Le diable s'habille en grenat

Un guignol avec une canne blanche et des lunettes de soleil. Pendant longtemps, et jusqu'à très récemment, j'ai considéré Daredevil comme le plus naze des super-héros. Un peu l'équivalent petits bras du Dark Knight de DC. Genre «ah non petit, désolé, Batman c'est trop cher pour toi. Par contre, Marvel a sorti la version générique. Bon, le perso est rouge et handicapé, mais pour un euro je te file toute la collec. Eh! Gamin! Pars pas, j'ai aussi des "Plastic Man" si tu veux!»

Franchement, c'est quoi ce justicier à deux balles (me gaussais-je alors en me replongeant dans l'étude de la redéfinition des oppositions géopolitiques à Gotham City au mitan des années 90)? Aveugle depuis qu'il a été heurté par un convoi de déchets radioactifs (de la suite dans les idées, chez Marvel), il développe des superpouvoirs style sonar option acrobatie. D'accord, c'est toujours mieux que de jouer de l'accordéon dans le métro. Classique meurtre du père à l'adolescence, un homme pauvre, mais droit. Ok. Devient avocat de renom au barreau de New York. Mouais... Décide finalement d'enfiler des collants rouges et de se dresser face à la barbarie, mais uniquement dans le quartier de Hell's Kitchen (donc, selon Wikipédia, entre les 34e et 59e rues, et encore, seulement à l'ouest de la 8e avenue), parce que faut pas déconner non plus, si on doit en plus se coltiner Brooklyn et Harlem, on n'est pas sorti de l'auberge, en plus c'est loin, et après y a plus de métro pour rentrer. Euh... Dans son combat, se fait later une fois sur deux par le supervilain Kingpin, un obèse qui deale de la drogue dans le quartier. Bon ! ben c'est pas tout ça, mais même Green Arrow fait mieux que ce type, faut que je retourne voir quel mauvais coup fomente le Joker, moi.

Problème (suivez bien, c'est là que s'opère le retournement qui explique la note ci-dessus): j'ai deux amis Marvel fans qui se sont mis en tête, depuis deux ou trois ans, de faire de moi un geek, un vrai (jusqu'ici, ça a moyen marché). Pour brouiller les pistes, appelons-les Erwan et Marius.

Il y a quelques mois, Erwan et Marius, donc, ont rouvert le dossier Daredevil, sous mes ricanements acerbes (gnark gnark). Le premier, habile, m'a pris par les sentiments en me rapportant le "Born Again" des batmanesques Frank Miller et David Mazzuccheli. En cherchant bien, vous devriez trouver la note que je lui ai fichue sur Sens critique (genre 9). Bon début. Le second a un peu plus foiré son coup en me refilant "Guardian Devil" de Kevin Smith et Joe Quesada. Kevin Smith... bon ben Kevin Smith hein, c'est pas non plus Hitchcock, et Quesada, au risque de me mettre à dos la Ligue mondiale des geeks en goguette, je supporte pas son dessin (tout foireux, sursignifiant et avec parfois quelques problèmes de proportions, hein Marius?).

Mais bon, le couillon (c'est moi) est ferré, et arrive cette tragique soirée où Erwan me montre sa collection Omnibus de Daredevil par Bendis et Maalev. Soit cinq ans de boulot, et 1500 pages formant un seul comics géant!!! Bave, bave, jalousie, jalousie. Ce chacal prête tout sauf ces bouquins-là (comme par hasard). Amazooooon! L'édition en question est hors de prix aujourd'hui, donc je me rabats sur la version Ultimate (c'est pareil, mais en plus petit et sur papier glacé). Commande, deux semaines d'attente et, joie-bonheur-félicité, débarquent un beau matin 3kg de bouquins et mon facteur qui à la longue nous déteste, mes escaliers et moi.

Là, vous en avez marre, trois plombes et pas loin de deux feuillets que vous me lisez (d'ailleurs, vous n'êtes que deux à être arrivés jusque-là) et la critique a même pas commencé. Mais la patience paie, vous allez pas être déçus, vous allez voir, me suis pas foutu de votre gueule, j'ai des arguments en béton armé que c'est pas de la gnognotte. Ça va fuser, les analyses ingénieuses, les observations définitives et les phrases choc!

Pouf pouf.

Donc, le pitch: Que se passerait-il si l'identité de Daredevil était subitement révélée au grand public? Qu'arriverait-il si tout le monde savait que le vigilante est en fait Matt Murdock, l'avocat qui a envoyé la moitié des criminels locaux derrière les barreaux? Comment faire face à cette information qui, si elle était confirmée, mettrait un terme à sa carrière de magistrat, invaliderait la plupart des affaires qu'il a traitées, et pourrait entraîner la condamnation du justicier lui-même? Et, d'ici là, comment continuer à lutter contre la pègre, qui pour sa part s'en donne à cœur joie et a déjà placé une demi-douzaine de contrat sur la tête de Murdock, alors qu'une horde de journalistes campe jour et nuit devant sa baraque?

LA CRITIQUE (roulements de tambour)
Le scénario: Woah comment c'est trop bien, c'est guedin, c'est sûrement le meilleur comics que j'ai jamais lu!
Le dessin: Putain comme ça tue, c'est ouf, c'est probablement le plus beau comics que j'ai jamais vu!

Alors, la mauvaise nouvelle, c'est qu'une fois que vous vous êtes panés les 1500 pages, vous êtes marrons parce que Bendis et Maalev vous laissent sur un cliffhanger pas piqué des hannetons alors que vous pensiez que c'était une histoire complète.
La bonne, de nouvelle, c'est que les auteurs se sont mis d'accord avec Ed Brubaker et Michael Lark avant de leur passer le flambeau. Le run de ces deux zozos est terminé et, du coup, l'arc complet est disponible. Un petit millier de pages en plus, c'est un peu comme faire miroiter une dinde juteuse à un Nigérian: maxi-kif. C'est commandé, j'attends un signe de mon facteur, on en reparle.
Quant à l'excellente nouvelle, c'est que si vous vouliez une vraie critique, j'ai filé les trois tomes à Marius, qui devrait pas tarder à vous en pondre une pas dégueu (vous voyez que ça valait le coup de lire ce pavé jusqu'au bout, vous êtes les premiers sur l'info).

Voilà voilà, et surtout des bisous.





NB: Il a mis le temps mais ça y est, Marius a rendu sa copie. C'est là, et c'est bien: http://www.senscritique.com/bd/daredevil-by-brian-michael-bendis-alex-maleev-ultimate-collection-book-1/9501297282428213/critique/marius/