L'Odyssée d'une frustration

En parallèle à Berserk, l'œuvre majeure de sa vie (et de la nôtre), il semble que notre regretté Kentarō Miura eut envie d'évasion et de transmission. Évasion, en quittant un peu cette noirceur propre à l'odyssée de Guts et transmission en permettant à ses excellents disciples du Studio Gaga de prendre en charge le dessin de son scénario.

L'univers de Dur-An-Ki traite d'un point de vue assez original les thématiques passionnantes mais vues et revues des premières civilisations et mythologies humaines. Ainsi, Pan, Hermès et les nymphes côtoient des références aux figures majeures des mythes fondateurs Sumériens. Je n'ai d'ailleurs pas pu m'empêcher de faire le parallèle avec "Hercule" de Disney lors de la scène d’introduction du récit. Récit qui nous plonge directement au commencement d'une épopée. Longues, haletantes, à la fois guidée par le divin et bousculée par la nature humaine. C'est une histoire de grande envergure que nous laissent présager ces six chapitres.

Malheureusement, c'est là qu'intervient la frustration... Car l’on se rend vite compte que l'histoire démarre doucement et prend son temps pour nous présenter ce personnage intrigant et attachant qu'est Usum, jeune hermaphrodite de nature divine découvrant avec sensibilité le monde des Hommes. À partir du moment où j'ai pris conscience que le récit se limiterait aux prémices de cette grande aventure à jamais inachevée, j'ai tout de même pris grand plaisir à apprécier les pages superbement dessinées malgré le côté un peu trop fourni et dense de certaines.

Finalement, c'est à nous, lecteurs, de faire face à cette frustration et d'expérimenter le plaisir d'imaginer nos propres péripéties épiques que vivront Usum et sont équipes dans cette univers riche et inspiré qui semblait passionner Miura.

• Petit bonus extrêmement plaisant, ce volume contient toute une seconde partie intitulée Amazones, un script de 80 pages accompagné d’esquisses de la main du Maître. Les fans les plus ardues de l’auteur ont donc le plaisir de se plonger dans ce scénario d’isekai montrant là aussi à quel point Miura était passionné par la mythologie grecque. Un récit intéressant qui, lui aussi, à un sacré gout d’inachevé…