Il est difficile d’éviter Fabcaro, alimentant régulièrement les rayonnages de nouveaux albums, en solitaire comme en équipe (Walter Apleduck avec son compère Fabrice Erre est un très amusant western, à lire). Il est peut-être même un peu trop partout, ses oeuvres sont adaptées en spectacles et films et en plus il est scénariste, romancier, musicien, et peut-être même franc-maçon (mais là j’extrapole).


Gare à l’essoufflement mais aussi à la concurrence. Son humour froid et sardonique sur le monde actuel semble avoir libéré un marché dont l’imitation est parfois trop flagrante. Il ne suffit pas de quelques illustrations aux postures figées avec quelques textes tournant en dérision les absurdités du monde moderne. Une veine que Fabcaro a souvent utilisé, au risque de la tarir. Un courant qui est même devenue une mode. La preuve étant le premier tome de Thérapie de groupe, où un Larcenet épuisé va essayer de se renouveler en tentant à un moment lui aussi de faire du Fabcaro.


C’est différent pour Fornica, qui rappelera Zai Zai Zai, qui lui avait valu un Fauve à Angouleme et qui a même été adapté au théâtre. On y retrouve une histoire au long cours, dont la banalité du quotidien n’est que le point de départ vers des horizons où la banalité s’absurdit.


Le top départ, c’est le repas de famille du dimanche, la petite famille se réunit chez les grands-parents. Tout le monde est content, mais le drame va se jouer. Car personne n’a de sujets de conversation ! Ils ne savent pas de quoi parler. Pire, tous les efforts faits se soldent par des échecs. Hervé conclue une prometteuse discussion raciste sur les noirs par une allusion asiatique et les discussions politiques tournent en rond, ils votent tous à droite.


Et pendant ce temps, un chœur de tragédiens grecs vient commenter l’action aux fenêtres. Car nous sommes dans une tragédie en 3 actes, c’est marqué dans le sous-titre.


Les quelques morts qui se feront au cours de ce repas ne sont d’ailleurs pas bien graves, tant pis pour les enfants (ouiii !). Le drame c’est ce foutu sujet de conversation qui leur échappe. L’heure est grave, chacun fait ce qu’il peut, et c’est souvent assez tordant, la tradition du repas de famille étant ici bien détournée par un Fabcaro qui y trouve une grande inspiration. Le quotidien est une nouvelle fois plongé dans un grand bain d’absurdités qui ne vire jamais dans le surréalisme. Les dialogues sont mordants et piquants, c’est d’ailleurs dessus que repose la majeure partie de ce ton pince sans rire à la sauce anglaise.


Fabcaro fait de plus ici utilisation d’un style qu’on ne lui connaissait pas, semblant travailler d’après photographies pour utiliser un trait assez réaliste sans tomber dans l’excès. Tous les personnages se distinguent par des physiques particuliers, ce qui varie les habituelles satires du quotidien de l’auteur et ses figures interchangeables. Ici, ils ont même des noms, incroyable. Les petites touches de couleur qui semblent être au crayon de couleur sont assez innocentes, permettant de les différencier (chaque femme présente a ainsi sa couleur de cheveux et sa couleur de vêtements). Les décors sont d’ailleurs représentes au minimum, c’est une tragédie on vous a dit, place aux personnages.


L’utilisation de photographies comme modèles permet d’ailleurs une composition assez figée mais aussi une imitation du réalisme qui soulignent toute l’étrangeté du ton proposé. Le miroir n’est pas si déformant, il est différent, proposant un autre monde, une vision d’un repas de famille assez surprenant, en équilibre entre le sans-queue-ni-tête et une vague trame. Il serait d’ailleurs criminel de révéler toutes les idées absurdes et farfelues de l’album, elles perdraient d’ailleurs de la force une fois extraites de leur contexte. Mieux vaut les découvrir.


Fabcaro a encore de la suite dans les idées, voilà qui est rassurant.

SimplySmackkk
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le 30 juil. 2020

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