qu'en voyant au départ la BD dans les rayons, je me suis franchement demandée ce qu'était encore que cette BD sensationnaliste sur les "dessous de la République". Ensuite, j'ai vu le nom d'Etienne Davodeau, et là je me suis ravisée. J'ai été tout à fait conquise lors du festival d'Angoulême 2016 lors duquel j'ai eu la chance de rencontrer les auteurs. Deux hommes passionnés : passionnés par la recherche de la vérité et par la vulgarisation des enjeux qui nous dépassent trop souvent en tant que citoyens.
Bon, il m'a fallu tout de même un an pour m'y attaquer (allez savoir pourquoi), et la BD est tellement dense qu'il m'a fallu un temps quasi irraisonné pour l'achever. Pourtant, j'ai été totalement captée par l'histoire, beaucoup trop méconnue, du SAC (service d'action civique) sous la Ve République. De témoignage en témoignage, on découvre comment la France a continué d'être marquée par la nécessaire militarisation d'une partie de sa population par la résistance puis la guerre d'Algérie. Ce qui fait la force du récit, c'est cette manière de s'ancrer dans la réalité. Il ne s'agit pas d'attirer tous les fantasmes sur les affaires du Juge Renaud et Boulin, mais bien au contraire de déceler la part de vérité - partielle - à laquelle ont pu accéder les auteurs. Au-delà du fond d'ailleurs, la BD est extrêmement intéressante pour son approche méthodologique. Comment raconter cette histoire où vérité et mensonges sont si imbriqués ? Les auteurs ont choisi de dévoiler au lecteur, en même temps que l'histoire qu'il ignore, la manière dont cette histoire a été construite.
On se confronte alors aux questionnements des deux hommes sur l'enquête, sur la manière de relater les faits, aux refus des témoins, aux échecs qu'ils rencontrent, et finalement, à la façon dont on construit une BD de reportage.
Il s'agit donc d'une lecture tout à fait essentielle à tous les points de vues. On est bien loin ici du champ traditionnel de la bande dessinée et c'est tant mieux !

ouaillenot
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le 4 mars 2017

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