Dans un état d'Amérique du nord qui n'est pas aussi à l'ouest que les autres, où il n'est pas question au premier plan de cow-boys à éperons, une silhouette fine et une allure reconnaissable entre mille sort du bois. Ce profil qui a hantera peut-être bientôt l'étagère de votre bibliothèque, c'est celui d'Elijah Stern, croque-mort de son état. Diffiicile de vous parler de cette bande dessinée sans tomber dans une comparaison constante, puisque qu'elle arrive sur le marché en même temps que la saga Undertaker dont les héros exercent tout deux cette profession macabre. Pourtant, à part la profession du héros, rien à voir. Là ou Dorison proposait un héros sanguin au passé que l'on devine immédiatement hors des sentiers battus, les frères Maffre mettent en avant un personnage énigmatique, d'une sobriété très efficace. C'est un héros presque timide qui parcours ces pages. Les dialogues sont plus brefs, il semble introverti, presque victime de son statut de mauvais augure, comme désolé de la longue liste de collègues qui ont peuplé nos meilleurs westerns dans les pages comme à l'écran. S'inscrivant dans une tradition, pour rapidement mieux s'en détaché. Le croque-mort est sarcastique ? Non...il est humble et minimaliste dans son rapport au client. Il est intéressé ? Peut-être un peu, mais il vit sobrement de son art et ne se réjouit pas du décès. Il est focalisé sur son métier et est blasé de l'existence ? Non...il aime lire et se cultiver, autant qu'il est serviable. Monsieur Stern n'est pas juif. Monsieur Stern se joue des stéréotypes pendant 60 pages. Et c'est ce qu'on aime...
Dans la petite ville du Kansas, un homme est mort dans un bordel. Vite, appelez monsieur Stern, qu'il nous débarrasse du corps sans scandale, un alcoolique de plus qui a cassé sa pipe dans les bras d'une prostituée. Manque de bol, Monsieur Stern, à la demande de la veuve (pas très éplorée) accepte de pratiquer une autopsie clandestine. Les organes laissent à croire que le bougre a été assassiné...et cette enquête le mène à son propre passé.
Les dessins réalistes sont très réussis, les plans nous donnent à voir tous les ingrédients d'un bon western, même s'il fait plus office de toile de fond que de genre littéraire. Vous retrouvez les personnages emblématiques, le shériff, le pianiste du saloon, les bagarres et la poussière claire de la rue principale. Ce scénario n'est pas une histoire de règlement de compte dont on voit venir chacun des rebondissements, c'est une enquête dont le dénouement laisse assez de zones d'ombre pour donner de la crédibilité à une suite.
J'ai beaucoup aimé l'idée de départ (sacré manque de bol qu'un croque mort soit resté très discret, écrasé par une collègue qui avait plus de piquant et, disons le, une grande gueule) et je trouve qu'elle est traitée avec tact et efficacité. Ce qui rend cette BD vraiment chouette c'est d'avoir réussi à donner vie à un héros reconnaissable entre mille, mais victime de sa réputation. Lorsqu'il apparait dans une case, c'est un peu comme si le dessinateur l'avait poussé sur la scène du théâtre contre son gré. Peu bavard, d'allure honnête et luttant pour la justice, il sent à plein nez le héros de l'ombre. Et ça, ça plait toujours.
Pour un polar dans le grand ouest, c'est par là ! Et pour moi c'est un beau coup de coeur, je ne suis pourtant pas fan de ce genre.