Une plongée dans la folie

Ceci est mon premier ouvrage de Fabio Moon et Gabriel Ba, n’ayant pas encore franchi le pas Daytripper. Je plonge donc dans l’inconnu, mais d’emblée je suis charmé par la couverture, puis par les dessins lorsque je feuillette l’ouvrage. Et pourtant, avant de commencer ma lecture je me dis que cela va être assez différent de mes dernières lectures.

Dans cette adaptation de la nouvelle du romancier brésilien MACHADO De ASSIS, les auteurs de Daytripper – Fabio MOON et Gabriel BA – réalisent une œuvre philosophique et touchante, interrogeant les dogmatismes scientifiques et politiques.
Simon Bacamarte, aliéniste diplômé, s’installe dans une paisible bourgade brésilienne et, au nom de la science, fonde un asile d’aliénés. Il commence par enfermer et classer les lunatiques, mais ne s’arrête pas là. Son emprise sur la population est telle que bientôt toute la ville est internée. L’aliéniste est-il celui qui soigne la folie, celui qui la fabrique, ou celui qui la porte en lui ?

Cet ouvrage, basé donc sur l’Aliéniste de J-M Machado de Assis, nous raconte les aventures, ou plutôt les obsessions du docteur Simon Bacamarte, aliéniste de son état, dans le petit village d’Itaguaï. Homme de recherche et médecin passionné, il se propose d’ouvrir un établissement, la Maison Verte, afin d’y accueillir les « fous ». De les étudier, de les soigner, de les étudier, de les aider et de les étudier. Ainsi ils ne seront plus, comme jusqu’alors, enfermés chez eux et oubliés.
Le souci, c’est que très rapidement la Maison Verte se retrouve à ne pas avoir assez de chambres ! Et les fous sont de plus en plus nombreux et différents ! Le bon docteur Bacamarte les classe alors par genre et par gravité. Mais le scientifique ne s’arrête pas là puisque bientôt presque tout le village se retrouve interné. La moindre excentricité est propice à l’internement, la moindre originalité et le docteur vous fait embarquer !

Très vite, la colère gronde parmi les habitants encore « libres » et dans un élan de protestation, une révolution est déclenchée dans le petit village et les têtes dirigeantes renversées ! Mais le problème de l’existence de la Maison Verte est vite oublié face aux promesses du pouvoir. Et contre toute attente, c’est le docteur lui-même qui va « libérer » tous ses patients, ne voulant plus centrer ses recherches sur les gens anormaux mais sur ceux, au contraire, bien trop normaux. Et une nouvelle vague d’internements commença ! Et vous étiez certain de finir à la Maison Verte si vous montriez un cerveau bien organisé ».
Mais à nouveau, cela ne durera qu’un temps, une nouvelle hypothèse dans ses recherches venant le titiller, et si c’est lui qui devait être le centre de ses recherches ?!

J’avoue, qu’en commençant ma lecture, sachant que cet ouvrage était tiré d’un livre de 1882, je m’attendais à des longueurs, et bien pas du tout. Les deux frères ont réussit à transposer cette œuvre, joyau de la littérature brésilienne de la plus belle des manières. C’est fluide, passionnant, bien écrit et magnifiquement bien mis en image. On prend un véritable plaisir à suivre les réflexions, intéressantes du docteur Simon Bacamarte. Rien de compliqué, pas un terme que l’on ne comprend pas, et c’est tout naturellement que l’on fini, nous aussi à nous interroger sur la folie, sur ses causes, sur le comment, sur le pourquoi. On comprend aussi qu’une personne peut nous paraître originale alors que pour un homme de science elle sera cataloguée comme folle. Et encore pas par tous les scientifiques. Et c’est là que l’on comprend où veux en venir Machado de Assis, la folie est abstraite. On ne savait pas grand-chose sur notre cerveau et son fonctionnement en 1882 et il faut admettre que cela est toujours le cas cent trente deux ans plus tard. On préfère toujours cacher nos « fous » plutôt que de les soigner, les hommes comme Simon Bacamarte sont trop peu nombreux, où finissent comme lui…

Bref, une bien belle découverte, un récit passionnant, une réflexion qui l’est tout autant, le tout avec des dessins d’une rare finesse et emprunte de sérieux et de calme au milieu de toute cette agitation.