Quand on aborde le manga d'horreur et à ses représentants les plus iconiques, peu de noms viennent en tête : on pensera sûrement à Junji Itô, grand maître du genre et dont l'œuvre a été intégralement rééditée chez Mangetsu en France, ou bien encore à Kazuo Umezu, chez le Lézard Noir... mais ça sera bien tout. Heureusement, grâce au travail éditorial d’Huber Éditions, à qui l'ont doit notamment les rééditions de l'œuvre de Shintaro Kago, une nouvelle pièce maîtresse de l'horreur japonaise est enfin disponible chez nous : L'Enfant Frankenstein, du trop méconnu Norikazu Kawashima.
L'Enfant Frankenstein est un récit de 200 pages haletant, qui démarre en trombe avec une introduction digne d'une rencontre avec la Dame Blanche. L'œuvre de Kawashima étant d'une grande violence et tournée exclusivement vers le surnaturel, pas étonnant qu'il ait voulu s'approprier l'une des plus grandes figures horrifique et fantastique de la littérature.
Mais L’Enfant Frankenstein n'est pas simplement un récit d'horreur, bête et méchant, ou une relecture fainéante du récit de Mary Shelley : il est avant tout un thriller psychologique. En explorant la psyché de Tetsuo et en découvrant l'origine de ses traumas enfouis, on découvre une dualité dans son esprit et les pièces du puzzle s'assemblent. Autour de cette thématique de la quête d'identité, L'Enfant Frankenstein questionne notre rapport à la construction de soi, dans l'enfance et durant l'âge adulte, au travers de Testuo qui n'arrive pas à se construire, hormis dans la peau d'un Frankenstein factice. On regrettera cependant un final un brin rushé, typique de ces récits d'horreur de l'époque Gekiga...
Ne soyez pas surpris de ne pas connaître le mangaka Norikazu Kawashima. S'il a été publié par une maison d'édition japonaise spécialisée dans l'horreur (Hibari Shobo) dans les années 1980, il est resté dans l'ombre toute sa vie, ce qui explique aussi sa courte, mais prolifique ( 29 récits complets publiés) carrière de mangaka d'à peine cinq ans. En France, il était, jusqu'à maintenant, un parfait inconnu sur nos terres éditoriales. Cette édition de L’Enfant Frankenstein, proposée dans un joli écrin, va permettre de changer ça !
Pour couronner la beauté de cette édition grand format, Huber Éditions propose un très bel appareil critique en fin d'ouvrage, composé d'une postface de l'éditeur pour cerner davantage le contexte de création de L’Enfant Frankenstein, ainsi qu'une sélection d'œuvres de Kawashima par Midori No Gosunkugi.
L'Enfant Frankenstein s'avère être une curiosité horrifique méconnue qui fera le bonheur des aficionados de Junji ito ou de Kazuo Umezu, et de celles et ceux amateurs de mangas old-school !