L'idéologie de la justice à travers une lutte entre deux élus


Je deviendrai le Dieu de ce nouveau monde.



Yagami Light, un lycéen surdoué va voir sa vie monotone changer le jour où il va tomber sur un cahier appelé le Death Note. Très vite, il va découvrir que ce cahier possède le pouvoir de tuer la personne dont le nom est écrit à l’intérieur. Avec l'aide de ce cahier, le jeune homme va décider de fonder un nouveau monde en tuant tous les criminels et d'y régner en tant que Dieu. Cependant c'est sans compter sans l’acharnement des forces de l'ordre et d'un mystérieux détective surnommé L.

La personne dont le nom est écrit dans ce cahier meurt



On suit donc le personnage de Yagami Light qui aura pour objectif de devenir le Dieu d'un nouveau monde. Ici pas d'entité surnaturelle, pas d'univers parallèles, nous sommes plongés au sein de notre monde avec pour seule force surnaturelle le Death Note et les Dieux de la Mort. L'objectif de l'histoire sera donc pour Light de devenir Dieu tout en échappant à L et aux forces de l'ordre. Ces forces d'entraves naturelles sont ce qui va donner au manga sa plus grande force, proposer non pas des duels riches en action ou des séquences de bataille d'anthologie mais des duels psychologiques où chacun devra anticiper les actions de l'autre.


La première partie est donc riche en rebondissements, enchaînant des moments de tension et de péripéties avec l'arrivée de nouveaux protagonistes aussi bien alliés qu'ennemis. De plus, on appréciera la séquence finale de cette partie qui demeure très anti-shônen.


La seconde partie qui se déroule quelques années plus tard demeure intéressante avec l'arrivée de plusieurs nouveaux protagonistes mais qui, à mon sens, n'égalent pas ceux de la première partie. De plus le récit qui jusque-là parvenait à proposer une histoire haletante se trouve ici bien plus poussif, notamment avec des séquences interminables où tous les personnages stagneront, faute de preuves ou d'objectifs. En outre, le récit déjà dense jusqu'à présent se trouvera finalement alourdi par deux nouveaux protagonistes qui agiront la plupart du temps en hors-champs. Enfin, un des autres personnages essentiels de la première partie ne fera désormais que de la simple figuration, voire pire, ne sera bon qu'à apparaître dans deux-trois cases en tenue aguicheuse pour le fan service, dommage !


On notera malgré le ton très sérieux de l'œuvre quelques touches d'humour qui font sourire sans que ça ne paraisse forcé. Ce sera plus de l'humour sérieux qui se fera via des jeux de mots ou des réactions prêtant à sourire malgré la situation.


Ainsi, si la première partie est à mon sens irréprochable en raison de l'histoire qui marque un sans-faute, notamment en matière de narration, et d'un rythme qui ne faiblit pas, c'est tout le contraire de la seconde partie qui oscille trop entre rythme poussif et personnages qui sont pour la plupart passifs et n'ayant plus aucun développement.



Il faut avoir en tête le visage de la personne dont on écrit le nom, sinon cela ne fonctionne pas



Obata signe ici sa première mais non pas sa dernière collaboration avec Ohba. Et il faut le dire, le duo fonctionne à merveille ! Outre une narration bien menée, le dessin n'est pas en reste. Obata va en effet livrer un style classique avec un trait assez sombre. Même si le découpage reste assez classique, le dessinateur parvient à donner du relief aux pensées des personnages en zoomant sur son personnage, case par case. Il en ressort également un bon dynamisme, notamment lors de certaines séquences où les personnages laissent exprimer toutes leurs émotions comme le match de tennis ou le premier duel de L contre Kira. Ainsi certaines doubles pages centrées sur Light parviennent à montrer toute la folie du personnage, où bien encore l'inexpression de L qui demeure une énigme. Le style évoluera malgré tout, sur les personnages entre autre, comme Light qui de simple jeune lycéen n'apparaîtra plus que comme un être assoiffé par son objectif et son égo démesuré, persuadé d'avoir raison. Un point sur Ryûk également qui évolue totalement entre sa première apparition et sa dernière où le dessin montre un être effrayant qui révèle sa véritable nature de Dieu de la mort.


En ce qui concerne le chara design, il demeure assez basique. Light est l'étudiant propret et bien élevé, L apparaissant comme son opposé total tant il est habillé de manière décontractée voire négligée. Misa pour sa part est la jeune fille gothique aux tenues assez lolita et idol mais qui au fur et à mesure évoluera pour être plus attirante aux yeux de Light, en s'habillant de manière de plus en plus osée et plus simple dans la vie de tous les jours.


L’édition publiée par Kana en elle-même est assez simple, et il faut le dire, peu reluisante pour un manga d'une telle envergure. Bien que les couvertures soient superbes et en rapport avec le thème de chaque tome, le papier est de qualité assez basique et le format minuscule, ce qui devient rapidement problématique tant la quantité de texte augmente, rendant les tomes de plus en plus épais. C'est pourquoi en 2010, Kana ressortira une Black Edition contenant les mangas au format double dans un papier et une édition de meilleure qualité.


À noter que les auteurs, en plus des illustrations de chapitres, ont ajouté dans les volumes reliés une page de garde avec les règles d'utilisation du Death Note qui, à l'image du manga, se complexifie de plus en plus.



À la suite du nom, si l'on écrit la cause dans un délai de 40 secondes, cela se réalise



Étant un shônen orienté thriller, Death Note possède énormément de personnages, aussi bien principaux que secondaires. C'est pourquoi je me focaliserai sur les principaux :


Yagami Light : Lycéen qui va tomber sur le Death Note. Surnommé Kira (de l'anglais killer signifiant tueur) par ses adorateurs et par les forces de l'ordre, il va se mettre en tête de créer un monde sans criminels et d'y régner en tant que Dieu.
Personnage principal aussi classe que mégalo et doté d'un égo assez énorme. Ses concepts de la justice ne sont pas dépourvus de bon sens au départ, toutefois lorsqu’on regarde le chemin parcouru… Il est difficile de dire que c'est un personnage qu'on peut apprécier. Light est l'archétype même de l'anti-héros voire de l'anti-shônen car même si le but peut sembler à priori noble au départ, les méthodes utilisées et l'évolution du personnage font de lui quelqu'un de détestable tant il évolue dans le mauvais sens du terme.


L : Le plus grand détective du monde qui a résolu les affaires les plus complexes et qui va tout mettre en œuvre pour stopper Kira.
Un personnage étrange et qui contraste totalement avec l'idée du détective qu'on peut se faire. Il a des tocs bien prononcés, notamment grignoter tout ce qui se trouve à portée de main, mais il évolue énormément, en démontrant qu'il est parfois prêt à violer la Loi afin de vérifier ses suspicions. Ni bon, ni mauvais, L est une énigme tant ses pensées demeurent uniquement focalisées sur l'enquête en cours.


Amane Misa : Jeune fille qui voue un culte à Kira et qui est prête à tout sacrifier pour lui, même sa propre vie.
Un personnage tragique car, si dans la première partie elle servira à de nombreuses reprises et agira en débloquant la situation, ce ne sera pas le cas dans la suite où elle servira tout juste d'élément de figuration. À croire que les auteurs ne savaient plus quoi en faire puisque pour savoir ce qu'il advient d'elle, il faudra consulter le guidebook. Bref un personnage qui a servi lors de certains moments mais qui malgré tout demeure sous-exploitée dans la suite de l'histoire.


Yagami Sôichirô : Père de Light qui a une confiance aveugle en son fils. Il est chef du département de la cellule d'enquête sur Kira.
L'un des seuls personnages qui tout au long de la série parvient à rester juste et intègre malgré toutes les charges accablant son fils. Un personnage qui croira toujours en l'innocence de Light et qui fera absolument tout pour débusquer Kira.


Ryûk : Shinigami (Dieu de la mort).
Un shinigami qui accompagnera Light puisqu'il aura ramassé son Death Note. Outre le fait qu'il aura marqué toutes les règles dans le cahier car Monsieur s'ennuyait, ce personnage sera peu exploité en dehors de la seconde partie où il rappelle que lui seul est un shinigami et que personne ne peut lutter contre lui. Autrement il servira surtout d'élément comique à de nombreuses reprises.


Évidemment il y a de nombreux autres personnages dont les agents du bureau d’enquêtes et du FBI, ou encore les victimes de Light. On notera aussi les shinigami qui, même s'ils sont nombreux, apparaîtront finalement assez peu se contentant tout comme Ryûk d'observer le duel entre L et Kira.


Dans l'ensemble, on ne peut pas dire que les personnages sont attachants, ils sont humains, chacun avec leurs qualités et leurs défauts. Aucun n'est bon, aucun n'est mauvais, chacun d'eux agit pour faire ce qui leur paraît juste. Mais même si des personnages évoluent plus que d'autres, tous parviennent à changer et à montrer plusieurs facettes, qu'elle soit bonnes ou mauvaises.



Si l'on n'écrit pas la cause, la mort est systématiquement due à un arrêt cardiaque



Selon les auteurs, la thématique abordée dans Death Note ne vise pas à faire réfléchir sur le bien fondé de la société, ni sur la valeur du bien et du mal. La seule fois où Ohba semblera donner un semblant de réponse, aussi légère soit-elle, sera dans le dernier volume avec le personnage de Near.


Death Note est un manga qui parle de thèmes difficiles. Mais si l'on devait le résumer, toute l'ossature de l'œuvre peut s'articuler autour de cette simple question : Est-ce que tuer quelqu'un ayant commis un crime, c'est mal ?


La réponse ne sera jamais donnée, c’est au lecteur de se faire sa propre opinion en suivant l’anti-héros Yagami Light qui poursuit à la base un but semblant noble mais qui peu à peu perdra totalement la raison, au contraire de L qui incarne la justice mais qui pour coincer Kira utilisera des méthodes peu orthodoxes voire même inhumaines qui le place au même niveau que Light pour son respect de la vie humaine.


Ainsi à travers ces deux personnages, nous suivons le parcours de deux justices, l'une idéologique et utopique qui est plus de l'ordre d'une monarchie, et l'une incarnant la justice et les idéaux humains. Cependant, le plus remarquable est qu’à force de méthodes, d’arguments et de persuasion, que ce soit Light ou L, les deux évolueront, aucun ne restera cramponné à son rôle de départ, on peut le voir avec Light qui sera quelques fois capable de faire le bien et n'est donc pas qu'un despote mégalo. Lorsqu'il aura affaire au groupe Yotsuba, on peut voir à ce moment-là que l'auteur démontre un autre fait : Light n'est pas quelqu'un de foncièrement mauvais, ce sont avant tout son but et l'influence du Death Note qui le poussent à agir de cette manière, même si ça ne pardonne pas ses actes pour autant.
Quand à L, lui non plus n'est pas le détective sans peur et sans reproches. Au contraire, plus l'histoire avancera et plus ses défauts seront visibles et ses méthodes pour vérifier ses hypothèses de plus en plus extrêmes.



Celui qui fait usage de ce cahier ne va ni en enfer ni au paradis



Faire une critique de Death Note n’est pas chose facile tant on peut en dire, car autant il bénéficie d’une première partie qui demeure à mon sens irréprochable sur de nombreux points, autant la seconde partie enchaîne les longueurs et un rythme beaucoup plus poussif.
Malgré tout, à travers ses thèmes et les nombreuses réflexions qu’ils offrent et dont peuvent découler de longs débats philosophiques, ainsi qu'à travers des personnages principaux qui ne sont pas cantonnés à un seul rôle, Death Note est un chef-d’œuvre que tout lecteur de manga ou même de littérature se doit de lire ou de découvrir au moins une fois dans sa vie !

DuotakunoSora
8
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le 19 déc. 2020

Critique lue 84 fois

Duotaku_no_Sora

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