Echos cristallins

Dans ce monde onirique peuplé de cristaux pensants ayant remplacé une humanité disparue, Phos continue de s'interroger sur les Séléniens, population mystérieuse qui descend occasionnellement des cieux dans le but d'enlever certains d'entre eux. Et désormais, c'est sur Maître Vajra lui-même, père de gardien des cristaux, que Phos porte ses soupçons...

Au fil des volumes, Phos, notre personnage principal, a bien évolué, tant physiquement que mentalement. Le motif cristallin devient, avec notre héros, métaphore d’un véritable processus de déconstruction et reconstruction. Oubliant une partie de son histoire à mesure qu’il perd des morceaux de son corps, apprenant toujours davantage sur le monde qui l’entoure à mesure qu’il en incorpore de nouveaux éléments, Phosphophyllite grandit. Son regard sur le monde se fait moins candide, plus grave, et le personnage perd en légèreté, au sens propre comme au sens figuré d’ailleurs.

Et c’est cela qui continue à séduire dans L’Ère des cristaux : cette capacité du manga a faire sens constamment, de manière poétique et réflexive, avec un matériau a priori assez simple et dépouillé, mais riche de symboliques diverses et toujours soucieux de ménager une tension dramatique. Cela, couplé au développement de la communauté des cristaux, chaque volume apportant son lot de nouveaux personnages dont les portraits s’avèrent soigneusement brossés.

Jolie et mélancolique, la série de Haruko Ichikawa offre au lecteur une sorte d’introspection menée sur un faux rythme et qui ne peut passer que par la confrontation à une altérité dispersée et diffractée : celle avec les Séléniens d’une part, mais aussi celle avec les autres cristaux bien évidemment. La compréhension d’un univers désolé devient prétexte au questionnement personnel, sur un mode parfois burlesque, le plus souvent sensible.

Envoûtant et singulier L’Ère des cristaux continue de nous enchanter même si l’on se doute que son caractère particulièrement atypique pourra laisser de côté une partie du lectorat.

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