Histoires d'Elles
Histoires d'Elles

BD franco-belge de Al Covial (2023)

Si tu veux savoir ce qui est bon pour ton corps, c’est à toi de le découvrir !

Ce tome constitue une anthologie d’histoires mettant en scène des femmes et leur relation sexuelle du moment. Son édition originale date de 2023. Il a été réalisé par Aurélie Loiseau pour le scénario et par Al’Covial (Alain Boussillon) pour les dessins et les couleurs. Il comporte trente-huit pages de bande dessinée, et cinq dessins en pleine page pour la page de titre de chacun. Il comprend cinq histoires courtes, d’une pagination différente allant de trois pages à douze pages.


Avec ou sans, trois pages. Après des galipettes matinales, l’homme se lève et s’habille. Il indique qu’il va chercher des croissants à la boulangerie. Allongée nue sur le lit, la femme lui répond qu’elle reste ici à l’attendre. Elle constate qu’il a laissé son ordinateur ouvert, et elle décide de faire sa curieuse. Elle découvre des photographies de femmes nues, toutes avec le sexe épilé. Elle en déduit qu’il préfère qu’il n’y ait pas de poils. Aussi, quelques jours après, avant de retrouver son amant, elle se rase le pubis.


Échecs et sexe, douze pages. Dans un grand imperméable rouge, elle vient de débarquer chez lui avec ses talons hauts et ses bas, et elle lui réserve une petite surprise. Lui, c’est Alben, son adversaire préféré. Elle sonne, il lui ouvre. Une fois à l’intérieur, elle ouvre son imperméable, et elle est en dessous chic sans autre vêtement avec un collier de perles. Il lui dit qu’elle est délicieuse. Elle lui répond qu’elle a envie de lui, que toute la journée elle a pensé à ce moment, mais elle réfrène son empressement, lui demandant d’abord de lui montrer sa petite tenue. Elle a l’impression de voir le regard d’un enfant gourmand.


Fantasme, six pages. Elle est en train de se caresser allongée sur son lit, en regardant une vidéo pornographique mettant en scène quatre femmes entre elles. Souvent le week-end, elle se détend à sa manière, toujours avec du porno lesbien pour s’exciter jusqu’à la jouissance. Elle apprécie pendant quelques minutes le shoot d’hormones du bien-être qui agit sur son corps. L’extase est libératrice. Mais cela s’estompe rapidement, et comme souvent un sentiment de culpabilité l’envahit. Elle se dit qu’elle devrait peut-être essayer avec une femme.


Un amour de vibro, douze pages. Un couple hétérosexuel est en train de faire l’amour, et elle espère qu’il va finir rapidement cette fois. Il ne se rend même pas compte que c’était nul pour elle. Un peu plus tard dans la même journée, elle va retrouver une copine à un café, et elle évoque sa déception. Celle-ci l’encourage à découvrir par elle-même ce qui est bon pour son corps. La copine l’accompagne pour faire l’emplette d’un vibro masseur.


Elle, cinq pages. Elle rejoint trois copines pour passer une soirée ensemble. La conversation tourne autour des sous-vêtements, et chacune évoque sa relation avec, entre celle qui se sent serrée, et celle qui explore son corps avec la lingerie.


Publié par l’éditeur Tabou, il s’agit d’une bande dessinée à caractère pornographique explicite. Le court texte introductif explique que ces histoires sont nées de la rencontre artistique d’un dessinateur de bande dessinée, et d’une sexothérapeute. La présentation continue : Ce projet a été concrétisé avec l’envie de parler de la sexualité des femmes sans tabou, avec légèreté et des notes d’humour ; les petites histoires offrent des moments intimes, elles témoignent des différents visages et facettes du plaisir et désir féminin. Enfin, les deux auteurs ont nourri cette bande dessinée au travers de deux visions différentes, tant au niveau générationnel, qu’au niveau de leur propre regard sur la sexualité d’une femme. Il explicite l’intention de ce projet : L’ouvrage invite les femmes à s’approprier leurs corps et leurs envies. Après vérification, l’autrice existe vraiment, et elle exerce, entre autres, le métier de sexothérapeute : il s’agit donc bien de récits racontés avec un point de vue féminin, et pas juste d’un argument de vente bidon pour refourguer les mêmes fantasmes masculins avec une autre étiquette. Au travers de cinq récits sont abordés de manière explicite le rapport aux poils, les relations sexuelles sans engagement émotionnel, la masturbation à partir de fantasmes pornographiques, l’utilisation d’un sextoy, et les dessous.


Le lecteur peut tomber sous le charme de la jeune femme en couverture, représentée dans un mode pin-up, avec un petit sourire discret, et des accessoires évoquant les récits à l’intérieur. Il en apprécie la jolie mise en couleurs. Les illustrations accompagnant chaque titre de chapitre sont en pleine page : une jeune femme nue assise sur un tabouret, tenant un rasoir mécanique dans son dos, une jeune femme également en mode pin-up et en bikini et talons haut se tenant debout à côté d’une pièce d’échec (un roi) lui arrivant au niveau de la poitrine, une jeune femme brune à genou en culotte avec un téléphone portable à la main, une jeune femme blonde en culotte allongée sur le ventre avec un vibromasseur à ses côtés, une jeune femme potelée en ombre chinoise tenant un sous-vêtement dans chaque main. Des dessins plutôt chastes, avec une ambiance mutine, sans vulgarité, une pose étudiée, des traits de contour assurés, une mise en couleurs apportant du volume à chaque courbe. Le lecteur découvre une dernière illustration en pleine page sur la quatrième de couverture : une autre jeune femme brune de dos, en string et talons hauts tenant un panneau sens interdit tout en regardant une page du troisième chapitre apparaissant en colonne sur la partie de droite.


Les dessins de chaque chapitre présentent les mêmes caractéristiques d’une histoire à l’autre, différentes de celles de la couverture ou des dessins en tête de chapitre. Les traits de contour sont moins lissés, les courbes sont moins mises en avant, les traits sont plus rêches, la mise en couleur est moins sophistiquée. Ils relèvent d’un registre réaliste et descriptif, assez explicite. Comme il est d’usage dans les bandes dessinées appartenant à ce genre, les personnages sont régulièrement représentés nus, sans hypocrisie, avec une bonne visibilité de leurs parties intimes, parfois mises en avant par le cadrage. Ainsi le lecteur peut voir quelques pénétrations, deux ou trois sexes masculins en érection, des personnages féminins avec les jambes écartées, une poignée de cunnilingus, l’utilisation d’un vibromasseur. Toutefois, il n’y a pas de gros plan de pénétration ou sur d’autres pratiques. Toutes les relations sont de nature consentie avec une volonté de partage de plaisir, sans pratiques sortant de l’ordinaire, ou réprouvée par la morale, ni interdite par la loi. Ces dernières caractéristiques placent cet ouvrage à part de la production habituelle.


Le premier récit est très rapide puisqu’il comporte trois pages. Il est raconté du point de vue féminin : la dame souhaite faire plaisir à son compagnon. Les dessins s’avèrent plus ou moins précis (par exemple pour la représentation des tétons), avec parfois des variations anatomiques déconcertantes (par exemple la taille variable de la poitrine de madame). Elle tente donc le rasage du minou… et elle n’obtient pas l’effet escompté. Il n’y a pas de culpabilisation de l’un ou l’autre, pas de discours sur l’injonction au rasage, juste une mise en situation, et une forme d’humour bon enfant (si l’on peut dire). Dans le deuxième récit, le dessinateur prend en charge plusieurs éléments de la narration : les tenues de la jeune femme, l’ameublement de l’appartement de monsieur, la terrasse d’un café, les différentes positions. Le récit se focalise sur cette relation d’amour libre dédiée à la séduction et au plaisir sexuel, sans marque d’affection, un plan cul comme le résume la dame. À nouveau cette relation fonctionne sur la base d’un consentement explicite, sans emprise ou culpabilisation. La scénariste intègre le fait que les deux amants jouent aux échecs entre eux, comme une métaphore de leur relation, pour savoir qui va gagner, c’est-à-dire qui va faire évoluer leur relation vers ce qu’il ou elle veut. Cela induit une perspective déconcertante sur la personnalité de cette femme, sur la manière dont elle envisage la relation amoureuse.


Les trois autres histoires présentent les mêmes caractéristiques concernant la narration visuelle : une mise en page intéressante, des prises de vue conçues spécifiquement pour chaque situation, une représentation dont la précision fluctue dans certaines cases, ou les proportions corporelles d’un même personnage d’une case à l’autre. La brune suivante s’interroge sur ce qui a déterminé son orientation sexuelle (Parce qu’on lui a dit que cela devait être ainsi ?), et sur les conséquences de sa consommation de vidéos à caractère pornographiques. La quatrième héroïne prend en main son éducation sexuelle sur les conseils de sa copine qui lui dit que : La société et leur éducation ont fait croire aux femmes que leur sexualité dépendait d’un homme, mais le corps d’une femme, ses plaisirs, ses désirs lui appartiennent. Si elle veut savoir ce qui est bon pour son corps, c’est à elle de le découvrir. À nouveau, l’histoire aborde un thème particulier de la sexualité féminine à partir d’une situation concrète, sans jugement de valeur, sans culpabilisation ni dramatisation, avec compréhension et une pointe d’humour. Pour finir la scénariste aborde la question des dessous féminins, à nouveau sans obligation, et ni jugement de valeur, y compris pour des modèles rétro ou animaliers. C’est la seule histoire à mettre en scène une femme avec une morphologie différente de la taille mannequin.


Un ouvrage à caractère pornographique dans la mesure où les relations sexuelles sont montrées de manière explicite. Dans le même temps, une collection de cinq histoires courtes abordant différents aspects de la sexualité d’un point de vue féminin, que ce soit les poils, les fantasmes ou l’évolution d’une relation de type plan C, sans jugement ni culpabilisation, avec bienveillance et décontraction. Surprenant.

Presence
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le 16 nov. 2025

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