Un Lucky Luke à la sauce veggie

Jul continue sur sa lancée des histoires qui respectent bien le cahier des charges d'un Lucky Luke réussit pour le grand public :

1/ Prendre une thématique très 21ème siècle et l'adapter à un western de la fin du 19ème. Ici, on y reviendra, c'est la protection des animaux et le végétarisme.

2/ Faire des blaguounettes avec des clins d’œils et des références contemporains : c'est souvent (très) insupportable comme lorsqu'il ne peut s’empêcher de placer Barack Obama et Oprah Winfrey dans Un Cow-Boy dans le Coton ; dans l'Arche de Rantanplan il peut lui arriver de nous glisser le confinement dès la planche 2...

Et voilà qu'on nous impose des règles de distanciation sociale maintenant!

3/ Avoir un casting bien rempli avec des indiens ni gentils ni méchants, des desperados pas sympas - tout en faisant apparaitre les Dalton même sur quelques cases - et mettre la panoplie des gentils.

Bref ce n'est aucun de ces 3 ingrédients qui a fait la recette magique des meilleurs Lucky Luke ; mais soit, cela fait longtemps que le lecteur doit faire le deuil de l'illustre passé. Et comme c'est plus beaucoup agréable de ne pas raisonner comme un vieil aigri, alors voici les aspects positifs de cet album :

Le personnage central de l'album, Ovide Byrde, est très attachant. Profondément bon et convaincu de la cause qu'il défend (les animaux) dans un Ouest sauvage hostile. Si on tire le trait, quelques ressemblances avec Waldo Badminton du Pied-Tendre pour son côté un peu naïf bien que coriace. Surtout il est habité par sa cause comme assez peu de personnages de la série et reste cohérent, en ne faisant pas extra-terrestre.

Lucky Luke est fidèle au personnage. Il ne prend pas parti pour la cause veggie ; il défend l’agressé en situation de faiblesse. Il le dit avec beaucoup de lucidité planche 9 :

Je ne crois pas que nos concitoyens américains soient prêts à renoncer au steak dans leur assiette.

Ou encore, pour prouver qu'il restera ce qu'il est, au moment de se dire au revoir, en planche 44

Je vois que vous commencez à bien me connaitre !

Globalement l'album peut avoir cette dimension de faire réfléchir le grand public à la cause animale, et rien que cela lui donnerait le statut de pari gagné. Un peu comme avec Les Gardiens de la galaxie Vol. 3 qui s'est vu récompensé par PETA, qualifiant le film de « chef-d’œuvre de défense des droits des animaux ».

Dans le détails 2-3 clins d'oeils intéressants à noter :

- La prise d'otage de Rantanplan et l'agression de Jolly planches 40-41 qui sont une rareté (une première?) dans la série. Un final très cohérent de la part du méchant Tacos Cornseed.

- Ce perso est approximatif dans sa finition (graphique et historique). Mais sur la planche 16, il arrive dans la maison d'Ovide façon Le Devin dans le Village d'Asterix. Si c'est volontaire de la part de Jul, ce serait jubilatoire car cela s'inscrirait dans ces références discrètes que l'on ne retrouve pas assez.

Ah j'oubliais, l'album est très mal nommé : Rantanplan a un rôle très secondaire et apparait très peu (51 cases pour être précis ; les 3/4 du temps dans le décor).

Il est loin le temps des albums où les histoires étaient spontanées, qu'elles créaient un univers et non l'inverse.