Une femme pratiquant la sorcellerie, menant plusieurs enquêtes

Ce tome est le premier d'une nouvelle série qui nécessite de connaître les principaux événements de la vie de Wanda Maximoff pour en apprécier toutes les références. Il contient les épisodes 1 à 5, initialement parus en 2016, tous écrits par James Robinson. Chaque épisode est dessiné par un artiste différent : Vanessa Del Rey (épisode 1), Marco Rudy (épisode 2), Steve Dillon pour le monde réel et Chris Visions pour la réalité magique (épisodes 3 & 4), Javier Pulido (épisode 5). La mise en couleurs a été réalisée par Jordie Bellaire (é1), Marco Rudy (é2), Frank Martin & Chris Visions (é3, é4), Luntsa Vicente (é5). Toutes les couvertures principales sont dessinées par David Aja. Les couvertures alternatives ont été réalisées par Kevin Wada, Kris Anka, Mike Cho, Siya OumBill Sienkiewicz, Tom Raney et Jamal Campbell.


Wanda Maximoff s'est installée dans un bel appartement au dernier étage d'un immeuble à Manhattan, avec vue sur la ville. Elle se réveille en repensant à son début de carrière de superhéroïne quand Captain America l'avait recrutée, elle et son frère, en même temps qu'Hawkeye, pour une composition des Avengers sortant de l'ordinaire (3 ex-criminels + Captain America). Elle déambule dans les pièces pour se rendre jusqu'au balcon, tout en devisant avec le spectre d'Agatha Harkness, une sorcière qui lui a appris à se servir de ses pouvoirs (et qui sert concomitamment de narrateur dans la série Vision de Tom King et Gabriel Hernandez Walta). Wanda indique qu'elle ressent comme une perturbation dans le flux de magie.


Le lendemain, Wanda Maximoff se rend à pied sur le lieu d'un crime, pour répondre à la demande de la police, représentée par l'inspecteur Erikson. Un dénommé Hector Gomez a brutalement assassiné 2 clients dans le restaurant où il était aide-cuisinier, sans raison apparente. Wanda Maximoff perçoit des résidus d'énergie magique. Par la suite, elle se rend sur l'île de Santorin en Grèce où elle rend visite à Hécate. Il semblerait qu'une entité ressemblant au Minotaure de la mythologie rôde sur l'île et fasse des victimes. Après ce séjour ensoleillé, Wanda poursuit ses intervenions en Irlande où l'attend Declan Dane (Emerald Warlock), et le spectre d'un membre de sa famille.


Ce n'est pas la première fois que James Robinson écrit des histoires de sorcières, il l'avait déjà fait pour Vertigo avec Witchcraft illustré par Steve Yeowell, Michael Zulli, Peter Snejbjerg et Teddy Kristiansen. Dans les années 2010, ce scénariste avait recommencé à écrire des histoires de superhéros pour Marvel avec les séries Fantastic Four et All new Invaders. Après Secret Wars (2015) de Jonathan Hickman & Esad Ribic, James Robinson rempile avec Marvel pour 2 séries : celle de Squadron Supreme et celle-ci. À nouveau il a bien fait son travail de recherche de références. Il évoque dès la première page l'entrée dans le monde des superhéros de Scarlet Witch, ainsi que son rôle à l'occasion de Avengers Disassembled et les révélations récentes sur ses parents dans Axis.


Le scénariste choisit d'aller de l'avant, tout en prenant en compte l'histoire personnelle de Wanda Maximoff. Il se montre assez caustique en faisant en sorte que l'héroïne rappelle à ses interlocuteurs discourtois qu'il vaut mieux ne pas la fâcher parce qu'elle peut remodeler la réalité (comme elle l'a fait dans House of M). Elle a choisi d'aller de l'avant et de continuer à mettre son pouvoir aux services du bien de la communauté. Pour faciliter les échanges d'informations et l'expression de son ressenti, elle converse donc avec le spectre d'Agatha Harkness, son ancien mentor. Robinson sait faire passer la personnalité de Wanda Maximoff : décidée, pas tout à fait débarrassée de son sentiment de culpabilité, refusant de se laisser impressionner et capable d'empathie pour les victimes. Il ne cherche pas à en faire une superhéroïne, il préfère mettre en avant ce qui en fait un personnage spécifique, c’est-à-dire sa condition de sorcière.


Pour ce premier tome, le scénariste a conçu son histoire en 4 récits indépendants, 1 par épisode, à l'exception des 3 & 4 liés entre eux. Il embrasse pleinement l'existence de la sorcellerie et de la magie, Scarlet Witch remplissant le rôle d'enquêtrice en phénomènes paranormaux. Il utilise des personnages secondaires de l'univers Marvel avec parcimonie, comme Hécate ou Man-Bull. Le lecteur découvre qu'il s'est fixé comme objectif global pour ce premier tome de donner un ennemi récurrent à Scarlet Witch, un sorcier (Emerald Warlock) qu'il avait introduit dans le premier numéro annuel des Uncanny Avengers. Le lecteur prend plaisir à découvrir ces enquêtes rapides, avec un dénouement rapide et définitif, dans des endroits divers et variés. Il apprécie également le caractère décidé et responsable de Wanda Maximoff, légèrement ombrageuse quand on lui manque de respect. Il se rend compte que James Robinson évoque sa mère mais sans trop s'étendre sur le sujet, que Wanda Maximoff se conduit en héroïne courageuse, et que les affaires criminelles évoquent les crimes passionnels, mais aussi la condition des femmes.


Le choix de raconter une histoire par épisode ou presque légitime la mise en images par un dessinateur différent à chaque fois. Vanessa del Rey trace des contours irréguliers, comme si elle utilisait une mine de graphite en variant la pression qu'elle lui applique. Elle décrit un appartement avec une hauteur sous plafond impressionnante, des rues newyorkaises avec beaucoup de passants, et un combat magique qui se déroule sur fond vide. Elle varie régulièrement les angles de prise de vue pour donner plus de mouvement à sa narration graphique. Les visages ne sont pas dessinés de manière précise, et les morphologies ont tendance à fluctuer d'une page à l'autre, que ce soit la largeur d'épaule de l'inspecteur Erikson ou la finesse des chevilles de Scarlet Witch. Elle a imaginé un costume plus réaliste pour l'héroïne. Le combat contre l'entité maléfique est spectaculaire avec des énergies magiques qui crépitent. Jordie Bellaire utilise une palette de couleurs assez sombres pour compléter les dessins. Ce premier épisode convainc le lecteur que James Robinson s'est approprié le personnage et qu'il sait où il va. Les dessins proposent une vision originale, mais qui manquent de consistance dans la deuxième moitié du récit.


Marco Rudy a la hantise des dispositions de pages à base de cases rectangulaires sagement accolées. Chaque page est structurée en arabesques, en cercle, en labyrinthe, en fonction de la nature de la séquence. Il travaille à la peinture directe de type aquarelle, ou à son équivalent infographique. Le lecteur peut fatiguer à force de ces dispositions toujours changeantes, amis elles reflètent à merveille les arabesques des énergies magiques, les fluctuations d'état d'esprit de Wanda Maximoff, les trajectoires des énergies projetées lors de l'affrontement. C'est un festival visuel qui donne une dimension supplémentaire à l'intrigue.


Pour les 2 épisodes suivants, Steve Dillon se charge de dessiner les séquences se déroulant en Irlande et Chris Visions de celle se déroulant dans la dimension magique. Les dessins de Dillon tranchent avec ceux de Marco Rudy : ils sont beaucoup plus descriptifs avec des traits fins pour délimiter les contours, et beaucoup moins expressionnistes et en mouvement. À nouveau, l'approche graphique de ce dessinateur est adaptée à la nature des séquences, et il montre de manière concrète l'aéroport de Dublin et un pub typique, en les rendant concret. Comme à son habitude, il utilise les mêmes typologies d'acteurs pour incarner les personnages. La narration visuelle est de qualité et fournit un contraste maximal avec les séquences dans la dimension magique. Chris Visions détoure les formes à gros traits irréguliers et rapides et applique la peinture à grands coups de pinceau. Le lecteur voit évoluer des personnages plus esquissés que dessinés avec soin, dans un environnement semblant palpiter d'énergies fluctuant ne liberté. Le résultat n'est pas très joli. Il réussit à rendre les particularités de cette dimension, mais il est très en deçà de l'inventivité visuelle de Marco Rudy.


La dernière histoire se déroule à Logroño en Espagne, dans un monastère. L'apparence des dessins de Javier Pulido nécessite un moment d'ajustement, car ils semblent simplistes, avec des traits trop fins et une densité d'information visuelle trop faible. Il doit illustrer 12 pages de récits dépourvues de tout texte, que ce soit des phylactères ou des commentaires dans des cellules. Le résultat se lit tout seul sans difficulté d'interprétation. Sa technique narrative s'avère donc de qualité, mais le lecteur peut plus ou moins apprécier sa façon de décrire une réalité un peu édulcorée.


Ce premier tome propose une forme de récit originale : des histoires en 1 ou 2 épisodes, dessinées par des artistes différents, mais dont le cumul fait apparaître une trame globale. Par la force des choses, le lecteur apprécie plus ou moins les caractéristiques graphiques des différents artistes, avec une mention spéciale pour le spectacle baroque des pages de Marco Rudy. Il voit se dessiner un personnage complexe au fil des épisodes, assumant le poids de ses actes passés sans qu'ils ne la submergent de culpabilité. Il apprécie le courage de James Robinson d'embrasser le genre de la sorcellerie, avec tous ses codes de fantaisie, au premier degré. Il souhaite ardemment que la suite confirme ce début de qualité, auquel il ne manque qu'un objectif plus ambitieux que d'installer un ennemi récurrent pour Scarlet Witch.

Presence
8
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le 7 mai 2020

Critique lue 194 fois

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