La non-présence d'un André Juillard, devenu de plus en plus paresseux, s'en battant complètement les couilles, pour ce qui est du graphisme, dans un album dont le scénario est signé Yves Sente, est une bonne nouvelle. Il ne faut pas longtemps pour se rendre compte que sans valoir les sommets visuels de la série, Peter van Dongen et Teun Berserik s'en sortent tout à fait honorablement. Et, au contraire des collaborations entre l'excellent Antoine Aubin et le nullos Étienne Schréder, il n'y a aucune différence de style visible ici, rien qui pique désagréablement l’œil, tout est parfaitement uniforme.


Maintenant, est-ce que le scénario d'Yves Sente, capable d'aller dans le bon, mais aussi dans le pire du pire, est à la hauteur de la forme ?


Spoiler, non...


L'ensemble se déroule juste après Le Secret de l'Espadon et tout ce qui tourne autour de cet album mythique est raté. Le final avec Olrik dans la nouvelle invention donne une impression de déjà-vu, non seulement par rapport à l'Espadon, mais aussi à d'autres albums de Jacobs, comme Les Trois Formules du professeur Satō.


Le grand méchant, enfin celui qui est censé être le grand méchant, est un Basam-Damdu du très pauvre. Autant, le lecteur que je suis ressentait une véritable puissance chez l'antagoniste de l'Espadon, une véritable armée, un véritable armement, une véritable capacité énorme de destruction, autant là, j'ai eu l'impression d'un taré mégalo vivant au fin fond d'une jungle qui peut être réduit à néant en deux coups de cuillère à pot. Je n'ai pas eu l'impression qu'il puisse être une menace efficace en dehors de son camp. Et franchement, ce n'est pas un simple papier ancien qui va lui imposer une quelconque légitimité à prendre le pouvoir. Cela ne tient pas la route un seul instant.


Tiens en parlant de méchant, Olrik, ce cher et tendre Olrik, ben, il ne sert pas à grand-chose.


Il se fait passer pour un ingénieur mort, dont le décès avait été annoncé dans les journaux (ce n'est pas comme si, par exemple, le colonel l'avait tué à l'abri des regards, avait dissimulé son corps, donc sa mort, avant de prendre son identité !) que les services secrets de Sa Majesté ne lisent pas puisqu'ils laissent très facilement, sans se renseigner d'abord le moins du monde, le Monsieur intégrer un programme normalement ultraconfidentiel. Oui, bonjour grosse incohérence. Il n'apparaît pas pendant un long moment, à savoir quand Mortimer est dans la jungle (je vais y revenir tout de suite !).


Passons aussi sur le fait que le monde est vraiment petit, car tout le monde se retrouve exactement au même endroit du globe, à savoir le camp de prisonniers. Olrik, Ahmed, Mortimer, etc.


En fait, pour en venir directement au point, j'ai eu l'impression de deux récits indépendants, qui ne sont pas vraiment liés l'un à l'autre. Celle un peu trop sous l'ombre de l'Espadon, qui se contente de recycler des éléments vus et revus et rerevus auparavant, dont la BD aurait pu se passer (ce qui comprend donc Olrik qui est complètement dans cette intrigue !) et celle qui nous plonge dans l'histoire et le folklore chinois, où le fantastique et même le merveilleux font acte de présence. Bref, tout ce qui concerne l'empereur, les dragons, etc.


Et ce qui aurait été bien, c'est d'avoir une histoire qui laisse totalement de côté l'Espadon et qui brode quelque chose de totalement inédit avec les éléments chinois cités précédemment. Oui, certes, il y avait aussi des dragons dans Satō, mais d'une tout autre nature et dans un tout autre contexte.


Cahier des charges prescrit par les éditeurs oblige certainement, il faut forcément faire référence à une intrigue de Jacobs, de préférence soit La Marque jaune, soit Le Secret de l'Espadon, forcément y intégrer Olrik, même s'il ne sert à que dalle (heureusement que Le Serment des cinq Lords a pu être une exception dans l'après-Jacobs !). Bref, le meilleur moyen, paradoxalement, de trahir Jacobs, en plus de donner quelque chose de fade.

Plume231
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le 14 mai 2021

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Plume231

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