Après un premier épisode laborieux avec une mise en place plus complexe que mystérieuse, Yves Sente corrige plutôt bien le tir dans ce second opus. Alors qu'il lui arrive parfois de gâcher un peu le potentiel qu'il a installé dans ses intrigues, il renoue ici avec l'esprit très aventure fantastique propre aux bandes dessinées des années 60 et 70. S'il ne développe rien de surprenant dans ses péripéties et si les coïncidences sont parfois trop appuyées pour rendre l'ensemble moins naïf qu'il ne se prétend vouloir être, on a droit à un titre efficace, riche en action et plutôt bien amené. Le prétexte fantastico-historique en vaut un autre et l'atmosphère asiatique bien exprimée (même si l'excès d'une couleur oscillant entre la jaunâtre et le verdâtre est parfois dommageable).
Le dessin reste très précis et les paysages sont souvent somptueux même si de nombreuses vignettes auraient mérité d'être plus grandes pour s'exprimer pleinement (mais comme très souvent dans cette série des Blake et Mortimer). On retrouve des idées un peu anciennes (Olrik, dont la présence n'est jamais supposée par nos deux héros, déguisé à l'aide d'un masque), une continuité dans l'esprit du progrès (apparaissent ici deux nouveaux prototypes volants qui font plutôt honneur à l'Espadon) et une vision politique combinant les enjeux des années 50 et ceux d'aujourd'hui. Les thèmes évoqués de l'immortalité, incarnée par des dragons qui en protègent le secret, font aussi de cet opus un bel hommage aux titres d'aventures fantastiques d'hier. En cela, Yves Sente se pose en véritable héritier d'une certaine BD.
La Vallée des immortels n'est clairement pas sa plus grande réussite mais l'aventure est au-rendez-vous. Les mystères ne sont pas assez poussés, on ne sait jamais si l'ensemble feint d'être naïf ou s'il l'est vraiment et les personnages, contrairement à d'autres épisodes plus aboutis, manquent de profondeur, mais le résultat, après un premier opus bavard et maladroitement conçu, reste très divertissant. On est très loin de la finesse d'EP Jacobs mais l'amateur des divers ingrédients qui font la recette de Blake et Mortimer doit y trouver son compte. Sans être non plus totalement transcendé, on l'a bien compris.