La couverture donne le ton : RIP est une BD sombre et sale. Un polar bien noir qui dérange. On suit donc Derrick, le pur looser désillusionné qui n’attend plus rien de la vie. Il fait un métier immonde, avec des collègues craignos, dans une boîte pourrie pour un salaire de misère et vit dans un taudis avec une mégère acariâtre. En bref : une bien belle vie de merde. Aussi, quand il aperçoit cette bague qui pend négligemment aux doigts de cette vieille morte depuis des années… il saisit l’opportunité que la vie lui offre. De toute façon, au point où il en est, ça ne pourrait pas plus mal tourner, non ?
Cette BD est géniale. Génialement glauque, génialement macabre. Le graphisme est sale, les couleurs terreuses, sombres à souhait, comme si on lisait cette BD à travers une vitre mal lavée ou à la lueur d’une bougie blafarde. La colorisation et les traits nerveux donnent une vraie ambiance à cette BD. Une ambiance qui tient une place très importante ; je trouve ça génial que les auteurs aient poussé l’atmosphère jusqu’au bout pour nous immerger totalement. On plonge dès les premières pages dans un quotidien sinistre que personne n’envie aux côtés de personnages tous plus lugubres les uns que les autres. Tout au long de notre lecture, on se sent poisseux et on imagine très aisément les odeurs aigres et fétides qu’affrontent nos « héros ». À coup sûr on préfère tous finir en dame/monsieur pipi dans une gare qu’à bosser pour cette société louche.
Outre l’ambiance, ce sont aussi les personnages qui surprennent par leur côté anti-héros ; mais pas l’anti-héros badass et beau gosse comme on nous en met partout dans les films ou les séries qui est juste un héros « sans foi ni loi ». Non, ici ce sont des anti-héros au sens premier du terme. Des hommes et des femmes qui n’ont rien pour eux, qui ne sont ni beaux, ni généreux, ni drôles (ou alors malgré eux), de purs beaufs désagréables et détestables pour la plupart. Des êtres amoraux pleins de rancœurs et de rejets de l’autre, d’amalgame et de racisme (ou sexisme) dans ce que l’on fait de plus poussé. À l’image du personnage principal, Derrick, un homme taciturne, froid, désillusionné au langage châtié et sans filtre qui critique notre société et sa vie quotidienne avec acidité et cynisme.
Le tout, servit par un scénario rythmé, sans temps morts qui peut paraître survolé à certains moments mais dont on sait déjà que les zones d’ombres seront approfondies dans les suites. La tension monte tout du long et la fin est, pour moi, juste parfaite.
Âme sensibles, s’abstenir. De même si vous espérez une BD critique construite autour d’une morale forte (ici, c’est plutôt le contraire d’ailleurs). Pour les autres, enfilez votre combi et suivez Derrick sans hésiter. Vous ne serez pas déçus du voyage…
Une BD grinçante et défouloir qui tient son pari de bout en bout. Vivement la suite !
https://leschroniquesviennentdemars.wordpress.com/

DameDePique
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le 10 déc. 2018

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