Une mélodie venue d'ailleurs
Jonathan est un jeune suisse (longs cheveux bruns bouclés, teint halé) autoportrait de son dessinateur, fasciné (comme Cosey) par le Tibet, ses légendes et son art de vivre. Au premier album, il a fini par recouvrir la mémoire. Mémoire qu’il avait perdue suite à la mort tragique de la charmante Saïcha.
En pleine tempête himalayenne, Jonathan trouve refuge dans une grotte où un yak lui tient compagnie et le sauve grâce à la chaleur qu’il dégage. Au cours de cette tempête, un avion bombardier chinois vient s’écraser non loin de là. Jonathan arrive le premier sur le lieu de l’accident. Le copilote est mort, mais Jonathan vient en aide à Yu le pilote. Il en profite aussi pour récupérer un jerrycan d’essence pour sa moto.
Yu cherche à fuir le régime chinois oppresseur du Tibet. Il est bien placé pour savoir à quoi s’en tenir puisqu’il a bombardé des villages. Yu voudrait rejoindre le Népal. Yu et Jonathan marchent de conserve en montagne lorsqu’un son étrange se fait entendre. Dans le même temps, une jeune tibétaine en exil contacte Jonathan par télépathie de façon à ce qu’il trouve le chemin pour la rejoindre. Celle-ci va proposer de l’aide aux deux hommes errant. Elle les présente à ses amis. Mais les chinois ont repéré l’épave de l’avion qui contient des armes et des munitions que convoitent également les tibétains. L’affrontement est inévitable…
Cet album n’est pas aussi immédiatement séduisant que le précédent, essentiellement parce que Jonathan le pacifique se retrouve immergé en plein conflit armé. Autre aspect gênant, Jonathan conserve sa moto. Sur un sol caillouteux ça passait, en pleine montagne avec un mètre de neige beaucoup moins.
Ceci dit, Jonathan commence à se dévoiler. Son hostilité au régime chinois oppresseur est claire. Et il pourrait envisager de venger la mort de Saïcha. D’autre part, le talent de Cosey comme scénariste s’affirme toujours. Ici il est capable de faire croire à la télépathie et de faire sentir par un simple jeu sur les couleurs que deux scènes se passent en même temps en deux endroits différents. Il montre aussi la rudesse du climat himalayen. Et il fait rêver le lecteur avec la jeune sorcière tibétaine qui justifie parfaitement le titre de l’album. L’organisation des planches est toujours un régal pour l’œil de l’amateur de BD, avec des vignettes de tous formats et ornées de motifs tibétains. L’ensemble est encore une fois au service de la narration. Le lecteur a droit à de jolis paysages et de très belles couleurs. Le trait s’affirme sans pour autant chercher à trop entrer dans le détail. Ce n’est pas de la ligne claire, de l’hyper-réalisme non plus. Cosey s’arrange pour laisser une marge de manœuvre à son lecteur, aussi bien dans sa narration que dans son dessin.
Cosey propose de lire l’album en écoutant « Musica Tibetana » ainsi que « Hergest Ridge » de Mike Oldfield et « Phaedra » de Tangerine Dream.