Ce tome fait suite à The Wicked + The Divine - Tome 01 : Faust départ (épisodes 1 à 5) qu'il faut impérativement avoir lu avant. Il comprend les épisodes 6 à 11, initialement parus en 2015, écrits par Kieron Gillen, dessinés et encrés par Jamie McKelvie, avec une mise en couleurs réalisée par Matthew Wilson. Il comprend également les couvertures variantes de David Lafuente, Christian Ward, Brandon Graham, Matthew Wilson, Marguerite Sauvage, Frazer Irving, Fiona Staples.


Après le choc du traumatisme de l'assassinat d'un divin, Laura Wilson rentre chez parents, un pavillon situé à Brockley dans le sud de Londres. Elle croise 2 autres jeunes adultes portant un teeshirt à l'effigie du décédé. Elle a une violente réaction et vomit dans un caisson sur la voie publique. Ils la félicitent pour son propre teeshirt à l'effigie de Luci. Ils indiquent également qu'ils ont déjà leur place pour le festival Ragnarock en août 2014. Laura poursuit son chemin ne claquant des doigts sans réussir à faire jaillir une étincelle. À la télévision, les nouvelles évoquent la mort de Luci, la réaction de plusieurs membres du Panthéon : Ananke, Baal, Baphomet. Laura pousse enfin la porte de chez ses parents, et elle est accueillie par sa mère qui lui dit qu'elle peut se confier à elle. Laura s'imagine le faire, mais monte en fait dans sa chambre sans s'épancher, où elle constate la vanité de ses centres d'intérêt.


La mère de Laura l'appelle pour prendre un appel téléphonique. Une voix d'un membre du Panthéon lui indique qu'elle a reçu une lettre qui lui fixe un rendez-vous. Elle se rend au cimetière devant la tombe d'Eleanor Rigby (10/07/1993-11/01/2014). Elle y est interpellée par Inanna (Zahid). Il lui explique son point de vue, et évoque leur première rencontre lors d'une précédente version de Ragnarock, avant la Récurrence. À l'occasion de cette conférence qui n'avait pas attiré grand monde, ils avaient écouté l'intervention très critique de David Blake. Lorsque Ananke lui a rendu visite et qu'il s'est transformé, il a su qu'il possède des pouvoirs de divination. Il les a utilisés pour déterminer l'identité du meurtrier. Il s’agit en fait de fans du panthéon qui espèrent réaliser ainsi le gambit prométhéen. Quelques jours après, Laura Wilson rejoint la journaliste Cassandra Igarashi. Cette convention accueille environ 100.000 personnes pendant un week-end.


Le premier tome générait un plaisir similaire à un bon album pop-rock : immédiat, léger, entraînant, avec des passages plus sombres, et mêmes profonds. Le lecteur se fait un plaisir de replonger dans cette série, en se demandant ce qu'il va advenir de ces 12 dieux réincarnés, mais encore plus de ces 12 jeunes adultes propulsés au rang de célébrités. D'ailleurs, il lui reste à découvrir une partie de ces 12 dieux réincarnés, et il n'est pas bien sûr de se souvenir de ceux qu'il a déjà vu. C'est l'un des écueils d'une série avec un nombre important de personnages : il faut du temps pour que le lecteur apprenne à connaître chacun d'entre eux et à apprécier leur compagnie. Fort heureusement, Jamie McKelvie a créé un look unique pour chacun d'eux, s'inspirant parfois de musiciens réels comme David Bowie, ou Prince (pour Inanna), Daft Punk (pour Woden). Il s'agit bel et bien d'une inspiration et pas de plagiat. En outre le média de la bande dessinée permet des libertés difficiles à transcrire avec de vrais tissus. Le lecteur retrouve des individus soucieux de leur apparence, maîtrisant les codes de la mode et capables de les utiliser à leur avantage, conformément à leur statut de célébrité.


En entamant ce deuxième tome, le lecteur ne sait pas trop s'il préfère trouver la suite de l'intrigue et découvrir qui a tué le dieu et le juge, ou s'il préfère continuer à suivre Laura Wilson dans le milieu des vedettes pop-rock, ou encore s'il veut avant tout plus de mythologie. Il se rend compte que Kieron Gillen continue de développer son récit selon ses 3 axes, de façon tellement entremêlée que ces trois composantes se retrouvent intriquées au point que le lecteur ne sait plus trop sur quel pied danser. Il apprécie que Laura Wilson dispose de temps pour faire son deuil, pour prendre la mesure de l'assassinat qui s'est déroulé sous yeux, pour se confronter à ce qu'il signifie pour les 2 jeunes qu'elle croise sur le trottoir, pour se rendre compte d'à quel point il lui est impossible de formuler ce qu'elle a vécu pour essayer de le faire comprendre à sa mère pourtant pleine de sollicitude. Le lecteur peut y voir la continuation du thème sur la vie de jeune adulte, acquérant un degré d'indépendance qui l'empêche de retourner en position d'enfant auprès de ses parents. S'il n'est pas toujours très doué par les nuances des expressions de visage, Jamie McKelvie sait diriger ses acteurs pour que leur langage corporel soit plus naturaliste et suffisamment expressif. Il construit également des mises en scène originale, en collaboration avec le scénariste pour exprimer autrement l'état émotionnel du personnage. En ce qui concerne le trouble de Laura, il y a cette page très touchante où elle s'imagine tout ce qu'elle pourrait dire à sa mère, puis celle composée d'une vue de sa chambre avec des petits numéros collés sur des éléments de décoration, et une légende en dessous, un dispositif original dans une bande dessinée, et très parlant.


Grâce à la qualité narrative des auteurs, le lecteur peut ainsi ressentir l'état émotionnel de plusieurs personnages : la forme de joie de vivre inextinguible d'Inanna, le mal-être de Baphomet, la froideur de Woden, la pulsion de vie de Dionysos. Le lecteur se laisse porter par ces émotions diverses, tout en constatant que l'intrigue avance également rapidement. Laura Wilson reste fermement décidée à savoir qui a assassiné le dieu. Après une phase d'éloignement volontaire du cirque médiatique généré par le panthéon, elle décide d'y replonger pour pouvoir progresser. Elle reprend contact avec la journaliste Cassandra Ishigara et cette dernière lui explique qui est David Blake et ce qu'il peut apporter comme information. Elle évoque aussi la possibilité d'une personne persuadée de la réalité du gambit de Prométhée.


Par la force des choses, Laura Wilson ne peut pas maîtriser le rythme de la survenance des événements, et elle se retrouve bien souvent entraînée par l'apparition d'un dieu, par un drame survenant soudainement, par les répercussions d'un acte d'un dieu. Le lecteur ressent bien ces mouvements imprévisibles et incontrôlables grâce à la narration visuelle. Lui non plus n'est pas préparé à ce qu'il va voir. À l'évidence, Jamie McKelvie et Kieron Gillen se concertent pour composer chaque épisode. Ils imaginent des façons de donner à voir surprenantes : les éléments numérotés avec une légende pour la chambre de Laura Wilson, le plan de la convention Fantheon avec également une légende sur la base de petits carrés de couleurs pour indiquer quel stand se trouve où, les 2 pages aux dessins flous pour évoquer 2 fans Duncan Ackford & Tom Wilkes que Laura Wilson n'a jamais vus et qu'elle ne peut donc par s'imaginer, la manière dont le chant des Nornes (Urd, Verdandi et Skuld) calme une foule, ou encore la page noire qui survient après l'assassinat d'un autre personnage. Outre ces mises en scène conceptuelles, Jamie Mackelvie sait rendre compte de la dimension spectaculaire des actes des dieux : la divination d'Inanna avec des constellations, l'armure de la valkyrie, la transformation des Nornes quand elles sont attaquées. Il combine ces 2 aspects (approche conceptuelle et approche spectaculaire) lors de l'épisode 8. Laura Wilson participe à la fête animée par Dionysos, et la mise en page repose sur 4 rangées de 2 cases, intercalant un dessin avec une case numérotée de 1 à 4. Il faut peut-être un peu de temps au lecteur pour assimiler qu'il s'agit de l'effet que produit le rythme de la musique et l'effet euphorisant de Dionysos sur les fêtards, avec une dimension psychotrope bien rendue par les choix de couleurs de Matthew Wilson.


Déjà bien accaparé par les trajectoires et les ressentis des personnages, et par l'enquête sur le meurtre, le lecteur se rend compte que Gillen & McKelvie ne se limitent pas à ça et qu'ils continuent également à développer la mythologie de la série. Le lecteur voit ainsi apparaître pas moins de 3 nouveaux dieux. Il bénéficie aussi des explications d'Ananke concernant la lutte des dieux contre les ténèbres, et concernant son propre rôle, bien sûr lors d'une interview. Le lecteur n'est pas dupe et a bien conscience qu'elle ne dit pas tout, surtout au vu de la manière dont elle se comporte vis-à-vis de la journaliste, mais aussi vis-à-vis de Laura Wilson. Cette densité narrative participe au fait que le lecteur se sente parfois dépassé, ne sachant plus trop dire s'il préfèrerait plus de drame intimiste, plus d'enquête ou plus de mythologie. Il lui faut prendre le temps de savourer sa lecture s'il veut en plus se rendre compte des thèmes relatifs à la célébrité et à la liberté qui accompagne l'autonomie de la vie d'adulte. La célébrité des dieux continue de se payer, et elle ne leur apporte pas le bonheur, au mieux une forme de satisfaction découlant de la possibilité d'exprimer leur personnalité profonde et qu'elle touche de nombreuses personnes. Il y a également ces individus qui veulent à tout prix rester dans la lumière du projecteur (Kerry/Brunhilde), la frustration de Laura qui aimerait bien faire partie des dieux/célébrités, la fascination confinant à l'adoration pour les célébrités, la solitude de ceux qui sont au sommet et qui doivent créer leur chemin de vie de toute pièce.


Ce deuxième tome s'avère encore plus riche que le premier, à la fois en ce qui concerne l'intrigue, à la fois pour les originalités narratives sur le plan visuel. Dans le même temps, le lecteur éprouve parfois la sensation frustrante de perdre pied dans une histoire virtuose sollicitant son attention dans trop de directions à la fois.

Presence
8
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le 2 août 2019

Critique lue 102 fois

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